La comtesse Volkova, toute habillée de noir semblait nous avoir attendu depuis tout ce temps sans bouger. Nikita entra le premier, et s'avança vers elle, comme pour l'embrasser, mais elle le repoussa d'un mouvement sec.
-Où est ma femme de chambre ? Qu'en as-tu fait !
Elle vit alors que l'on me portait et qu'il m'était arrivé quelque chose. Elle se tut avant de se retourner vers Nikita.
-Prostofilja ! l'insulta-t-elle.
Elle avança vers moi, l'air préoccupé mais se figea soudain.
Alexei me déposa sur un banc de l'entrée pendant qu'elle le dévisageait. Les traits déjà tombants de la comtesse s'écroulèrent. Elle devint pâle comme la mort. Je cru qu'elle allait s'évanouir, mais Nikita arriva derrière pour la soutenir.
-C'est... C'est...
-Oui, moya dorogaya, c'est notre fils, chuchota-t-il.
La vieille sorcière sembla renifler. Je n'avais jamais vu la comtesse montrer ainsi ses émotions, je devais avouer que la voir ainsi me faisait quelque chose.
Alexei s'avança vers elle et la prit dans ses bras.
- Moy malysh ! Mon bébé ! bégaya-t-elle en serrant Alexei contre elle.
Elle ne pleurait pas, je ne vis aucune larme, mais quelque chose se passa sur son visage tandis qu'elle tenait son fils dans ses bras. Ses joues semblèrent se repulper, ses rides se firent plus superficielles, son dos se redressa petit à petit. Elle sourit. Je fermai et rouvrai les yeux. Avais-je rêvé ou bien Tatiana avait-elle rajeunit en quelques secondes ? Même ses cheveux me paraissaient soudain revigorés.
-Alexei mon petit ! Je suis tellement heureuse de te revoir...
-Moi aussi moya malen'kaya mama...
Ils s'embrassèrent. J'avais les larmes aux yeux de voir des retrouvailles aussi touchantes.
Enfin elle se décida pour lâcher son fils. Elle l'observa attentivement de haut en bas, et remarqua les éraflures de duc Proklyatyy sur son cou et ses mains. Elle passa ses doigts dessus.
-Que t'est-il arrivé ? Pourquoi es-tu revenu ?
-Je devais revenir te dire quelque chose sur Papa.
A l'allusion de son mari, la comtesse sembla reprendre conscience du monde qui les entourait.
-Que s'est-il passé ? Et qu'est-il arrivé à Marianne ?
-Peut-être seront nous plus à l'aise dans le salon pour en discuter, proposa Nikita.
Pour la première fois, je vis Tatiana et Alexei accepter une idée de Nikita. Ni Alexei ni sa mère ne s'opposa à ce que ce soit le comte qui me porte. Nous entrâmes dans le salon qui n'avait pas dû servir depuis des siècles. Les Volkov ne recevant jamais, je n'avais pas pris la peine de le nettoyer. Je n'avais même jamais ouvert la porte de cette pièce. Des canapés et fauteuils recouverts de damas bordeaux, soutenus par des cadres incurvés, sculptés et travaillés en ébène, étaient disposés en cercle autour d'une table basse du même bois. Les murs étaient sombres et décorés par quelques scènes de chasse. Seul le tapis couleur crème, apportait une touche lumineuse à la pièce, ainsi qu'un lustre en cristaux. La pièce était grandiose. Nikita me déposa sur l'un des fauteuils et s'assit sur le second tandis que Tatiana et Alexei prenaient place sur le canapé.
-Raconte-moi tout moya lyubov', le pressa la comtesse.
-Bon déjà, ce n'était pas une bonne idée d'envoyer votre femme de chambre à ta place, parce que le duc n'a pas marché. Bref, le ton est un peu monté entre Papa et lui, et Marianne a essayé de le tuer pour tirer Papa d'affaires, mais on ne sait pas si ça a vraiment fonctionné, donc elle est peut-être contaminée.
La comtesse effarée fit de gros yeux en portant la main à sa bouche. Elle me paraissait être une autre personne au contact d'Alexei, beaucoup plus expressive. Nikita devait sans doute apprécier le résumer fait par son fils. Je n'aurais moi-même jamais imaginé qu'il adoucisse le récit à ce point.
-Je les ai retrouvés là-bas et comme ni eux ni moi n'avions intérêt à rester chez Proklyatyy, nous sommes rentrés ensemble.
-Mais pourquoi as-tu été à ce bal ?
-Je comptais t'y trouver. Je savais que vous iriez à cette mascarade pour obtenir la protection de ce bouffon. Mais je ne pensais pas que tu allais envoyer ta femme de chambre à ta place.
-Je ne voulais pas y retourner...
-Mais c'était vraiment risqué.
-Je ne peux pas voir le duc. Il essaye sans arrêt de me convertir.
-Et plus si affinité... ajouta Nikita cynique. J'ai bien saisi son manège.
Tatiana baissa la tête.
-Oui, il me harcelait pour obtenir de moi des faveurs et du pouvoir. Surtout depuis notre dispute, mais j'ai toujours résisté et il ne comprenait pas pourquoi. Il pensait que comme mon mari lui devait obéissance et loyauté, il lui devait également sa femme. Ce qu'il aurait fait si je n'avais pas refusé.
-Tania ! Non ! s'offusqua Nikita. Jamais je n'aurais accepté qu'il touche un seul de tes cheveux !
Je cru qu'elle allait le traiter de lâche, et de soumis au duc, mais la comtesse ne répondit rien, et se contenta de regarder froidement Nikita, comme à son habitude.
-Je crois qu'il a toujours été jaloux de Papa, conclu Alexei.
Ses deux parents confirmèrent en hochant la tête. Je comprenais à présent les propos du duc pendant la danse que j'avais fait avec lui. « Votre mari aurait-il oublié que si je lui offre ma protection, j'attends quelque chose en retour ? » Ces mots du duc résonnaient encore dans ma tête. Je n'oublierai jamais la tension qu'il avait instaurée durant cette valse, cette atmosphère insoutenable qui me retournait encore les entrailles rien que d'y penser.
-Donc il fallait que je te dise quelque-chose, rappela Alexei.
-Oui, dis-moi !
Alexei regarda tour à tour sa mère et son père qui le poussait à poursuivre d'un signe du menton. Je trépignai d'impatience de savoir ce qu'il avait de si important à apprendre à sa mère qui nécessitait de le dire de vive voix. Il se racla la gorge et se décida enfin à prendre la parole :
-Maman, arrête de faire la tête à Papa, ce n'est pas de sa faute.
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La morsure des Volkov
VampiriDans les années 1815, la jeune Marianne entre au service d'un couple étranger venu s'installer en France, les Volkov. Mais rapidement, un pressentiment lui fait comprendre que tout n'est pas normal. Si vous aimez le mystère, le fantastique et le fo...