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Poussé par une vague d'adrénaline, Charlie appuya sur l'accélérateur. Il n'en revenait pas : Erica était une taupe. Durant les quelques mois qu'ils avaient passé ensemble, elle avait joué un double jeu. Cela expliquait son comportement énigmatique, mais cela posait par ailleurs de nombreuses questions. Depuis quand ce manège durait il ? Pour qui travaillait-elle ? Que ressentait-elle vraiment pour lui? Il aurait dû la détester, mais à cet instant précis, il ne pensait qu'à la sauver.
Il arriva à destination en un quart d'heure à peine, alors qu'habituellement, ce trajet lui prenait une bonne demi-heure. Il se précipita hors du véhicule, sans même prendre la peine de fermer les portes, et s'élança vers l'entrée de la centrale nucléaire.
Lorsque la construction de cette centrale avait été annoncée, cela avait provoqué un tollé général, notamment en raison de ses proportions démesurées. Au moindre souci technique, elle détruirait près de la moitié de la planète. Sans parler de la pollution qu'elle pourrait engendrer. Le peuple avait exprimé son mécontentement, en vain. Les politiques avaient décidé de poursuivre le projet, misant sur le rendement économique important qu'un tel bâtiment impliquerait.
Charlie, face à trois immenses tours fumantes hautes d'un centaine de mètres, se sentit, l'espace d'un instant, intimidé. La forteresse semblait infranchissable, le gouvernement était invincible. Lui, après son coup d'éclat, n'était rien. Mais Erica était à l'intérieur et sur le point de commettre l'irréparable. Il devait la sauver, quoi qu'il en coûte.
L'entrée était protégée par un garde du corps, auquel Charlie asséna un violent coup de poing. Il fit de même avec deux autres hommes, chargés d'empêcher l'accès aux visiteurs intempestifs et aux manifestants qui venaient fréquemment brandir leurs pancartes à proximité. Il vola à l'un d'eux son pass électronique et s'étonna d'être parvenu à entrer si facilement. Courant à toute allure dans un escalier sans fin, il rappela le portable d'Erica, qui, cette fois-ci, répondit.
Elle se trouvait au cœur de l'édifice. Autour d'elle, s'affairaient des hommes chargés de neutraliser tous les systèmes de sécurité, avec la complicité d'un bon nombre d'ouvriers de la centrale. Debout face à une énorme manette, son grand moment était venu. Face à la peur et la détresse, elle avait, sans trop savoir pourquoi, éprouvé le besoin d'entendre la voix de Charlie une dernière fois avant de mourir.
— Charlie.
— Erica. Qu'est-ce que tu es en train de faire ? hurla-t-il, essoufflé.
La jeune femme n'eut pas le temps de se demander comment il avait découvert le pot aux roses qu'il fit irruption dans la pièce, son portable à la main. Il leur suffit d'un regard pour se comprendre. Ses sentiments étaient sincères, elle s'était embourbée dans des projets auxquels elle n'était plus sûre de croire, elle s'était laissée prendre à son propre jeu. Il se précipita vers elle pour la prendre dans ses bras. Ivre de joie, elle lâcha la manette et reçut son étreinte.
Mais la trêve fut de courte durée. Les ouvriers comprirent rapidement que ces retrouvailles romantiques n'étaient pas à l'ordre du jour. Ils s'interrompirent, interrogeant Erica du regard. Elle n'eut guère le temps de s'expliquer, puisque Ryner choisit ce moment pour faire son entrée.
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— Je ne vous pensais pas si fleur bleue, Erica. Vous me décevez.
Elle ne répondit pas et prit Charlie par la main. Quoi qu'il advienne, elle ne mourrait pas seule.
— Ça ne l'intéresse plus, répondit Charlie.

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L'homme en gris
Science Fiction"C'était logique, mathématique, cartésien. Mais la vie n'est pas logique. Dénuée de tout fil conducteur, la vie s'écoule, à l'aveuglette. La vie blesse, la vie donne, la vie trompe, vole, s'évapore, arrache et punit. La vie se joue de nous tous sans...