PANDORA-IV [Les enfants de Kirisben]

Chapitre vingt trois: Tu as tout d'exceptionnel

Les coups de feu se perdirent au travers du firmament peu de temps après leur départ. Le Pandora IV n'eut aucun mal à semer la P.U.R.G.E grâce à sa vitesse et à la réactivité de son équipage. Mais aucun cri de joie, cette fois. Aucun chant de victoire. La défaite était considérable. Ils étaient tous revenus. Tous, sauf Ilam. Le jeune page s'était sacrifié pour son groupe. Pour le prince qu'il suivait depuis toutes ces années.

Le Pandora venait de perdre un deuxième élément, et l'univers entier le comprit aux hurlements déchirants de Sorenn. Et de trois. La tristesse, la colère et la culpabilité le rongeaient. Le page s'était sacrifié pour eux. L'adolescent n'avait rien pu faire. Ilam avait choisi de mourir et personne n'aurait pu l'en empêcher. Celkie se chargea de l'accompagner jusqu'à sa chambre sous les regards des hommes entassés dans le navire. Une nouvelle vague de sanglots le secouait à chaque souvenir. Le protéger ? Cette promesse n'allait jamais s'accomplir.

Le cadet refusait de manger et de boire, refusait de se maintenir en vie depuis que ses amis ne l'étaient plus. Pourquoi eux ? Qu'avaient-ils d'aussi déplaisant pour que le Destin refuse de les laisser vivre ? Personne ne pouvait le consoler. Il s'en voulait tant de ne pas l'avoir sauvé. Il entendait encore sa voix naïve qui jurait que tout allait pour le mieux et son rire puéril contagieux, rejouait sans cesse ces interminables conversations qui avaient fait courir les nuits dans la couchette qu'ils partageaient avec Celkie, ces petits moments privilégiés à leur adolescence – ou du moins à ce qu'il en restait. La vision de son visage d'enfant éclaboussé par son propre sang revenait le hanter, inlassablement. Ses yeux exorbités, ses dernières paroles et cette reconnaissance que l'ancien androïde ne méritait pas. Aucun d'entre eux n'était venu. Sorenn l'avait abandonné.

Son deuil se fit petit à petit, dans la solitude. Une pensée permit une partie de son rétablissement ; au moins, maintenant, il retrouvait Zora dans les étoiles et était probablement mieux là-bas, dans les rêves de l'univers. Il devait bien s'amuser, au paradis...

L'adolescent ne cessait de s'adresser à lui comme s'il était encore à ses côtés. Il se redressa faiblement sur sa couchette, s'appuya contre le mur et posa une main sur le hublot. Ilam était là. Quelque part au milieu des astres. À présent, il veillait sur eux.

— Où que tu sois, on ne t'oubliera jamais. Sois heureux! C'est tout ce que je souhaite...

Le vaisseau passa un jour entier à errer sans réel but à travers la galaxie ; les réparations d'après bataille furent si lourdes qu'elles les clouèrent en orbite autour d'une planète inhabitée. Heureusement que les mécaniciens étaient compétents ; rien ne leur échappa, et il fut bientôt l'heure de prendre une décision.

Un silence de mort régnait sur la salle des commandes. Seuls les bruits des moteurs toussants animaient le vaisseau, diffusaient des vibrations encore plus désagréables que d'habitude. Horace avait déjà remplacé Sorenn à la radio et Marina reprenait de l'importance en tant que pilote automatique. Ils n'étaient plus que cinq, mais seuls trois se trouvaient aptes au travail.

De gros cernes se creusaient sur le visage doux de Celkie ; jamais il n'aurait cru avoir à abandonner un compagnon. Ce sentiment d'impuissance qui le rongeait empiétait sur ses qualités de pilote. Il se ressaisit pourtant après un avertissement du capitaine.

Heug redoublait d'efforts pour garder les machines intactes. Il peinait à s'avouer qu'elles étaient bien moins amusantes sans Ayah et ses paires de gifles menaçantes. Elle était trop occupée à tenter de rétablir Sorenn. Même les piles de galettes ne parvenaient plus à faire sourire l'alran. Maintenant qu'il pouvait obtenir doubles rations sans avoir à se battre, il n'en voulait plus. Où était le mérite d'engloutir vingt-cinq chococos si personne n'était là pour essayer de les lui faire recracher ?