Chapitre 26 : Jane

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K.J

Une vive douleur au crâne se manifeste, à peine ai-je ouvert les yeux. Je reste quelques instants en état de larve, en pleine végétation, alors que je ne remarque même pas ce qui saute aux yeux. Je cligne instinctivement plusieurs fois mes paupières, tourne la tête de gauche à droite et me lève dans un sursaut. Je ne suis pas dans ma chambre, et les évènements de la veille me reviennent en mémoire dans des flashes tous plus traumatisants les uns que les autres. Bon sang, où suis-je ? La porte de cette chambre s'ouvre, et dans l'embrasure apparait Grey, revêtant comme à son habitude son visage dénué de tout sentiment. Oh, mince, est-ce que je me trouve chez lui ?

— Enfin réveillée.

— Qu'est-ce que je fiche ici ?

J'ai été plus brutale que je ne le voulais.

— Je vois que tu as retrouvé ta langue.

— Euh, je ne...

Il se fiche de moi, n'est-ce pas ? J'ai le droit de me demander où je me trouve, ce n'est pas comme si j'étais venu ici de moi-même.

Il se fiche de moi, n'est-ce pas ? J'ai le droit de me demander où je me trouve, ce n'est pas comme si j'étais venu ici de moi-même.

Soudain les souvenirs du moment où je me suis écroulée dans ses bras m'accablent avant de sentir mes joues s'empourprer, rien qu'à l'idée qu'il m'ait porté.

Fort heureusement, il n'a pas remarqué ma réaction, avoir une teinte de peau plus foncée que la sienne due à mon métissage issu des origines martiniquaise de mon père et suédoise et anglaise de ma mère n'est pas négligeable.

— Est-ce que je suis retenu en otage ?

— Non, je ne t'ai pas kidnappé, dit-il, allant au bout de ma pensée. Je n'ai pas que ça à foutre. Tu peux partir quand tu veux.

Ni une ni deux, j'ai les jambes à terre, prête à fuir ce démon, mais ce n'est pas l'avis de Grey, puisqu'il me barre la route d'un seul bras.

— Mais avant, tu vas faire quelque chose pour moi.

— Je ne peux pas partir quand je veux, du coup.

Une lueur malicieuse traverse ses iris alors qu'un fin sourire s'affiche sur son visage. Que va-t-il me demander cette fois-ci ?

— Fais quelque chose pour cet air négligé, et viens me rejoindre dans mon bureau.

Sa remarque quelque peu incongrue me fait me poser des questions sur mon état. Je me détaille rapidement et effectivement, je ne ressemble à rien avec mes cheveux en bazar, mes vêtements froissés de la veille et une trace de bave. Oh ! Mon Dieu ! Comment me suis-je retrouvée devant lui ? La honte !

— Attends, ton bureau ? Où se trouve-t-il, déjà ? je demande avant que la porte ne se referme. Merci de me répondre. Non ?

Je me suis rapidement débarbouillée, passé un coup de déodorant sous les bras, brossé les dents à la brosse à dents jetable, parce que j'ai trouvé tout le nécessaire dans la salle de bain adjacente. Je suis un peu présentable quand je sors m'aventurer dans les longs couloirs de cette demeure. J'ai entre-temps regardé mes notifications sur mon portable, bizarrement, il n'y a pas de réseau, je ne capte aucune barre dans cette satanée maison. Je suis sûr qu'il l'a fait exprès pour m'éviter d'appeler de l'aide.

En traversant les couloirs, je me demande si ce n'est pas jouable de prendre mes jambes à mon cou ? Je ne connais pas le chemin de son bureau, mais celui de la sortie, oui. En plein casse-tête avec mes pensées, je faillis percuter une personne, dans un croisement, il en a fallu peu pour que ma tête rencontre un torse.

— Désolé, je bredouille indistinctement.

— Ah, K.J, c'est toi que je cherchais.

Je relève doucement la tête vers cette voix, qui me paraît familière, et je me retrouve face à l'Asiatique qu'on a semé au club Herrera.

— Grey te cherche, ajoute-t-il.

Je me demande s'il se souvient de moi, il faisait sombre dans le club ce jour-là, alors cela m'étonnerait. Je l'ai reconnu, car tous les projecteurs étaient tournés vers lui et que sa peau blanche et laiteuse est facilement repérable. De plus, ce n'est pas comme s'il était passé inaperçu avec sa crise inexplicable.

— Euh, je... je sais, je réponds un moment plus tard, me rendant compte que je ne lui ai pas répondu. J'y allais.

— Bah, je t'emmène parce que là, tu te diriges plutôt vers la sortie.

— Oh, je n'avais pas remarqué, dis-je dans un rire gêné.

D'ailleurs, je n'ai vraiment pas fait exprès, mon subconscient a sûrement dû choisir à ma place, il vaut mieux que je fuis tant qu'il en est encore temps. Alors pourquoi, j'obéis et suis sans broncher ce bel inconnu ?

— En fait, moi c'est Aaron, ou Pyro pour les intimes.

— Pyro ? Pourquoi ce surnom ?

— Hum, j'espère que tu n'auras pas à savoir pourquoi, il répond dans un rire.

Encore un qui n'est pas tout seul dans sa tête, quelle joyeuse bande de beaux psychopathes. Pyro me mène au bureau de Grey et me laisse dans l'antre du lion, seule et apeurée.

— La porte tiendra sans toi, avance.

Je me décolle nerveusement de ce qui me semble être une bouée de sauvetage au cas où je dois m'échapper, mais ma bouée s'éloigne à vue d'œil. Quand, je m'arrête près de son bureau, il lève finalement les yeux de sa tablette. Il porte son regard sur moi et me détaille de long, en large et en travers. Ses iris, posés sur moi, me mettent mal à l'aise à chaque et encore plus aujourd'hui, car je ne suis pas au mieux de ma forme.

— Je ne t'ai pas dit de faire quelque chose pour ton allure ? Est-ce que je dois t'aider pour ça aussi ? On dirait un petit chien errant.

Un petit chien ? Il m'a vraiment comparé à un animal errant ? Je commence à avoir l'habitude de ses remarques désobligeantes, mais celle-ci m'a offusqué plus qu'autre chose.

— Je me suis débarbouillée, et brossée les dents.

Il hausse un sourcil peu convaincu avant de balancer sa tablette sur le bureau.

— Regarde ces photos, et dis-moi ce que cela te rappelle, après tu pourras t'en aller, ordonne-t-il d'un ton neutre.

— Quoi, c'est tout ? Tu ne pouvais pas juste me les envoyer par mail ?

Il pointe du doigt la tablette comme pour me dire de me taire et d'exécuter ses ordres. Je prends le petit écran entre mes mains sans omettre de démontrer mon mécontentement. Ce que je vois sur cette image me laisse littéralement de glace, je fais glisser l'écran pour en voir d'autres, me faisant toutes, le même effet.

— De quoi te souviens-tu ?

— De... de rien, je ne sais pas. Comment as-tu eu ces photos ?

Ma voix se brise dans les derniers mots, des larmes se déversent peu à peu sur mes joues sans que je ne puisse les contrôler. Ma respiration devient discontinue alors que mes doigts parcourent brutalement l'écran, regardant encore et encore ces trois photos.

— Dis-moi, d'abord, ce dont tu te souviens.

— Je n'en sais rien, bon sang ! Je hurle folle de rage.

Je ne réponds plus de rien, prise dans une tourmente sans fin à laquelle je n'arrive pas à mettre une réelle cause.

— Ne me mens pas.

— C'est ma faute, ce qu'il s'est passé... J'essaye de formuler.

Les souvenirs de ce jour sinistre me reviennent en mémoire. Mes larmes redoublent d'intensité, malgré ça, je n'arrête pas de regarder, je n'arrive pas à me défaire de ces images. Je suis comme piégée dans mes souvenirs, onze ans en arrière.

— De quoi ? Jane, dis-moi si tu te souviens de cet endroit.

— Ne m'appelle pas comme ça ! S'il te plaît, tu ne peux pas, je le supplie.

Il n'y a que lui, qui pouvait m'appeler comme ça, et je l'ai tué.

The Cube - Tome 1 et 2 TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant