Chapitre 28

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Je regardai partout autour de moi, cherchant une source d'inspiration. Des tas de livres, de parchemins, des bougies, des statuettes, de la vaisselle, du linge, des valises, des pinceaux, et tout un tas de bibelots s'entassaient dans tous les coins. Mon regard fut attiré par un service de couverts en argent. Les vampires pouvaient être tués si on leur enfonçait un pieu en argent dans le cœur. Ce n'était pas un pieu, mais peut-être, cela avait-il le même effet ? J'avançai jusqu'à l'argenterie, en priant pour que ce ne soit pas de la contrefaçon. Je pris le couteau et le fixai. Je n'arrivais pas à croire ce que j'allais essayer de faire avec. Il ne fallait pas que je réfléchisse de trop, car je risquais de ne plus oser. En vérité, je devais être prise de folie. Retenant ma respiration, je courus, sortis du débarras, et fit irruption au beau milieu de la bataille.

-Marianne ! hurla Nikita, ne restez pas là !

Mais je détournai le regard de lui, déterminée, et fixai le duc Proklyatty. J'eus l'impression qu'il n'était qu'à moitié surpris.

-Je t'avais bien dit, que c'est toi qui me supplierai d'en finir avec toi, petite souris.

Il fit le plus horrible sourire qu'une chauve-souris vampire puisse faire.

Alexei couru vers moi pour me prendre le bras afin de me faire reculer. Mais j'eus un mouvement de recul.

-Non, laissez-moi. Laissez-le venir à moi. Votre combat ne terminera jamais. Dans tous les cas, je suis condamnée.

Le vampire me regarda avec insistance.

-Marianne, vous perdez la tête...

-Non.

Le duc se lécha les babines.

-Ecoute ta bonne, elle est plus sage que toi, gamin, ricana-t-il.

-Trouve-toi un adversaire à ta taille, lui répliqua Alexei.

-Pourquoi ? C'est beaucoup moins drôle. Profiter des faibles est tellement plus divertissant. Viens, approche, ma petite souris.

Je l'écoutai et avançai vers lui, prenant l'air la plus ensorcelée possible. Alexei et Nikita essayèrent encore de me retenir. Il ne fallait pas qu'ils mettent mon plan à l'eau. Je me mis donc à courir vers le duc. Celui-ci, ravi, fondit sur moi.

-Marianne ! Non !

Je m'arrêtai. Plus que quelques centimètres. Tout allait si vite. Je sentis le mouvement d'air provoqué par les ailes du duc et brandit mon couteau à ce moment-là. La chauve-souris qui avait pris de la vitesse n'eut pas le temps de s'arrêter et s'empala sur le couteau d'argent. Un instant, le temps sembla se figer. Le duc me regardait dans les yeux. Ses ailes étaient déployées tout autour de moi. Même Nikita et Alexei semblaient avoir arrêté de respirer. Puis d'un coup, le duc Proklyatty sembla pris de spasmes et m'agrippa de ses griffes. Il me lacéra les bras et s'effondra sur moi. Sous le poids, je m'écroulais en arrière. Le père et le fils Volkov accoururent tandis que le duc agonisait en me griffant de toutes part. La douleur était telle que je perdis connaissance. Dans le brouillard de mes souvenirs, j'eus la sensation qu'on me retirait un poids, puis qu'on me portait.

Lorsque je repris connaissance, j'étais dans le lit de Nikita, seule. Mes bras et mon torse me brûlaient. Je tournai légèrement la tête et vis qu'on les avait recouverts d'un cataplasme verdâtre à l'odeur douteuse. Je voulus me redresser, mais la douleur fut tellement considérable que ce fut impossible. Le seul fait de contracter mes muscles avait rouvert mes plaies. J'étais seule dans un château plein de démons, incapable de bouger, et peut-être, n'allais-je pas survivre à mes blessures. Et si je perdais un bras ? Ou les deux ? Et si j'avais été contaminée par le vampire ? Si à mon tour, j'étais maudite ? Les larmes de désespoir coulèrent à nouveau le long de mes joues sans que je puisse les arrêter. Le sel qu'elles contenaient me brûlèrent les quelques griffures que j'avais au visage. Depuis quand avais-je signé mon arrêt de mort ? Depuis que j'avais accepté d'accompagner Nikita à ce bal ? Depuis que j'avais accepté de travailler pour le couple ? Depuis que mon père ne pouvait plus subvenir aux besoins de la famille ? Peut-être étais-je maudite depuis le début. Après tout peut-être était-ce mon destin d'être malheureuse et de mourir en souffrant...

Un bruit de clef m'interrompit dans mes pensées. Mon cœur s'arrêta. Puis se remit à battre lorsque je reconnus Alexei. Il referma la porte à double tour derrière lui. Il portait un saladier plein de la mixture qui était étalée sur moi.

-Combien de temps suis-je restée sans connaissance ? demandai-je.

-Deux ou trois heures.

J'étais soulagée, je pensais que mon cas était plus grave. Il s'assit à côté de mon lit, déposa le récipient et entreprit de retirer avec un linge toute la pâte verte. Il fit une légère grimace lorsqu'il vit mes plaies. J'y jetais un œil également. Je remis immédiatement ma tête bien droite sur l'oreiller. Ce n'était vraiment pas beau à voir.

-C'est grave ? lui demandai-je, anxieuse.

-Vous ne devriez pas en mourir.

Son attitude indifférente contrastait tellement avec les instants que nous venions de vivre que je me demandai si je n'avais pas oublié quelque chose. J'allai le lui demander, mais il me coupa la parole.

-Je pense que vous allez pouvoir voyager.

-Pour aller où ?

-Chez mes parents. Vous n'êtes pas en sécurité ici.

Sans blague. Je ne m'en étais pas douté.

Sans dire un mot de plus, il me tartina de cette bouillie nauséabonde. Dès qu'elle fut en contact avec mes blessures, j'eus l'impression que la douleur reprenait de plus belle, que l'on me grignotait de l'intérieur. J'ouvris la bouche pour crier, mais il plaça sa main devant ma bouche avant que le moindre son n'ait pu en sortir. J'avais si mal ! Presque autant que quand le duc m'avait griffé.

-Qu'est-ce que c'est ? gémissais-je.

-Une recette de ma grand-mère. Pour la cicatrisation.

Sa grand-mère, la Baba Yaga était une sorcière. J'espérai que ses potions étaient efficaces. D'un côté je lui faisais confiance. Une vieille femme comme elle devait forcément s'y connaître mieux que tout le monde.

Alexei reprit la parole.

-Et contre la contamination par un damné. 

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant