Chapitre 4

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Je me réveillai le lendemain aux aurores. Le soleil n'était pas encore levé. Je ne devais en aucun cas être en retard pour mon premier jour. Je sorti dans le couloir. L'horloge indiquait un peu moins de cinq heures. J'avais le temps pour une rapide toilette. Un broc rempli d'eau avait été disposé près de la fenêtre, ainsi qu'une bassine en émail. Je pu me laver rapidement. Je réajustai ma robe de la veille que j'avais gardé pour dormir. Quand l'horloge du couloir annonça cinq heures, je pris une bougie, et descendit à la chambre de la comtesse. Je poussai délicatement la porte de sa chambre, et senti un courant d'air glacial me transpercer. Il faisait un froid arctique dans la pièce. Je m'avançai vers le lit de ma maîtresse. Ma respiration formait un nuage de fumée. Je me demandais comment la comtesse Volkova pouvait survivre dans une pièce aussi froide. L'idée me vint qu'elle était justement peut-être décédée cette nuit-là. A cette pensée, mon estomac se noua. C'est, la peur au ventre que je m'approchai encore un peu de son lit. Heureusement, lorsque je ne fus plus qu'à quelques centimètres, j'entendis sa respiration. Faible mais régulière. Je fus soulagée. Je me penchai et l'appelai doucement :

-Madame la comtesse... Madame la comtesse... Il est l'heure de vous lever...

Un grognement me fit comprendre qu'elle avait entendu. Je reculai de quelques pas pour la laisser se lever. La vieille dame se retourna et parvint à s'asseoir.

-Venez ! grogna-t-elle à mon intention.

Je m'empressai de lui donner mon bras, et l'aidai à se lever.

-Bon, bon c'est bien lâchez-moi. Fit-elle une fois debout. Elle sembla chercher quelque chose, puis ses yeux se posèrent sur moi. Elle me fixa en silence. Mal à l'aise, je baissai les yeux.

-Qu'est-ce que vous attendez ! Je ne vais pas rester dans cette tenue !

-Bien sûr Madame la comtesse ! m'exclamai-je en comprenant enfin son souhait. Où sont vos vêtements ?

Elle me désigna un vieux coffre de son menton.

-Je veux mettre la robe verte aujourd'hui.

-Bien Madame la comtesse.

J'ouvris le coffre, sorti la robe et tous les dessous nécessaires. J'aidai ensuite la comtesse Volkova à s'habiller. Elle ne m'adressa pas un mot pendant tout l'habillage. A peine eus-je fini, qu'elle sorti de la pièce. Je la suivis jusqu'à son petit salon où elle s'engouffra dans le fauteuil du fond. Les lumières avaient déjà été allumées. Il y avait forcément d'autres domestiques. Il me tardait de les rencontrer.

-Petit-déjeuner. Cracha-t-elle.

-Bien Madame la comtesse. Dis-je avant de me souvenir que je n'avais jamais visité la cuisine.

-Où se trouve la cuisine s'il vous plaît ?

-Suivez les rats.

-Les... Les rats ? Déglutis-je m'imaginant les rongeurs affluer vers la cuisine.

-Sur les boiseries, idiote.

Quel soulagement ! Mais quelle idée de représenter des rats sur les murs ? Je sortis du petit salon avec la bougie à la main, mais je n'en eu pas besoin, car les torches du couloir s'allumaient à mon passage. J'en étais sûre à présent, il n'y avait pas de domestiques chargés de l'allumage et de l'extinction des lampes. Je ne comprenais pas ce phénomène. Je frissonnai. Le château des Volkov était-il hanté ?

Comme me l'avait dit Tatiana Volkova, les rats sur les boiseries me menèrent directement à la cuisine. Les murs étaient recouverts de chaux. Des casseroles en cuivre y pendaient, ainsi qu'une ribambelle d'ustensiles. Je trouvai une grande armoire sur ma gauche. Elle contenait de la vaisselle, et du linge de cuisine dans les tiroirs inférieurs. Au centre de la pièce, la table en bois soutenait un bazar indescriptible, mêlant nourriture, vieux journaux, et fleurs séchées. Un plateau avait été préparé. Il portait l'inscription « Pour la comtesse Volkova ». Quelqu'un avait déjà préparé son petit-déjeuner. Je pris le plateau et le rapportai à ma maîtresse.

-C'est vous qui l'avez fait ?

-Non Madame la comtesse. Il était sur la table, et je me suis dite qu'il avait été préparé pour vous.

-C'est le comte qui l'a préparé. Ça va pour ce matin, mais à l'avenir vous devrez me préparer vous-même mes repas.

-Bien Madame la comtesse.

-Allez préparer le repas de ce midi. La liste est sur la table de la cuisine. Vous me le servirez ici à midi et quart. Je ne veux pas vous revoir avant. Oust !

Je ne me fis pas prier pour déguerpir. Cette vieille peau m'excédait déjà. Je trouvai en effet le menu sur la table. Ce n'était pas un plat très compliqué. J'eus vite fini. Je pris l'initiative de mettre un peu d'ordre dans la pièce qui allait devenir mon domaine. Lorsque j'en fus satisfaite, je montai ranger mes effets personnels dans ma chambre. Cela fut encore plus rapide. Je voulais commencer à visiter le château des Volkov. Je voulais voir si les cariatides qui m'avaient impressionné la veille possédaient quelque chose de spécial. Je retournai donc sur mes pas de la veille. J'ouvris moi-même la lourde porte d'entrée. Avec la lumière du jour, le château semblait bien moins angoissant. Les cariatides n'étaient que des femmes de marbre. Je les touchai pour m'en assurer. Il n'y avait pas de doute. Je m'écartai un peu du bâtiment. Les jardins étaient immenses. De grandes étendues d'herbe verte rase, sans trop de décoration. L'ensemble du domaine était délimité par la forêt dans laquelle je ne me serais aventurée pour rien au monde. Je commençai à m'y promener quand un monument en pierre, en retrait attira mon attention. En m'approchant, je devinai qu'il s'agissait d'un autel et d'une tombe. Sur l'autel étaient gravés les armoiries des Volkov, et le rebord supérieur était décoré d'une frise de chauves-souris. Ce n'était pas le genre d'autel que l'on trouvait dans les églises. Les Volkov pratiquaient-ils une religion de leur région ? Après tout peut-être avaient-ils eu du mal à s'intégrer à la culture de l'Europe occidentale et avaient eu besoin de garder leurs racines. Surtout si l'un des leurs était décédé depuis leur arrivée. Je m'approchai de la tombe pour voir l'inscription : « Nikita Volkov, 1561-1595 ».

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant