Je cru m'évanouir quand le duc prononça ces mots. Quelle chance avais-je de m'en sortir vivante ? Je sentis un bruissement passer à quelques mètres de ma cachette.
-Je sens la petite souris... railla le duc. Elle sent bon la chair fraiche... ajouta-t-il.
J'ignorais où le duc se trouvait, je n'avais aucune visibilité depuis ma cachette. Il était donc impensable que je bouge, il m'aurait entendu.
-Bouh !
En une fraction de seconde, il avait retiré la couverture qui me camouflait en riant. Paniquée, je me relevai tant bien que mal et tentai de courir pour lui échapper. Il ne se pressait pas, lui. Il se contentait de me regarder, prise au piège et essayant en vain de me sauver. Je titubai quelques mètres plus loin en me cognant contre un meuble. Il avançait d'un pas calme vers moi, et je ne savais pas où aller. Il souriait de toutes ses dents. Puis, d'un coup se volatilisa dans un nuage de fumée, avant de se rematérialiser juste devant moi.
-Coucou !
Immédiatement je tournai les talons et repartis en sens inverse. A chaque fois, il réapparaissait devant moi. J'étais épuisée et découragée. Je me demandais même s'il ne valait pas mieux abandonner et mourir là, rapidement. Mais le duc aussi commençait à être fatigué de son jeu. Lorsqu'il apparut devant moi, cette fois, il ne me laissa pas le temps de me retourner, et m'attrapa le bras.
-Le jeu s'arrête là, déclara-t-il.
Je le regardai dans les yeux, tétanisée. Il avait les yeux froids et cruels.
-Que regardes-tu dans mes yeux, petite souris ? Cherches-tu mon âme ? Je n'en ai pas ! Explosa-t-il de rire en me postillonnant au visage.
Il me dégoutait autant qu'il m'effrayait. Je détournais la tête sur le côté pour me protéger de sa salive. Je pensai à réciter une dernière prière qui aurait pu me protéger du démon mais c'est alors que j'aperçu alors sur la table près de laquelle je me trouvais, deux morceaux de bois croisés. Ce motif m'interpella immédiatement. J'étendis mon bras libre le plus vite possible pour saisir ces bouts de bois, en prenant garde de les saisir perpendiculairement l'un à l'autre. J'imposai alors ce crucifix improvisé au regard du duc Proklyatty. Celui-ci me lâcha, surpris, et grimaça en reculant.
Je profitais de ce précieux moment de liberté pour prendre mes jambes à mon cou. Tout en gardant le duc à distance grâce au crucifix, je courus vers la barque que nous avions prise avec Alexei, montai dedans, et la décrochai. Hélas, je ne fus pas assez rapide car le duc pouvait toujours atteindre l'extrémité de la marque avec son pied. Il lui suffit d'émettre une pression sur l'un des côtés pour faire basculer mon embarcation. Ainsi, moins de trente secondes après ma fuite, je me retrouvais dans l'eau, sous la barque. La robe ample et recouverte de volants était affreusement lourde et me tirait vers le fond. La respiration allait très vite me manquer, mais la surface me paraissait s'éloigner à chaque seconde. Heureusement dans un dernier effort, je parvins à agripper la rame qui pendait à l'embarcation. Grâce à celle-ci, je me hissai vers la surface, et parvins enfin à sortir la tête de l'eau. Je pris de grandes bouffées d'air, haletante, tout en me cramponnant à la coque de la barque. Le duc Proklyatty n'avait pas perdu une seconde et avait récupéré la corde d'amarrage. Il commençait à tirer la gondole vers lui, et moi avec. C'est ainsi qu'il me récupéra, trempée, dégoulinante, et frissonnante, tant de froid que d'horreur.
-Ce n'est pas très gentil ce que tu viens de faire, petite souris, me reprocha-t-il en m'empoignant le bras, tu vas regretter ça...
J'entendis alors Alexei tenter de se défaire de ses liens. Je tournai la tête vers lui. J'avais vraiment pitié de lui. C'était le seul qui avait essayé de me sortir de cet endroit, et le voir ainsi me déchirait.
-Ne t'impatiente pas mon ami, lui ordonna le duc, ton tour viendra bientôt...
Je lisais dans les yeux d'Alexei qu'il s'en voulait, qu'il aurait aimé m'aider plus. Son impuissance lui faisait monter les larmes aux yeux.
Le duc passa derrière moi, et me tenant par le cou, colla sa joue contre ma tempe.
-Tu es si jeune... ton sang encore si chaud et puissant... me souffla-t-il à l'oreille.
J'avalais ma salive.
-Je sens ton cœur battre. Si vite, ronronna-t-il dans mes cheveux, ton pouls est si rapide...
Il resserra sa poigne autour de mon cou.
- Tu es tellement vivante ! hurla-t-il alors que j'étais sur le point d'étouffer.
Heureusement il relâcha ma gorge. J'étais son repas, et il comptait bien me savourer. Après tout, il avait tout son temps. D'autant plus que cela faisait fulminer Alexei.
-C'est amusant comme l'énergie de vie des humains se manifeste alors qu'ils sont à l'orée de la mort, ajouta-t-il.
Ne pouvant retenir mes larmes, j'explosai en sanglots silencieux. Je ne pouvais plus supporter cette pression, je voulais que cet instant finisse, par quelque moyen que ce soit.
Il passa sa main froide comme la pierre sur ma clavicule puis sur mon épaule en faisant jouer ses doigts.
-Ne pleure pas ma petite souris, c'est bientôt fini...
Il décala lentement mes cheveux, dégageant ainsi le côté de mon cou. Il prit le temps de retirer les quelques mèches rebelles qui étaient restées collées alors que je luttais pour respirer. Il posa son nez sur ma jugulaire et inspira.
-Ton sang... si jeune... si sain... si chaud...
Il resta encore quelques instants à sentir mon pouls, mon énergie vitale, comme il disait. Je sentis deux pointes se déplacer le long de mon cou. Il s'agissait de ses deux canines, prêtes à s'enfouir dans ma chair. Je les sentais, deux aiguilles glacées, je suivais leur chemin, attendant qu'elles s'enfoncent. Il émit une légère pression, les faisant légèrement pénétrer dans mon épiderme, puis se retira, à ma grande surprise, pour continuer de frôler ma peau.
Alexei eut un mouvement pour se débattre, qui se solda encore une fois par un échec.
-Je veux te faire languir... murmura-t-il, jusqu'à ce que tu n'en puisses plus, et que tu me supplies d'en finir. J'aime que mes proies m'implorent de finir.
VOUS LISEZ
La morsure des Volkov
VampirosDans les années 1815, la jeune Marianne entre au service d'un couple étranger venu s'installer en France, les Volkov. Mais rapidement, un pressentiment lui fait comprendre que tout n'est pas normal. Si vous aimez le mystère, le fantastique et le fo...