Chapitre 20

314 31 1
                                    

N'ayant pas le choix, je le suivis. Il n'avait pas la même aura que son père. Cette aura qui poussait n'importe qui à lui faire confiance. Avec Alexei j'avais l'impression de pouvoir douter. Ce qui en un sens me rassurait. Je gardais mon libre arbitre.

A la sortie d'un virage, je vis un cheval noir accroché au mur. Alexei se dirigea vers lui et lui caressa le flanc.

-Ma belle Karakush, tu nous as attendu bien sagement...Montez ! me dit-il en se baissant, les mains jointes.

Je lui obéis, déposai mon pied dans ses mains. Il me haussa, et je pus m'asseoir sur le cheval. Il décrocha la longe, et nous continuâmes notre chemin.

-Cela fait longtemps que vous travaillez chez mes parents ? Me demanda-t-il.

-Environ sept ou huit mois. Vous ne venez pas souvent... osai-je.

-Je ne suis jamais revenu chez eux depuis que j'ai quitté la maison, et je suis parti très jeune.

D'après ce que je voyais, Alexei devait avoir la vingtaine. Cela faisait donc plusieurs années que ses parents ne l'avaient pas revu. Je comprenais la surprise de Nikita à présent. Je me demandais ce qui l'avait poussé à couper le contact avec ses parents.

-Mon père n'a pas changé. Comment va ma mère ?

Je ne savais trop quoi répondre. La comtesse était vieille, laide, aigrie, mais avait bon fond. Je n'allais pas lui dire ça quand même. Mais je ne voulais pas mentir.

-Je pense que ça va.

-Comprenez, cela fait soixante-quinze ans que je ne l'ai pas revue.

Je failli m'étouffer. soixante-quinze ans !

-Les vampires, nous grandissons plus lentement que les simples humains. M'expliqua-t-il lorsqu'il vit ma tête.

Les questions se bousculèrent dans ma tête. Que diable avait-il fait depuis tout ce temps ? Et surtout, étais-je en sécurité avec un vampire que je connaissais à peine ? Nous continuâmes notre descente en silence. Des frissons parcoururent mon dos. Allais-je sortir vivante de toute cette histoire ? Alexei ne me regardait pas. Son visage restait droit, fixé vers le chemin que nous allions emprunter. Il n'avait pas l'air méchant, mais si j'avais pu apprendre au moins une chose avec son père, c'était qu'il fallait faire attention aux talents de manipulateurs des vampires. Qui sait ce qu'il serait advenu si Alexei n'était pas arrivé à temps ? Si je m'étais laisser mordre... J'avais honte d'avoir été si faible. Je me mordis la lèvre. Il tourna la tête vers moi.

-Tout va bien ? Vous avez l'air soucieuse.

Sa remarque me fit hausser les sourcils. Soucieuse était un euphémisme. J'étais terrorisée depuis que j'avais mis les pieds dans ce maudit château !

-C'est vrai que vous avez vos raisons, poursuivit-il.

Je me contentai de hocher la tête.

-Ne vous en faîtes pas pour ma mère, vous n'avez pas été la première à être tombée sous le charme de mon père.

-Mais je ne l'ai jamais voulu ! m'écriai-je. Je ne l'aime pas, je vous jure, il est mon maître, c'est tout !

-Je vois.

Il ne me croyait pas. En même temps, j'avais moi-même du mal à comprendre ce qui avait pu me passer par la tête.

-Nous autres, les vampires, nous avons un pouvoir de persuasion presque hypnotique, continua-t-il. Mais je ne l'écoutais déjà plus.

J'avais été trop faible pour résister. Je ne me sentais pas bien. Une boule de peur me tordit les entrailles et remonta vers mon cœur. J'allais mourir ici, loin de ma famille pour n'avoir pas su refuser une invitation. Sous la pression, les larmes jaillirent de mes yeux. Elles coulaient silencieusement, les unes après les autres sur mes joues. Je ne voyais plus rien devant moi, mais je sentis que la jument s'était arrêtée.

-C'est du passé, vous n'y pouvez rien. Et puis, vous avez échappé au pire.

Il avait raison, mais j'étais trop tendue et anxieuse pour stopper mes pleurs. Il fallait que les pression sorte. A ma grande surprise, Alexei ne bougea pas et attendit quelques minutes que je retrouve mon calme. Je m'essuyai les yeux d'un revers de manche.

-Prenez un mouchoir pour votre nez, ce sera mieux, dit-il en me tendant le sien.

Je le pris et me mouchai.

-Merci, ça va mieux.

Il me tendit le bras et m'aida à descendre de Karakush. Il remercia la bête et lui donna une petite tape sur la croupe pour lui signifier qu'elle était libre d'aller où elle le souhaitait.

-Où sommes-nous ? demandai-je.

-Nulle part encore.

La précision de ce jeune homme était très appréciable. Je soupirai de ne pas en savoir plus.

-Attention à la marche, me prévint-il.

Je baissai les yeux vers mes pieds. Nous étions arrivés à un escalier en colimaçon qui semblait s'enfoncer vers les profondeurs de la terre. Cette descente dans la semi-obscurité fit renaître en moi une vague de panique.

-Où m'emmenez-vous ? Aux enfers ? demandai-je en me fixant.

Ma suggestion le fit rire.

-Faîtes-moi confiance...

- Non, je veux retourner avec mon maître! dis-je terrorisée.

-Si vous faites un pas seule dans ce château, je ne vous donne pas trois minutes. Suivez-moi.

C'était un ordre, et je ne pouvais faire autrement. Je le suivi donc, marche après marche, sur cet escalier glissant. J'entendais les petits cris stridents des rats qui dévalaient les marches en nous entendant arriver. Je sentais les gouttes de sueur couler dans mon dos, et devais faire un effort surhumain pour que mes jambes ne fléchissent pas. J'avais l'impression d'avancer moi-même vers mon lieu de supplice. Alexei s'arrêta soudain et me fit signe d'avancer jusqu'à lui. Les escaliers prenaient fin et laissaient la place à une surface vitreuse reflétant des torches enflammées. Il tira sur une corde et une gondole se rapprocha de nous.

-Après vous, jeune fille, me dit-il en me tendant la main.

Il m'aida à monter dans l'embarcation et m'y rejoignit. Le fleuve souterrain semblait calme, l'eau ne faisait pas de remous et avait presque un aspect huileux. Il s'empara d'une grande rame et la gondole avança silencieusement.

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant