Chapitre 30

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Les deux femmes s'avancèrent vers lui, menaçantes, tandis que Sonja ressortait du coffre. La bouche ouverte, elles feulaient en mettant en évidences leurs dents pointues comme des aiguilles. Alexei regarda son père qui semblait perdu. Les yeux de Nikita passaient de ses maîtresses à son fils, apeurés. Les choses semblaient être un véritable dilemme pour lui. Il en tremblait. Les trois filles toutes plus belles et effrayantes les unes que les autres, maquillées à l'excès, mais sans couleurs, n'était plus qu'à quelques millimètres d'Alexei quand Nikita retrouva l'usage de la parole :

-Stop !

Elles se retournèrent vers lui, surprises.

-Ne le touchez pas, pas lui, je vous l'interdis.

-Mais... Commença Sonja.

-Il n'y a pas de « mais ». Rentrez dans le coffre.

Les trois femmes se mirent à bouder, mais à mon grand étonnement se montrèrent dociles et entrèrent à la file indienne dans la malle sans un mot de plus.

Le père et le fils se fixaient. Je pensais qu'Alexei allait remercier Nikita, au lieu de quoi il leva les sourcils, l'air hautain :

-Vous êtes si faible...

J'avais beau ne plus faire confiance à Nikita, je commençais à ressentir de la peine pour lui. Je me demandais ce qui poussait Alexei à lui parler de la sorte. Après tout, son père nous avait quand même sauvé la vie quelques heures plus tôt. Il y avait une histoire que j'ignorais. Pourquoi tout le monde aussi bien Alexei que Tatiana, lui parlait toujours avec cet air méprisant ? Nikita paraissait touché par les paroles de son fils. Je crus voir briller une larme aux coins de ses yeux. Le pauvre manquait cruellement de reconnaissance. Je commençais à comprendre pourquoi je lui avais tant plu, même si je ne lui pardonnais en rien ce qui s'était déroulé.

-Bon, partons, déclara Alexei, il ne sert à rien de nous attarder. Ah moins que vous n'ayez d'autres joyeusetés à nous faire découvrir mon père ?

-Non... répondit Nikita penaud.

-Bien, cela nous aura suffi.

Alexei enfila son manteau tandis que Nikita s'avançait vers moi, les bras ouverts.

-Je vais vous porter jusqu'à ma voiture, déclara-t-il en se baissant pour me prendre.

Mais Alexei s'y opposa rapidement.

-Non, je vais le faire !

Sur ce, il bouscula le comte Volkov et me prit dans ses bras. Nikita ouvrit la bouche puis la referma. Il n'avait aucune emprise contre son fils.

-Vous n'avez qu'à prendre votre chère malle, ajouta Alexei en me soulevant.

Nikita obéi, attrapa son coffre et ouvrit la porte de la chambre pour nous laisser passer. Nous ne croisâmes personne dans les couloirs, hormis quelques tableaux aux regards déplacés, et quelques statues provocatrices. Nous sortîmes sans peine. Alexei me porta jusqu'à la voiture que Nikita avait affrétée. Il me déposa à l'intérieur et s'assit à côté de moi. Dehors, le comte chuchota quelques mots aux chevaux. Il nous rejoint ensuite et prit place en face de son fils. Le voyage me parut encore plus froid qu'avec la comtesse. Les deux vampires ne s'adressèrent pas la parole. Alexei était hautain et Nikita fuyait son regard. Il n'osait même pas me regarder. Au bout d'un moment, n'y tenant plus, il prit la parole :

-Alexei, c'était pour vous protéger...

-Je ne vous en veux pas pour ça.

Le comte Volkov parut surpris :

-Pourquoi m'en veux-tu alors ?

-Vous dîtes aimer Mère, mais vous ne pouvez vous empêcher d'aller voir ailleurs.

Nikita serra les points et se frappa la cuisse.

-Mais tu sais très bien toi-même qu'il est impossible de résister à l'appel du sang !

-Surtout du sang de jeunes et belles femmes dans votre cas.

Le comte ne sut que répondre et resta la bouche ouverte.

-Au début, quand vous aimiez ma Mère, vois n'alliez pas voir ailleurs.

-Ne te mêles pas de ça Alexei, ça ne te regarde pas. J'aime toujours autant ta mère.

-Ce n'est pas ce que vous disiez à Marianne quand je vous ai retrouvé... La vérité est que vous êtes trop faible pour résister.

-Suffit !

En moins d'une fraction de seconde, Nikita décocha une gifle à son fils. Je devais admettre qu'il ne l'avait pas volé. Même si Alexei n'avait pas entièrement tort, je ressentais de la peine pour Nikita. Etait-ce encore son charisme qui avait de l'effet sur moi ? Je l'ignorais. Mais je sentais qu'il gardait un secret, qu'il protégeait quelqu'un ou quelque chose, et qu'il ne révélait pas tout. Alexei se massa la joue et n'ajouta plus un mot. Le reste du voyage se fit en silence. Les chevaux avançaient seuls, sans qu'aucun cocher n'eut à les guider. Ils semblaient connaître le chemin par cœur. En début de soirée, nous arrivâmes dans une forêt. Les branches les plus basses griffaient la calèche, me rappelant mon arrivée au château des Volkov. Alexei entreprit de changer une nouvelle fois mes pansements. Cette fois, l'application du cataplasme fut moins douloureuse, et me fit seulement grimacer. Nikita me regardait d'un air désolé. Ce n'était pas de sa faute. S'il n'était pas arrivé à temps, le duc Proklyatyy m'aurait sans doute tué et je ne voulais pas savoir ce qu'il aurait pu faire à Alexei. Enfin, j'entendis le vieux portail métallique grincer. La voiture pénétra dans la grande cour sablonneuse et s'arrêta. Les filles qui soutenaient la rampe de l'escalier étaient toujours là, une faible lueur entre les mains. Les deux vampires descendirent, et Alexei me prit dans ses bras. Tatiana n'avait pas dû nous entendre arriver. Je frémis en imaginant sa réaction. Nikita et Alexei allaient-ils vraiment tout lui raconter ? Comment allait-elle réagir au retour de son fils ?

-Vous ne prenez pas votre si précieuse malle ?

-Ne joue pas avec moi Alexei. Ce sont des choses que tu ne peux pas comprendre.

A ma grande surprise, le fils du comte ne rajouta rien. Ils gravirent les marches en pierres humides. Une fois que nous fûmes sur le perron, la lourde porte s'ouvrit, découvrant la comtesse Volkova, austère, à l'autre bout du couloir. 

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant