PANDORA-IV [Les enfants de Kirisben]

Chapitre vingt quatre : L'Arlequin Au Masque Blanc

Ayah resta seule dans la pièce froide, à se morfondre sur son sort. Pauvre de lui. Pauvre d'elle. Pauvre d'eux. Voilà que Sorenn trahissait le Pandora IV pour rejoindre les idéaux de la Protection Universelle Réunificatrice de la Galaxie contre les Exomages. Contre ces amis. Contre ceux qui lui ressemblaient. Pourquoi voulait-il se retourner contre eux ? Pourquoi seulement maintenant, après tout ce temps ? Il avait tant changé... mais restait cet éternel inconscient hanté par celui qu'il avait été. Ou celui qu'il devrait être. Sa conscience devenait confuse, cela était certain. Peut-être cherchait-il la facilité à la justice? Une chose était sûre ; Sorenn ne savait pas souffrir. Il était incapable de supporter la souffrance.

— Je te hais, l'androïde, pensa-t-elle à haute voix.

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Il pleuvait. De fines gouttelettes glacées gênaient les membres de l'équipage depuis qu'ils avaient posé le pied sur Elegrès.

C'était une petite, toute petite planète sur laquelle s'étendait une toute petite ville, calquée sur le modèle de Chellak. La cité détruite leur manquait terriblement mais ils étaient forcés d'aller de l'avant. Il était trop tard pour penser aux morts. Les défunts ne les aideraient pas à réajuster leur plan d'attaque.

L'astre minuscule souffrait autant que les soldats auquel il offrait un refuge, bien trop étroit pour récupérer toute la populace sans foyer. Les centres d'accueil débordaient déjà ; il fallait privilégier les enfants et les invalides, mais même en faisant de nombreux efforts, les réserves de nourriture s'amincissaient à vue d'œil. On montait des tentes pour les survivants et les futurs combattants dans la boue, au milieu des terrains vagues. Sirius en aida plus d'un à enfoncer les piquets dans la gadoue, ne refusant jamais de se salir les mains pour les autres. Il restait à l'écoute des complaintes, terré dans un mutisme funèbre.

À vrai dire, son cœur le serrait tant que son cerveau ne suivait plus. Il était incapable de paroles après l'échec qu'il venait d'essuyer, et la mort d'Ilam et Zora ne faisait qu'empirer la situation. Ses compagnons avaient toujours été fidèles... leur absence laissait un vide dans le bataillon. Pourtant, Sirius n'avait pas le droit de se plaindre ; en tant que capitaine, il se devait de trouver d'autres pilotes. Il se demandait comment remplacer l'irremplaçable et, au fond, n'en avait aucune envie. Et où était passé Sorenn ? Il lui devait des excuses pour son comportement odieux.

Le dernier rassemblement des chefs se tiendrait dans quelques minutes. Le prince ne revenait pas sur son choix de cacher l'existence du Prisme d'Absalem à tous les autres. D'abord, ils refuseraient de le croire, ensuite, de le suivre. Il pénétra sous un chapiteau rectangulaire complètement décrépi. Ses pas s'enfonçaient dans le tapis abimé. De petits trous laissaient l'eau dégouliner dans la tente, couvrant les lourdes respirations des Insurgés. Pour couronner le tout, une odeur nauséabonde manqua de lui faire cracher ses tripes. Lieu idéal pour regrouper les plus grands...

Dans cette pièce se tassaient Boniface et Mrs Pointcarré, entourés par de nombreux visages inconnus. Des renforts venus des quatre coins de la galaxie. Ils étaient les lieutenants, les majors, les officiers ; ceux qui avaient abandonné le Grand Chancelier au début de la P.U.R.G.E. Ceux que la P.U.R.G.E avait expulsés de ses rangs à cause de leur différence. À cause de leur pouvoir.

On pouvait tout voir et tout entendre. Des ailes, des pinces, des cornes et des tentacules. Le tintement des épées et des boucliers contre les armes à feu dernier cric. Des visages abîmés, éborgnés, défigurés. Des souffles, des soupirs et des grognements marquaient leur impatience. Pourtant, ils attendaient sans dire un mot. Ils attendaient humblement leur chef. Leur maître. Tous se levèrent à l'arrivée du Général Cornélius qui les salua en courbant la tête avec modestie. À sa droite se tenait une créature dont Sirius avait beaucoup entendu parler.