Chapitre 24

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La danse avec le duc n'en finissait pas. Je le soupçonnai même à un moment d'avoir ordonné aux musiciens d'éterniser ce morceau. Il continuait à me parler de choses que je ne comprenais pas :

-Je ne comprends pas comment Nikita n'a pas réussi à vous rallier à nous. Il sait pourtant se montrer persuasif, à moins qu'il n'en ait pas eu l'envie... Votre mari aurait-il oublié que si je lui offre ma protection, j'attends quelque chose en retour ?

-Non, non, il le sait...

Le duc semblait en vouloir à Nikita pour ne pas avoir embrigadé Tatiana dans leur groupe démoniaque. Or, plus je dansais avec lui, plus le duc me paraissait dangereux. Il avait l'air de posséder un moyen de pression considérable sur la famille Volkov.

-Dites-lui bien de s'en souvenir. Il vaut mieux que ce soit vous qui le lui dites, plutôt que moi, soyez-en sûre.

Je hochai la tête, et à mon grand soulagement, la musique s'arrêta. Le duc Proklyatyy me relâcha. Je vis Alexei, quelques pas derrière qui venait pour m'inviter à danser.

-Et dîtes lui aussi qu'on ne prend pas le duc Proklyatyy pour un idiot bien longtemps. S'il a essayé de me rouler, il le payera !

Le duc m'avait chuchoté ces quelques mots glacés avant de se volatiliser dans un nuage noir et de me laisser avec mon prochain cavalier.

Je tremblai encore d'effroi lorsqu'Alexei posa sa main dans mon dos pour la valse suivante. Au départ Alexei resta silencieux, puis il me demanda si le duc avait dit quelque chose à son sujet. Je lui racontai la discussion.

-Vous avez bien fait, me dit-il, merci.

-Pourquoi ne voulez-vous pas que le duc sache que vous êtes là ?

Il hésita avant de me répondre.

-Je n'ai jamais accepté de lui prêter allégeance. Et disons qu'il n'apprécie pas vraiment.

-Pourquoi êtes-vous venu alors ?

-Je savais que mes parents allaient devoir venir, et je voulais dire quelque chose à ma mère.

-Pourquoi ne pas être allé directement à leur château ?

-Des créatures du duc Proklyatyy traînent dans les bois autour. Aussi bien pour assurer la protection de mes parents que pour les surveiller.

Un frisson me parcouru le dos. Des créatures de cet odieux personnage m'avaient épié depuis le début ! Que ce serait-il passé si j'en avais croisé dans les jardins, ou si je m'étais aventurée un peu plus loin dans la forêt ?

-Mais ne vous en faîtes pas, ma mère les tient à distance grâce à ses pouvoirs, ajouta-t-il lorsqu'il me vit pâlir.

Je respirai un grand coup.

-Je pense qu'après ce bal, je remettrai ma démission à votre mère. Je ne suis pas faite pour cette vie, je ne veux pas vivre comme ça, à avoir peur tous les jours.

Une moue se dessina sur le visage de mon cavalier.

-Je crains que ce ne soit plus possible. Maintenant que vous avez été vue par toutes ces créatures, il est plus prudent pour vous de rester avec mes parents, au moins quelques temps.

J'étais désespérée. Ma famille me manquait tellement ! Mon seul souhait à ce moment-là aurait-été de serrer mes parents dans mes bras. Jamais le couple Volkov ne m'avait prévenu que je ne pourrai pas rompre le contrat comme je le voulais. Une inquiétude encore plus grande vint soudain frapper mon esprit.

-Ma famille est-elle en danger ?

-Non, ne vous inquiétez pas, les vampires ne remontent pas jusqu'à la famille de la bonne pour faire leur victime.

J'avalai ma salive, je n'étais pas vraiment apaisée. Je priai pour que le vampire ait raison.

Nous dansâmes trois ou quatre danses.

-Une dernière, et nous pourrons partir, me glissa Alexei.

Je soufflai. Je n'en pouvais plus de danser ici, parmi ces personnes qui ne voyaient qu'en moi un potentiel repas. Nikita était assis sur un fauteuil dans un coin de la pièce. De temps en temps, il se levait et refusait quelques invitations à danser. Il nous observait depuis son poste là-bas. Il m'aurait presque fait de la peine, mais maintenant je connaissais sa façon d'agir. Son regard plein de tristesse croisa le mien. Je haussai les sourcils, l'air hautain. Il n'allait pas m'émouvoir une seconde fois. Je détournai rapidement le regard.

La danse prit fin.

-Nous pouvons partir, maintenant ? demandai-je à Alexei.

-Oui, enfin, nous allons retourner dans ma cachette et nous partirons demain matin avec les autres invités. A cette heure-là, toutes les grilles sont fermées.

-Je vous suis.

Alexei fit un signe discret à Nikita pour lui signifier notre départ. Nous quittâmes discrètement la salle de bal, et rejoignîmes le tableau. Quelques secondes plus tard, un loup de l'arrière-plan arriva vers nous et lécha la main d'Alexei, collée au tableau. Je reconnu le brave Volya. Alexei lui chuchota quelques mots, Volya sorti du tableau et le passage s'ouvrit. Nous reprîmes le même chemin, que je commençais à connaitre maintenant. Nous retirâmes nos masques. Je trouvais Alexei bien moins intimidant sans masque, ainsi je pouvais lire le peu d'expression qui passait sur son visage. Cela me faisait presque oublier qu'il n'était pas tout à fait humain. Mes pieds qui avaient dansé pendant des heures furent bien contents de voir arriver Karakush au détour d'un virage. Je n'avais plus peur à présent. J'allai passer une bonne nuit, et le lendemain, je retrouverai la comtesse Volkova. Nous repassâmes dans la grotte soutenue par les bustes immenses. Je me demandai qui avait bien pu construire tout cela. Des anciens habitants de la région sans doute. La grille noire se souleva en grinçant, et comme la veille, les chandeliers éclairés apparurent un à un. Cette salle était magnifique, et je me serai cru dans un conte de fée. Nous accostâmes et Alexei m'aida à sortir de la gondole. Il abaissa le levier pour refermer la grille, mais à notre grand étonnement, cela n'eut aucun effet. Il réessaya plusieurs fois, en vain. Je fus frappée par l'effroi grandissant sur le visage d'Alexei. De quoi avait-il donc si peur ?

-Nous le réparerons demain, ça ne doit pas être trop compliqué... essayai-je de le rassurer.

-Ce n'est pas cassé, me répondit-il dans un souffle,nous ne sommes pas seuls. 

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant