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John Mac Queurty revint au bunker environ une demi-heure après que Sophie se soit échappée par la trappe du garde-manger. Il ne lui fallut pas trois minutes pour remarquer que l'épaisse plaque métallique avait été déplacée.
Le vieil homme avait habité ce réduit pendant pas moins de dix ans, il connaissait bien évidemment l'existence de cette trappe, par laquelle ses bourreaux le réapprovisionnaient, à raison d'une ou deux fois par semaine. Le reste du temps, elle était verrouillée, sans doute bloquée par une barre de fer. Le jour où les portes s'étaient ouvertes, il n'avait pas eu la moindre pensée pour ce passage, se précipitant vers la porte principale, déverrouillée.
Il en avait déduit que Ryner avait choisi de lui laisser cette liberté. Mais celle-ci était toute relative : il ne pourrait aller nulle part, dès lors que le monde n'était plus qu'un champ de ruine. Mais qu'en était—il de cette trappe ? Il y repenserait en temps voulu. Pour l'heure, il fallait s'assurer que Sophie ne courrait aucun danger. La pauvre jeune fille était souffrante et n'aurait en aucun cas du s'aventurer dans pareil endroit.
Avant de partir à sa recherche, il décida d'emporter quelques médicaments, au cas où l'état de Sophie se serait aggravé en chemin. Alors qu'il farfouillait à l'intérieur de son sac, sa main effleura un revolver, qu'il avait récupéré dans les ruines d'un commissariat quelques jours plus tôt. Il ignorait si Ryner avait survécu au cataclysme, mais si tel était le cas, il refusait de le laisser reprendre le dessus sur lui. Dans le doute, il emporta l'arme.
Il lui fallut trois quart d'heure, soit un quart d'heure de moins que Sophie, pour atteindre le carrefour. Il ne tergiversa pas longtemps sur la direction à emprunter, aidé des traces de sang et de pas que Sophie avait semées sur son chemin. Il admit que c'était plutôt pratique, mais néanmoins assez inquiétant. La pauvre avait dû en arriver à une telle extrémité qu'elle crachait littéralement ses poumons. Très vite, il atteignit la salle des machines, dont la porte était négligemment entrouverte. Il perçut des éclats de voix.
— Alors tu sais.
— Je sais.
Le sang de Mac Queurty ne fit qu'un tour. Il dégaina son revolver et s'élança à travers la pièce. En l'espace de quelques secondes, il se hissa à hauteur du transept.
— Là encore, tu ne me laisses pas le choix.
Ryner s'apprêtait à exécuter sa menace lorsque Mac Queurty posa la crosse de son revolver sur sa tempe. Sophie, soulagée, reprit sa respiration.
— Qui êtes-vous ? murmura Ryner, tétanisé.
— Toujours les mêmes questions, répondit ironiquement Mac Queurty, un sourire en coin.
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L'espace d'une seconde, le temps sembla se figer. Ryner dévisageait celui qui avait longtemps été son prisonnier, stupéfait de s'être laissé prendre à son propre jeu. Sophie soupira de soulagement. Son petit manège n'avait pas été vain, en fin de compte, puisqu'il lui avait permis de gagner suffisamment de temps que pour être sauvée. John, quant à lui, se délectait de cette revanche aussi jouissive qu'inattendue.
Pris d'un sursaut d'adrénaline, il se saisit de l'épaule de son geôlier et le plaqua au sol, face contre terre. Avec application, il appliqua le revolver contre son cou, tandis qu'il maintenait le bras du malfaiteur grâce à une douloureuse clé, souvenir lointain d'une prise d'aïkido, sport qu'il avait pratiqué dans sa jeunesse. Ryner gémit
— Comment tu vas ?
— J'ai connu des jours meilleurs, ironisa Sophie. Au fait, merci.
De sa main libre, il lui tendit un canif grâce auquel elle put se défaire de ses liens.

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L'homme en gris
Fiksi Ilmiah"C'était logique, mathématique, cartésien. Mais la vie n'est pas logique. Dénuée de tout fil conducteur, la vie s'écoule, à l'aveuglette. La vie blesse, la vie donne, la vie trompe, vole, s'évapore, arrache et punit. La vie se joue de nous tous sans...