Chapitre V: Tout ça pour une galette !

237 19 22
                                    

La première nuit, ou se qui s'en approchait - car il fait toujours nuit quand on vit dans l'espace- fut très difficile pour Sorenn. Longue. Interminable. Il refusait de fermer les yeux, trop occupé à empêcher son corps de chavirer à chaque secousse. Bientôt, les larmes ne tombaient plus. Elles avaient tant coulées que sa gorge semblait desséchée. Toutes ces émotions qu'il commençait à ressentir rendaient son esprit de plus en lourd au point de l'assommer complètement. Il se tournait et se retournait sur sa couchette, las de n'être capable de rien. Terrifié par l'absence d'indications. Son programme n'aurait jamais prévu de le voir un jour dans un vaisseau spatial.

Tout prêt de lui se trouvait un hublot dont la vitre donnait sur l'obscurité sidérale. Il se redressa, fit glisser son corps au plus prêt de l'ouverture et colla son front contre la vitre. L'usine s'étendait bel et bien au delà de ses murs; les ampoules grimpaient toujours plus haut, toujours plus loin dans le ciel noir. 

"Quel beau spectacle !" pensa Sorenn avant de se laisser retomber sur son oreiller. Il s'endormit dans la douleur du deuil, après avoir combattu le repos de toutes les forces qu'il lui restait. 

╔╣█╠╗╚╝╔╣█╠╗╔╣█╠╗


Ayah, Heug et Sirius discutaient calmement sur les banquettes de ce qui semblait être une salle à manger. Les deux techniciens avaient éventré deux gros sacs sur la table pour observer ce qu'ils avaient volé. En sécurité au milieu de nulle part, les pirates pouvaient enfin contempler leur butin. Des objets de diverses formes et diverses valeurs, des babioles et des bibelots qu'ils pourraient revendre sans trop de peine sur la prochaine planète qu'ils visiteraient. Ayah inspectait minutieusement ce butin sans grande conviction.

— Qu'est-ce que c'est que ce machin ?

— Une sorte de radiomètre, j'ai l'impression.

— Et ça ? Puis ce truc, là...Heug, t'es vraiment inutile. Ce que t'as ramené ne vaut pas un crédit !

— Ça être probablement important...mais ça être matériel scientifique et moi détester science.

— Je préfère la chimie... faire des bombes, du poison, des substances dangereuses et tout ça...

— Concentrez-vous ! grogna Sirius.

Soudain, la porte de la salle s'ouvrit sur une silhouette craintive qui tortillait ses doigts tremblants.

— Approche, Sorenn...

Ayah prit soin de ranger ses affaires dans les sacs qu'elle glissa sous la table. Mieux valait éviter au garçon le souvenir encore brûlant du laboratoire. Heug se leva pour inviter le nouveau à s'asseoir avec eux.

— Toi être plus à l'aise au sec, non ?

— Oui... oui, merci.

Le machiniste lui avait dégoté quelques affaires neuves en fouillant dans le vaisseau. Des vêtements propres et flamboyants beaucoup plus agréables que son vieil uniforme trempé.

Il avait eu un peu de mal à comprendre leur fonctionnement, en réalité. Et quelle tenue étrange! Il n'en avait jamais vu de telle, accoutumé à la blancheur des chemises ouvrières. Pas de blanc sur le haut à col serré qui couvrait son bras droit jusqu'au coude, mais un orange qui s'approchait de la couleur de ses cheveux. Pas de blanc sur ces deux pans de tissus rabattus à la manière d'un kimono, mais de magnifiques motifs de soleil. Son pantalon livide avait été remplacé par un bas ample noué aux chevilles et retenu par deux larges bretelles et un foulard cuivré. Enfin, il avait quitté sa paire de bottes d'usine qui lui meurtrissaient les pieds; il trouvait son bonheur avec les petites chaussures plates qu'on lui offrait.

PANDORA-IV [Les enfants de Kirisben]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant