Sirius secoua la tête, désolé. Décidément, ce fichu vaisseau lui en faisait voir de toutes les couleurs ! Un invité ? Pourtant, Marina leur avait assuré qu'aucune bête féroce ne traînait dans les environs. Il s'agissait peut-être d'un petit lapin inoffensif...?
— Arrête de parler par énigmes, Ayah. Va plutôt vérifier ce qu'il se passe.
Elle se leva, exaspérée, et s'engagea dans les couloirs. Pourquoi était-ce à elle que Sirius s'en prenait toujours quand quelque chose n'allait pas ? Heureusement (pour elle), elle avait arraché Sorenn à Zora en prétextant que, si jamais le passager clandestin n'était pas un lapin, elle devrait se défendre. Mais, en réalité, elle n'avait aucunement besoin des talents du tireur d'élite improvisé. Elle savait se garder toute seule, comme une grande, mais un peu de compagnie entre les rouages huileux ne lui ferait pas de mal. Leurs pas émettaient un son métallique très agaçant. Sorenn se sentait étrangement plus lourd à bord du Pandora. Peut-être que la faible gravité de cette planète inconnue l'avait aidé à développer ses capacités ?
La salle des machines se trouvait au premier étage, sous la salle des commandes et des quartiers habitables. Ces grosses batteries cachaient à la fois les placards à balais et les sacs de provisions. Ayah, quand elle ne s'amusait pas avec les autres, se cachait dans l'une de ses salles étroites couvertes de tuyaux fumants.
Au fond, elle aimait ce métier. Au fond, elle aimait ce vaisseau et cet équipage dont elle faisait partie. Elle s'y sentait utile et voulait à tout prix garder ce statut, d'autant que les machines y étaient plus faciles à vivre que la majorité des êtres dotés de paroles. Même si parfois elles l'enquiquinaient, elles étaient incapables de faire le moindre reproche, la moindre remarque piquante ou blessante. Le métal était froid. Sans âme. Elle pouvait être qui elle souhaitait parmi ces créatures fumantes et gargouillantes. Elle pouvait oublier les principes pompeux et penser sans retenue car là où elle passait ses journées, même Sirius ne pouvait l'entendre.
— Qu'est-ce que c'est, à ton avis ? souffla Sorenn de sa voix tremblante.
— C'est pas moi qu'a un œil bionique !
Elle prit une grande inspiration, constatant à quel point elle avait parlé sèchement. Il lui faudrait certainement plus qu'une nuit de repos pour supporter le caractère du méta-droïde. Elle commençait déjà à regretter de l'avoir traîné face au danger. Premièrement parce qu'elle l'exposait à un risque incertain, deuxièmement parce qu'à ses yeux, il n'était qu'un boulet.
— Je n'ai pas été...
—Mais fie-toi à tes sens au lieu de baratiner, espèce de cafard cosmique !
— Mes sens ? Je n'ai aucun sens. Mais si j'avais un sens... Mon sens serait peut-être -
Ayah agrippa Sorenn sans prévenir et encastra sa main sur son visage pour le faire taire. Un long crissement strident retentit en écho dans la pièce. Quelque chose se promenait dans les conduits du navire. Cette chose était à quelques mètres d'eux.
— Des griffes... des griffes et au moins six pattes, susurra Sorenn, pétrifié.
— C'est seulement maintenant que tu t'en aperçois ?...Merci, le bleu. Merci.
Elle suivait les grattements aigus du regard sans même cligner des yeux. Sa main plongea dans l'un des revers de sa jupe pour trouver cette petite arme primitive que Sorenn connaissait bien. Le souvenir ravivé de leur première rencontre fit courir un frisson le long de sa nuque. Les secondes se suspendaient à leurs lèvres alors qu'ils attendaient l'affrontement. Un affrontement fatal et inévitable contre un ennemi encore inconnu. Le perpétuel chant des moteurs demeurait seul indicateur de vie car même s'ils tentaient de le cacher, les deux acolytes étaient morts de peur. Ils tremblaient à l'idée de devoir affronter une créature féroce. Et si elle était venimeuse ? Si elle était agressive?
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PANDORA-IV [Les enfants de Kirisben]
Science-FictionSorenn n'était qu'une machine, un moins que rien maltraité par ceux pour qui il travaillait. Forcé à s'épuiser dans une usine sinistre, sa vie s'effondre lorsqu'un groupe de criminels fait irruption dans son laboratoire. Ces pirates cherchent un tré...