Chapitre 7

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J'eus un mouvement de recul, dû à la surprise. Une fourchette tomba, et rebondi sur le sol. Je me baissai pour ramasser le couvert, sans jamais le quitter des yeux.

Le comte était là dans un coin de la pièce, me fixant depuis sans doute le début. Sa veste vert foncé lui avait permis de ne pas se faire remarquer dans la pénombre. Ses cheveux ondulés effleuraient ses épaules, ses tristes yeux bleus me regardaient, l'air mélancolique. Sa moustache tremblait légèrement.

-Je suis désolé. Dit-il enfin.

-Oh, ce n'est pas grave, j'ai seulement été surprise. Menti-je encore un peu perturbée.

-Je regrette que vous ayez été témoin de notre dispute. Il tira une chaise et s'y assis en prenant sa tête dans ses mains.

-Ne vous en faites pas. Ce n'est pas moi que ça dérange le plus. Ajoutai-je. Il avait vraiment l'air effondré. J'ignorai comment sa femme le tenait mais elle avait une excellente emprise sur lui.

Il esquissa un léger sourire, encore triste.

-C'est vrai. Dit-il. La moindre dispute avec Tatiana a l'effet d'un poignard sur mon cœur. Je l'aime passionnément, mais elle ne me croit pas.

Je continuai de débarrasser tout en l'écoutant.

-Si vous saviez ce que j'endure. Jour après jour, je tente de regagner son amour, mais à chaque fois elle s'éloigne un peu plus.

-Elle a beaucoup de chance de vous avoir comme époux.

-Oh, ne croyez pas cela Marianne. J'ai fait d'ignobles erreurs par le passé. Disant cela, il enfouit sa tête dans ses bras.

-Allons, Monsieur le comte... Chuchotai-je en m'approchant. Le temps pansera ces blessures.

Quoique le comte puisse me raconter sur ses soit disant atroces agissement, je n'avais pas la moindre empathie pour la comtesse.

-Cela paraît difficile à croire n'est-ce pas... Que je l'aime autant.

J'hésitai à lui répondre franchement, mais la vérité était bien trop éclatante.

-En effet Monsieur le comte.

-Elle n'est pas facile à vivre, j'en conviens. D'ailleurs dites le-moi si elle vous traite mal, je rétablirai les choses. Mais au fond, quand elle aime quelqu'un, elle est merveilleuse. C'est une véritable fée.

-Ou plutôt une sorcière... Marmonnai-je entre mes dents.

Le comte n'aurait pas dû entendre, mais il avait l'ouïe plus fine que je ne l'avais imaginée. Mon insolence le fit sourire.

-Evitez qu'elle ne vous change en animal alors. Me dit-il en me faisant un clin d'œil.

Je lui souris en retour, et me dirigeai vers la porte.

-Bonne soirée, Marianne.

-Bonne soirée, Monsieur le comte.

-Vous pouvez m'appeler Nikita. Me dit-il. Il n'y a qu'une seule personne qui m'adresse la parole ici, alors autant qu'elle se serve de mon prénom.

Je me voyais mal appeler mon maître par son prénom.

-C'est que cela me gêne un peu, Monsieur le comte.

-Je comprends, appelez-moi Nikita quand vous vous sentirez prête.

Je hochai la tête.

-Et en absence de ma femme, si possible. Termina-t-il.

Nous sourîmes. J'imaginai la tête de la comtesse Volkova si elle me voyait appeler le comte par son prénom.

Une fois la cuisine rangée, je remontai dans ma chambre. Le comte était vraiment une personne avec un bon cœur. Je sentais qu'il allait rendre mes journées moins pénibles. Je me changeai pour la nuit, et fis ma prière du soir. La fatigue tombait sur mes paupières qui se faisaient de plus en plus lourde. Je déposai mon chapelet sur ma table de nuit, et m'endormis.

Je fus réveillée vers minuit par des cris provenant de la chambre au-dessus de la mienne. Qui cela pouvait-il être ? La comtesse occupait une chambre des étages inférieurs. Le comte alors ? Mais les cris étaient ceux d'une femme. Je restai un instant blottie dans mes couvertures, espérant que le vacarme prenne fin rapidement. Il n'en fut rien. Les cris continuaient, se faisaient plus forts et plus longs à chaque fois. Chaque hurlement me transperçait de part en part comme si les cris venaient de moi. Je ne les supportais plus. J'entendis la pendule du couloir sonner une heure du matin. Je décidai de monter voir moi-même de quoi il s'agissait. Je pris une bougie avec moi, mais comme les fois précédentes, ce fut inutile, celles du couloir remplissaient parfaitement ce rôle. Je pris les escaliers pour aller à l'étage supérieurs. A ma grande surprise, ceux-ci s'arrêtaient rapidement pour laisser place à des marches en bois. Je continuai sur la pointe des pieds, veillant à ne pas faire craquer l'escalier. Ce ne fut pas tout à fait un succès, mais les cris d'épouvante de la femme dissimulaient aisément le bruit de mes pas. J'arrivai enfin sur le palier. Les murs étaient entièrement en bois, et l'étage ressemblait à un chalet, ou plutôt une isba. Je pouvais ressentir le mal du pays du comte Volkov. Les cris s'arrêtèrent soudain. J'étais démasquée. J'avalai ma salive, prête à redescendre les marches quatre à quatre. La porte d'où venait le bruit s'ouvrit, et la tête du comte apparu dans l'entrebâillement. J'hésitai entre m'en réjouir ou pas.

-Marianne... Que faites-vous là ?

-Je...J'ai entendu des cris.

-Hum, oui désolé. J'ai fait un mauvais rêve.

Je n'en cru pas un mot. Les cris étaient trop aigus. Ils ne pouvaient provenir que d'une femme. Pourquoi le comte me mentait-il donc ?

-Mais merci de vous être inquiétée pour moi. On fait tous des cauchemars, même à mon âge...

-Mmm. Répondis-je peu convaincue.

Le comte n'avait pas crié. Il y avait une autre personne avec lui, une femme. J'essayai discrètement de me mettre sur la pointe des pieds pour voir par-dessus son épaule. Je ne voyais strictement rien, il faisait trop noir. Je me haussai encore un peu plus haut, mais cette fois, le comte Volkov s'en aperçu. Cependant, il sembla mal interpréter mon geste.

-Voulez-vous entrer ? Me proposa-t-il alors, en désignant la porte de sa chambre.

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant