Chapitre 20

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En laissant Ryner seul, Sophie et Mac Queurty avaient commis une grave erreur. Dans la précipitation, ils en avaient oublié l'essentiel : l'homme qu'ils détenaient en otage était le plus grand malfaiteur de tous les temps. Il lui fallut moins d'un quart d'heure pour se dénouer de ses liens. Il lui suffit de traîner la chaise à laquelle il était ligoté jusqu'à son bureau, dans le tiroir duquel étaient rangés, entre autres, quantité de couteaux affûtés. Il sélectionna le plus petit, qu'il attrapa du bout des doigts, et scinda la corde qui l'indisposait. Il était libre.

Victorieux, il se releva. Debout face à ses machines, il prit quelques instant pour savourer son triomphe. Cet endroit, il avait consacré plusieurs années de sa vie à la bâtir. Les travaux avaient commencé quinze ans auparavant, alors que les recherches de Miller étaient balbutiantes. Tout de suite, il avait cru en lui. Il se souvenait être allé à sa rencontre, dans ce restaurant miteux. Il se rappelait chaque mot, comme si c'était hier. Ç'avait probablement été le jour le plus important de sa vie.

Soudain, alors qu'il aurait du être hilare face à l'incongruité de la bêtise de ses adversaires, s'insinua en lui un sentiment bien plus fort. La colère. Ces amateurs ne s'en tireraient pas comme ça. Il en allait de son honneur. De rage, il serra les poings si fort que ses ongles ouvrirent sa peau. Tandis que le sang coulait à grosse goutte sur le béton, il s'avança dans le couloir central. Arrivé au centre de la pièce, il interrompit sa course, le visage illuminé par les milliers de petites loupiotes environnantes.

Et, auréolé de la sorte, il se fit la promesse que, quoi qu'il en coûte, il ferait mordre la poussière à Charlie et à sa putain de famille.

1664. Océan pacifique.

La mer était déchaînée, les nuages noirs d'encre. Les vagues s'entrechoquaient, hargneuses. Piégés au beau milieu de cet abîme, un groupe de marins bataillaient contre les éléments. Parmi eux, Jerry Ryner. Le pauvre homme s'efforçait de redresser la voile du navire, en vain, lorsqu'apparut, dans la brume, un homme au physique de viking.

— Laisse-moi t'aider ! hurla le nouveau venu de toutes ses forces.

Dans la tourmente de la tempête, la voix du viking se perdit. Jerry comprit néanmoins la teneur du message et tendit au moussaillon un pan de la voile qui le faisait souffrir depuis quelques minutes. Ensemble, ils tirèrent de toutes leur force, luttant contre le vent meurtrier. Au terme de leur effort, ils parvinrent à rétablir l'équilibre du bateau, échappant de peu au naufrage. Le capitaine fit virer le gouvernail, les rameurs reprirent du cœur à l'ouvrage. Le bateau changea de cap, détalant à toute allure. Une centaine de mètres plus loin à peine, les courants étaient moins forts. Les esprits s'apaisèrent. La crise était passée.

— Charlie, se présenta le viking, en dégageant de son visage son épaisse crinière blonde, laquelle avait souffert de la tempête. Elle volait à présent au vent, majestueuse.

— Jerry, répondit notre marin, main tendue.

— Enchanté de te connaître, Jerry. Et si on allait se réchauffer à l'intérieur ? On l'a bien mérité, je pense.

Le mousse approuva. Le sol tanguait encore un peu, mais les autres marins seraient tout-à-fait à même de gérer la situation. Du reste, il était épuisé. Un peu de repos lui ferait le plus grand bien.

— Je te suis.

Et les deux hommes, chancelants, partirent, bras dessus, bras dessous.

L'homme en grisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant