Chapitre 24

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2004

Anna Yorkers, une revue à la main, attendait depuis un quart d'heure dans la salle d'attente du cabinet de pédiatrie de l'Hôpital Notre-Dame-de-Grâce lorsqu'une infirmière, depuis l'autre bout du couloir, cria le nom de sa fille. Pressée de rentrer retrouver son fils, qu'elle avait confié à une baby-sitter, la belle Anna bondit de son siège et prit la main de Sophie.

— Oui ! s'exclama-t-elle à l'intention de l'infirmière, qui la gratifia d'un sourire blasé.

— Le docteur Ryner vous attend dans son bureau, annonça-t-elle, avant de disparaître aussi vite qu'elle était apparue.

Livrée à elle-même, la jeune maman poussa la porte que l'infirmière lui avait désigné. Le médecin était dos à elle, en pleine conversation téléphonique.

— Je suis seulement surpris par ton appel, John. Oui, on se voit ce soir, pas de problème.

Il raccrocha et se retourna, tombant nez à nez avec la sublime créature qu'était Anna, ancien mannequin, devenue écrivain depuis quelques années. Elle portait un simple chemisier blanc, agrémenté d'un élégant manteau noir. Ses jambes, revêtues d'un jean qui lui allait divinement, étaient sans fin. Enfin, ses cheveux blonds fraîchement coupés retombaient le long de ses épaules.

— Anna Yorkers, se présenta-t-elle. Je suis la maman de Sophie. J'ai pris rendez-vous au sujet de ses vertiges à répétition.

Elle tendit une main, que Ryner attrapa avec empressement. Sa peau était, comme dans ses souvenirs, d'une incomparable douceur. Celle de Ryner, en revanche, était moite. Cette rencontre, en effet, l'émouvait plus qu'il ne l'aurait souhaité. Avant de répondre, il observa la jeune mère plus avant. Cette démarche, ce sourire enjôleur... aucun doute possible, c'était bien Marianne.

— Madame Yorkers, enchanté de faire votre connaissance.

Le praticien baissa les yeux vers la fillette, littéralement lovée contre la jambe de sa mère. Elle devait avoir quatre ans à peine. Intimidée, elle toisait Ryner de ses grands yeux violets. Il la reconnut tout de suite. Après des années de recherches infructueuses, le destin l'avait finalement mise sur son chemin.

Le soir même, Ryner rejoignait John Mac Queurty au café du coin, à quelques pas de l'hôpital. Mac Queurty et lui étaient collègues depuis des années mais n'avaient jamais été très proches. Au contraire, le chirurgien répétait à qui voulait bien l'entendre qu'il trouvait le pédiatre sinistre et mégalomane. Quant à Ryner, il estimait la joie de vivre constante du généraliste profondément irritante.

Attablé au bar, Mac Queurty l'attendait, un verre de whisky à la main. D'un signe de la main, il invita son collègue à le rejoindre.

— Je ne savais pas que tu buvais, remarqua Ryner.

— J'ai décidé de m'y mettre.

— Pourquoi tu m'as appelé, John ? C'est au sujet d'un patient ?

Mac Queurty secoua la tête. Ce qu'il avait à dire ne concernait, ni de près, ni de loin, la médecine. Il était rentré en contact avec Lenoir un mois plus tôt, et lui avait fait part de ses ambitions. L'homme d'affaire avait mordu à l'hameçon et lui avait proposé un poste dans son entreprise, comme couverture de ses véritables recherches. Mais il avait besoin d'aide, et plus précisément de l'expertise de Ryner.

— Je ne suis pas celui que tu crois, Jerry. Ou du moins je ne le suis plus.

Intrigué, Ryner, qui jusqu'alors, comptait être expéditif et couper court à cet entretien, décida d'accorder de son temps à son collègue. Il empoigna une chaise haute et s'y installa, signifiant à son interlocuteur qu'il était tout ouïe.

L'homme en grisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant