Chapitre Trois: Du sang et des Larmes

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— La clef, professeur ?

— La clef. Ils vont voler... Ne les laisse pas...

Sorenn ne reçut pas d'autre indication. Il sentit un poing s'abattre contre son dos. Une créature l'avait agrippé par le col à la force d'un seul bras. Jamais il n'avait vu pareil monstre de sa vie; deux cornes enroulées sur elles-mêmes, une peau violette, des cheveux verts et un troisième œil au milieu du front qui le fixait comme s'il allait le dévorer.

— Toi P.U.R.G.E ?

— La... lâchez-moi !

Au cœur de la panique, l'androïde remarqua que son agresseur n'utilisait qu'un poing pour le secouer; l'autre contenait quelque chose. Vif, il lui donna un coup de genou et se rua sur la main prise pour attraper un petit objet rectangulaire qu'il n'avait jamais vu auparavant. Seuls trois traits blancs sur le fond noir permettaient de bien distinguer la grandeur du minuscule outil. Une clef ? Cela n'y ressemblait pas du tout, mais puisqu'Halzo avait donné des ordres...

— Professeur, je –

Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase que la créature lui retombait dessus, prête à le déchiqueter pour de bon. D'autres accouraient déjà. Quatre contre un. Sorenn savait qu'il n'avait aucune chance face à ces brutes, mais continuait de se défendre du mieux qu'il pouvait, serrant le mystérieux objet contre son cœur.

Le monstre frappa. Une fois, deux fois. Il le bousculait contre les étagères à en tomber les bocaux. Deux fois, trois fois. Tout, autour d'eux, volait en éclats. Il griffait ses bras et son visage pour le forcer à lâcher l'artefact. Quatre, cinq, six fois. Toujours plus fort. Avec un peu plus de colère, un peu plus de haine dans chaque geste.

Lassé par ce jeu qui devenait trop long, il l'empoigna une dernière fois par les cheveux et, ignorant ses sanglots terrorisés, s'approcha de l'incubateur en ruines dont les restes formaient des lames aiguisées. Une grande inspiration. Un peu d'élan. Il était prêt à lui transpercer le crâne.

— ASSEZ !

Contre toute attente, la bête reposa doucement Sorenn sur le sol. Le combat cessa et Sorenn en profita pour reprendre son souffle, complètement sonné.

— Chef, lui avoir la clef !

— Laisse-le donc venir à moi, nous verrons bien.

Le monstre serra les dents. Il mourait d'envie de briser le petit en deux, mais dut se contenter de le pousser délicatement vers son capitaine. Jusqu'alors caché derrière Katz encore endormi, Sorenn traversa la pièce sous les regards meurtriers des pirates. Une silhouette se détachait du groupe sous la faible lueur bleutée. Elle semblait très calme, tranquille en comparaison aux autres barbares qui formaient son équipage. C'était un homme, un très jeune homme, quoique plus âgé que Sorenn.

À la vue du méta-droïde, il ferma sèchement le dossier qu'il était en train de lire et lui adressa un sourire. Un sourire glaçant. Les vapeurs montantes masquaient l'éclat de malice qui émanait de ses yeux. Toxiques. Il y avait quelque chose d'imperceptible dans sa manière d'être qui dérangeait l'adolescent et le faisait hésiter un peu plus après chaque pas en sa direction. Une certaine noblesse d'âme combinée à une froideur jamais égalée. Quelque chose qui, au premier mot qui sortit de sa bouche, engourdit Sorenn de la tête aux pieds.

— Au mauvais endroit, au mauvais moment, n'est-ce pas ?

Sorenn n'osa répondre. En levant la tête, il put apercevoir une grande brèche dans le mur derrière son interlocuteur. Le vent d'un froid saisissant s'engouffrait dans le laboratoire. C'était par là qu'ils étaient entrés.

PANDORA-IV [Les enfants de Kirisben]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant