La calèche avança vers une grande grille en métal qui s'ouvrit dans un grincement épouvantable. Je ne parvins pas à voir les valets qui avaient ouvert, mais avec les ténèbres ambiantes et le brouillard à couper au couteau, cela ne m'étonna pas. Le bruit de notre entrée fit peur à quelques chauves-souris qui s'envolèrent à notre passage. La calèche remonta une longue allée sablonneuse et s'arrêta devant l'entrée du château. Le cocher vint nous ouvrir, et nous descendîmes ma maîtresse et moi. Devant nous, des escaliers en pierre menaient à la gigantesque porte d'entrée en bois, ornée de quelques décorations métalliques. L'escalier était entouré sur ses deux côtés par une rangée de cariatides. Ces colonnes à corps de jeunes femmes soutenaient la rampe au-dessus de leurs têtes, et tenaient une torche allumée dans leurs mains, ce qui éclairait notre trajet. Les flammes dansantes semblaient animer le visage de leurs porteuses. Madame la comtesse agrippa sa lourde robe des deux mains et entreprit de monter les marches. Voyant qu'elle peinait, je lui offris mon bras. A ma grande surprise, la vieille femme accepta, et me sourit. Il ne devait pas lui rester plus de trois dents. Arrivés à la porte, je me retournai. Les torches s'étaient éteintes, comme si les cariatides avaient soufflé dessus à notre passage. Je déglutis. Au même moment, la lourde porte d'entrée s'ouvrit sur un vestibule éclairé de quelques lampes à huile. Je ne vis aucun valet. Comment diable la porte s'était-elle ouverte à notre arrivée ? Peut-être s'agissait-il d'un mécanisme complexe déclenché par notre poids sur le perron. Madame Volkova entra et je la suivis.
- Les valises sont encore en bas. Me dit la comtesse avec un léger sourire que je jugeai taquin.
Le cocher était donc parti sans monter les valises ! Il fallait que je redescende cet escalier plongé dans le noir... Des sueurs froides coulèrent dans mon dos. Je respirai profondément, et ressortis sur le porche. Comme par magie, les torches des cariatides se rallumèrent. Leurs lueurs me permirent de distinguer les bagages qui m'attendaient en bas. Je descendis les marches une à une, prêtant l'oreille au moindre bruit suspect. Arrivée en bas, j'attrapai les valises. Un coup de vent fit bruisser l'herbe dans mon dos, et relever tous les poils de mon corps. Sans attendre plus, je gravis les escaliers quatre à quatre et couru rejoindre la comtesse qui m'attendait. Je déposai les valises, tremblante et essoufflée. La comtesse Volkova avait l'air satisfaite de son tour. S'amusait-elle à me faire peur ? Elle poussa une porte.
-Venez, je vais vous montrer ce que vous avez besoin de savoir sur cette maison.
Je suivis la comtesse, sans oublier cette fois, de prendre les bagages avec moi. Je ne souhaitais pour rien au monde faire demi-tour seule dans ce château cette nuit. Nous entrâmes dans la pièce principale, richement décorée. Au-dessus d'une immense cheminée de château, je pouvais voir les armoiries des Volkov. Sur un écu surmonté d'une couronne, je pouvais voir un loup faisant face à un aigle. Une sculpture de dragon insérée dans le mur séparait les armoiries de la cheminée. Sur les murs, les trophées de chasse alternaient avec les armes exposées sur des tentures de velours bordeaux. Le mobilier en bois sombre était travaillé, et les sculptures représentaient souvent des éléments naturels comme des végétaux ou des animaux sauvages. Quelques tableaux achevaient de parfaire la décoration de la pièce. On trouvait ainsi le portrait d'une belle jeune fille aux yeux verts, toute habillée de rouge, une coiffe étrange sur la tête. Peut-être s'agissait-il de la comtesse quand elle était plus jeune. Le temps avait tellement eu d'effet sur elle qu'il était impossible d'en être sûr. Je reconnu également un portrait du comte Volkov. Lui, n'avait pas changé. Il y avait un tableau de paysage. Je supposais qu'il représentait leur pays d'origine.
Elle m'invita à la suivre le long d'un couloir. Elle ne m'ouvrit pas les premières portes, seulement la troisième. Il s'agissait d'un salon, avec trois fauteuils de style Louis XV, et une table basse.
-C'est mon salon. Vous vous déchausserez avant d'entrer.
-Bien Madame la comtesse.
Sa requête me parut étrange, mais je soupçonnai que le magnifique tapis qui recouvrait le sol y soit pour quelque chose. Je me demandai si elle ordonnait la même chose à tous ses invités. Recevait-elle seulement des invités ?
La comtesse me fit ensuite monter un escalier en colimaçon. Elle s'arrêta au premier palier, et poussa la porte.
-C'est ma chambre. Dit-elle. Vous viendrez me lever tous les matins à cinq heures.
J'acquiesçai. La chambre était très simple. Un vieux lit simple à baldaquin, non verni prenait l'essentiel de la place. A sa place j'aurai craint les échardes. Le matelas semblait être un vieux matelas de paille. Le couple avait-il des problèmes d'argent ? Cela ne concordait pas avec le reste de la demeure. La lumière entrait par une meurtrière. L'état de la chambre me fit de la peine pour la comtesse. Il me tardait de voir l'état de la chambre de son mari. Vivait-il lui aussi dans la pauvreté ? Peut-être gardait-il toutes les richesses pour lui, et affamait sa femme, ce qui expliquerait la mauvaise humeur de celle-ci. Je ne pouvais me résoudre à penser cela du comte. Il avait l'air si gentil.
Nous sortîmes de la chambre, et montâmes les escaliers. Il y eu plusieurs étages où elle ne s'arrêta pas. Enfin, elle ouvrit une porte.
-Votre chambre.
Je découvris avec stupeur que ma chambre était plus confortable que la sienne. Je pouvais profiter d'une grande fenêtre vitrée. J'avais un grand lit à baldaquin sculpté. La literie semblait très confortable. Un coffre était mis à ma disposition dans un coin de la pièce, ainsi qu'un nécessaire de toilette. Les murs étaient décorés de plusieurs tableaux. Quelques paysages avec des animaux sauvages, et un portrait du comte Volkov face à mon lit.
-A demain. Cinq heure. Lâcha la comtesse avant de refermer la porte.
Je ne répondis pas. Le voyage m'avait fatigué, et cette soirée riche en émotion m'avait achevée. Je m'allongeai sur mon lit et m'endormis presque immédiatement sous les yeux du comte.

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La morsure des Volkov
VampiroDans les années 1815, la jeune Marianne entre au service d'un couple étranger venu s'installer en France, les Volkov. Mais rapidement, un pressentiment lui fait comprendre que tout n'est pas normal. Si vous aimez le mystère, le fantastique et le fo...