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Sophie s'écroula, le corps malingre et carencé. Mac Queurty et Charlie la rattrapèrent. Elle était toujours consciente, mais sa respiration se faisait lente. C'était la fin.
— Charlie, trouve une couchette vide et allonge-la. Je m'occupe de la perfusion et de lancer l'ordinateur, ordonna Mac Queurty.
— Non, je veux savoir, contesta Sophie, à peine audible.
Le médecin, épuisé par cette journée qui n'en finissait pas, fit mine de ne pas l'entendre. Il la sauverait, qu'elle le veuille ou non. Il cherchait désespérément une couchette disponible lorsqu'il réalisa que Charlie était resté immobile, le corps de sa sœur sur les bras. Hagard, il demeurait statique, sans intention aucune d'obéir aux ordres qui lui avaient été donnés.
— Qu'est-ce que tu fabriques ?
— Elle ne veut pas qu'on l'aide. Elle veut savoir.
— Tu n'y penses pas ? Cela fait des années que tu te bats pour la sauver !
Le visage de Mac Queurty se déforma. Ses traits, d'ordinaires si doux et bienveillants, se voilèrent. Lentement, la colère s'insinua dans ses veines comme un dangereux poison. Sophie avait quinze ans à peine, comment pourrait-elle prendre ce genre de décision ? Jeune et insouciante, elle n'avait aucune idée de ce que la vie lui réservait.
— Elle est trop jeune pour mourir.
— Il n'y a pas d'avenir, ici.
Charlie plongea les yeux dans ceux de sa sœur. D'un regard empreint d'une infinie reconnaissance, elle le remercia de son soutien. Enfin, il était prêt à la laisser lui échapper.
Mac Queurty, touché par la scène, capitula. Charlie avait raison. L'humanité, usée jusqu'à la corde, avait fini par tirer sa révérence. Dehors, tout n'était que ruine et dévastation.
— Quelle est cette crypte dont parlait Ryner, tout à l'heure ?
Charlie, d'un geste de la main, invita le médecin à le suivre. Ensemble, ils marchèrent le long de l'allée principale, parmi ces corps censés constituer la relève de la race humaine. Plus tard, il faudrait qu'ils prennent une décision à leur sujet. Mais, pour l'heure, ils voulaient simplement prendre soin de Sophie, sur le départ.
Le pied lourd, chaque pas résonnait comme un adieu. Sophie, les mains enroulées autour du cou de son frère, sentait son corps lui échapper. Par moment, sa vision s'obstruait de taches noires. Et tandis que ses sens disparaissaient peu à peu, elle s'éteignait. Un instant, elle songea qu'elle n'aurait pas dû laisser Ryner parler si longtemps. Sur le moment, il lui avait semblé impensable de vivre sans savoir qui elle était vraiment. Mais était-il plus enviable de mourir en connaissance de cause ?
La marche fut longue. Pourtant, en termes de durée, à peine une minute devait s'être écoulée. Mais, magie de la littérature, l'écrivain est libre d'étirer le temps à sa guise. Décrétant de ce fait que cette ultime traversée serait interminable, elle le fut.
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Une fois nos trois compères parvenus au fond de la pièce, le temps reprit ses droits. Ils se trouvaient à présent face à un mur bétonné, qui d'apparence, n'avait rien de plus que tous les autres murs que Sophie avait eu l'occasion de voir ce jour-là. Pourtant, lorsque Charlie posa la main sur celui-ci, le ciment prit une teinte violette, dessinant dans la pierre une toile. Reconnaissant les empreintes digitales du jeune homme, le mécanisme de déverrouillage s'enclencha. Le ciment se métamorphosa en briques et les briques s'écartèrent d'elles-mêmes, dévoilant un escalier en colimaçon.

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L'homme en gris
Science Fiction"C'était logique, mathématique, cartésien. Mais la vie n'est pas logique. Dénuée de tout fil conducteur, la vie s'écoule, à l'aveuglette. La vie blesse, la vie donne, la vie trompe, vole, s'évapore, arrache et punit. La vie se joue de nous tous sans...