Chapitre Dix: L'aube D'une Aventure

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— Viens... Allez, viens !

Il pleuvait. Pas une petite bruine douce, non. Il pleuvait à grosses gouttes glacées. De violentes bourrasques secouaient les arbres à en arracher les branches, des éclairs fendaient le ciel noir dans un vacarme jamais égalé. Le hurlement du vent se heurtait aux murs du palais. Il semblait si sinistre, vu de l'extérieur...

Pourtant, à l'intérieur, la vie continuait paisiblement. Le prince ne lisait plus; il se tenait tranquille, seul, au milieu d'une pièce vide. Mais la petite fille traînait dans les parages. Il entendait sa voix de crécelle. Il entendait ses pas lourds et maladroits dans les couloirs du manoir. Il entendait son rire. Enfantin. Exécrable. Il vit son ombre filer à travers le papier translucide de la porte coulissante.

— Grand frère ? Viens jouer avec mouaaaaa...

Ça non, il ne voulait pas. Plutôt passer sa vie avec une paire de serpents venimeux. Sa sœur lui semblait différente, depuis quelque temps. Il suffisait qu'on lui demande de faire quelque chose pour qu'elle en fasse le contraire. D'habitude si calme, il lui suffisait depuis peu d'une étincelle pour s'enflammer.

Il continuait de se concentrer face à ses exercices compliqués tout en faisant le moins de bruit possible. Malheureusement, un courant d'air froid le fit éternuer. Il voulut s'en empêcher. Trop tard ; elle l'avait entendu. Il laissa échapper un soupir désespéré tandis que sa main minuscule glissait à travers l'entrebâillement de la porte.

— Trouvé !

Elle lui sauta au cou sans retenue, manquant de renverser ce que son aîné préparait. Il la repoussa en râlant et lui ordonna de se tenir comme la princesse qu'elle était. Elle ne pouvait lever un doigt sans qu'il la reprenne. Finalement, elle s'assit sur le petit coussin à sa droite, curieuse de savoir ce qu'il fabriquait.
Face à lui se tenait un petit plateau de rectangulaire. Sur ce plateau de bois se trouvaient trois tasses de porcelaine identiques, toutes remplies d'eau jusqu'à la moitié.

— Qu'est-ce que tu fais, U ?

— Tu vas voir.

Silence. L'enfant devait se concentrer. Il entoura le premier récipient de ses doigts en le frôlant, sans le toucher. Le regard fixe, il plaçait toute ses capacités, toute son énergie entre ses paumes de sa main droite. La fillette observait la scène avec attention. Que se passait-il ? Elle avait hâte de connaître le dénouement de cette expérience.
Tout à coup, une bulle éclata à la surface. Elle sursauta. Le garçon se mit à réciter une parole à voix basse dans une langue inconnue. Une autre bulle se forma.

— Donne-moi ta main.

Il lui prit le poignet et fit tomber trois de ses doigts dans l'eau. Contrairement à ce qu'elle pensait, l'eau ne bouillait pas. Elle était même glacée. Lorsqu'elle ressortit sa main de la tasse, elle se mit à rire : l'eau avait changé de couleur sous ses yeux ! Elle n'était plus translucide, mais d'un bleu presque opaque. Et tandis que les gouttelettes dégoulinaient le long de sa peau, l'eau continuait de muter ; du rose au vert en passant par le mauve, tant de nuances improbables l'émerveillaient.

Elle se frotta les mains, sidérée, et la couleur se répartit dans une multitude de teintes qu'elle n'avait jamais vues. Elle se mit à applaudir et son frère à sourire. Considérant qu'elle avait assez joué, il lui tendit un morceau de tissu avec lequel elle se sécha. Pour couronner le tout, le mouchoir fût mouillé, mais resta immaculé.

— Encore, encore !

— Non, c'est fini.

— Je veux faire comme toi ! Allez... Dis oui...

PANDORA-IV [Les enfants de Kirisben]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant