Chapitre 15

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2014

Émilie ouvrit les yeux. Il lui semblait qu'une éternité s'était écoulée depuis qu'elle s'était risquée à les fermer. A ses côtés, se trouvait Anna, laquelle répétait inlassablement ce prénom : Sophie.

Plus tôt dans la soirée, le téléphone d'Anna avait retenti. Intriguée par ce numéro masqué, elle avait hésité à répondre. Puis, songeant que sa fille aurait dû être rentrée depuis plusieurs heures et qu'elle cherchait peut-être à la joindre, elle avait décroché. A l'autre bout du fil, l'attendait un désagréable souvenir.

— Bonjour, Anna.

Elle avait tout de suite reconnu sa voix. Grave, menaçante, envoutante. Séduisante, aurait-elle dit à une époque. A présent, ce timbre pseudo-viril ne lui inspirait plus que du dégoût.

— Qu'est-ce que tu veux, Jerry ?

— Je ne veux rien, mon amour. Ce coup de fil est purement professionnel.

— Bien sûr.

— Trèves de plaisanterie. Ta fille est à l'hôpital. Je m'apprête à l'opérer.

Sous le coup de la surprise, Anna avait recraché la gorgée d'eau qu'elle venait d'avaler. Un intéressant cocktail d'émotions l'avait assaillie : la colère de voir cet homme resurgir dans sa vie, la culpabilité de ne pas s'être inquiétée plus tôt de ne pas voir rentrer l'adolescente, et enfin la peur, à l'idée que cet enfoiré ne fasse du mal à sa fille.

— Je t'interdis ... !

Mais il avait déjà raccroché. A une dizaine de kilomètres de là, il enfilait des gants en caoutchouc et s'apprêtait à charcuter le crâne de Sophie.

Anna se remémorait ce douloureux souvenir lorsqu'elle entendit sa fille grommeler. Elle était en train de se réveiller.

La mère se pencha vers sa fille, soulagée de la voir reprendre des couleurs. Maternelle, elle passa sa main à travers l'épaisse chevelure de Sophie. Pour les besoins de l'opération, Ryner avait été contraint d'en raser une partie. Mais Anna ne s'inquiétait pas à ce sujet : cela lui donnait un petit côté rebelle et connaissant Sophie, cela ne lui déplairait pas.

— Charlie... Où est Charlie ? articula-t-elle, encore à moitié endormie.

Anna, pétrifiée, s'empressa d'appeler une infirmière. À son grand désarroi, ce fut Jerry Ryner qui répondit à l'appel, armé d'un stéthoscope et d'un biper qui lui donnaient l'allure du médecin respectable qu'il prétendait être. Consciente que sa fille les observait, elle se retint de lui griffer le visage.

— Mes hommages, Madame, se moqua Ryner, joignant à ses paroles insolentes une révérence obséquieuse.

Intérieurement, Anna bouillonnait. Non content d'avoir opéré sa fille sans son contentement, il se croyait permis de lui donner du Madame. Elle haussa un sourcil. Il ne s'en tirerait pas si facilement. Elle ne le laisserait pas, une fois de plus, s'en prendre à sa famille

— Comme vous pouvez le constater, ma fille s'est réveillée. Mais elle semble un peu perdue. Pourriez-vous l'examiner ? s'entendit-elle dire, d'une voix plus aigüe qu'elle ne l'aurait souhaité.

— Fort bien.

— De manière purement professionnelle, persiffla la mère, à bout de nerfs.

Le médecin s'exécuta. Il examina sa patiente, qui n'avait pas prononcé un mot depuis sa surprenante question.

— Comment te sens-tu, Sophie ?

L'homme en grisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant