Je baisse tout de suite les yeux face à lui. Le vent frais commence à me faire trembler, il est temps de rentrer. Je passe à quelques centimètres de lui mais il m'attrape le poignet en passant. Je ne bouge pas, je sais très bien que ce que j'ai fais aurait pût entrainer de graves conséquences. Son regard de glace me fixe un instant. Je sens l'étreinte autour de mon bras se défaire soudainement. Puis je le vois faire demi tour pour retourner à la voiture. Je soupire en me demandant si c'était vraiment une bonne idée de venir ici. Je regarde une dernière fois autour de moi avant de suivre Ray. Je ressens un léger pincement au coeur en voyant cette si grande distance qu'il y a entre nous. Après environ une quinzaine de minutes de marche, je vois la carrosserie brillante de la voiture apparaître entre les arbres. Je me mords l'intérieur de la joue quand je vois Ray appuyé contre le capot, les bras croisés. Je continue malgré tout d'avancer même si je sais que je me jette certainement dans la gueule du loup, si ça se trouve je ne rentrerai pas avec lui, il va me laisser dehors pour ma punition. Je sers les poings. Hors de question que je le laisse dans le même appartement que mes céréales. Je cache le petit sourire qui veut étirer mes lèvres. Je ne monte pas dans la voiture pour aller me mettre directement en face de lui.
Nos regards se croisent, et je crois que le siens porte toujours autant de rancur que tout à l'heure. Je commence à douter de mes actions, j'aurais peut être dû l'écouter dans la forêt. Sa mâchoire est contractée et pour la première fois depuis longtemps je ne suis pas certaine de ce qu'il pense actuellement. Je fais un pas vers lui, de façon à ne garder qu'un petit mètre entre nous deux. Lui en revanche, ne bouge pas d'un millimètre. Je commence à entendre mon coeur battre dans ma poitrine quand notre jeu de regard se prolonge. Je me sens toute petite dans l'étendue de ses yeux, et cette couleur, elle peut tout aussi bien m'envelopper d'une chaleur réconfortante que de me plonger dans un vide sans fin... Je ne détourne pas le regard quand il se redresse pour supprimer les derniers centimètres qui nous séparent. Il me domine de toute sa hauteur. Il n'y a plus de doute en ce qui concerne de savoir qui est le plus fort de nous deux. Sur ces mots je détourne la tête, vaincue. Il a gagné. Ma réflexion n'a pas le temps d'aller plus loin qu'il vient tout de suite prendre mon menton entre ses doigts pour me redresser la tête, son regard cherchant le miens que je m'efforce de détourner.
- Pourquoi as-tu perdu cette audace de me regarder droit dans les yeux ? C'est ce qui faisait toute la différence. Murmure-t-il.
Sa phrase me transperce le coeur, un millier de questions viennent me prendre d'assaut et une noirceur profonde vient s'introduire dans mon âme, comme s'il venait d'ouvrir une brèche en moi. Je reporte mes yeux dans les siens, je n'y vois que de la tristesse et de la désolation tandis que les miens ne porte que peur, culpabilité, crainte, et ce sentiment atroce d'avoir l'impression que je l'ai perdu...
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Je ne sais pas exactement ce qui m'arrive, je pensais que j'allais me lamenter mais en fait je découvre que mon coeur se transforme de façon à ne rien ressentir, sa phrase reste graver en moi telle une cicatrice. Il a conduit pour le retour et depuis je n'ai pas dis un mot, lui non plus d'ailleurs. La nuit est tombée à présent et je ne me lasse pas d'observer la lune dominer la ville. Sa pâle lueur me rappelle les rêves que je faisais quand j'étais enfant, les rêves dont il était l'auteur... J'essui la larme qui menace de couler sur ma joue quand j'entends un bruit derrière moi. Pas besoin de me retourner pour savoir que c'est lui. Je place mes bras autour de mon ventre pour empêcher mes mains de trembler de froid, et pour me protéger de son regard qui me glace le dos. Il ne bouge pas, il reste là à me regarder, pourquoi ne va-t-il pas se coucher ? Il a peut être deviné que je ne le rejoindrais pas cette nuit. Je me concentre de nouveau sur la lune pour essayer d'oublier ce qui m'entoure, la fraîcheur nocturne me vole un nouveau frisson qui me parcourt le dos cette fois. C'est vrai que je serais peut être mieux dans les canapés que sur le balcon en pleine nuit. Je lui jette malgré tout un regard furtif, regard qui se transforme en nouveau jeu pour lui. Je refuse de jouer cette fois, je reporte mes yeux sur la rue en contre bas.
Néanmoins cela ne lui suffit pas pour lui montrer que je veux être seule. J'entends ses pas approcher, tel un prédateur s'approche de sa proie. Je me rends soudainement compte qu'il pourrait faire ce qu'il veut de moi, je lui voue une confiance absolue, il pourrait me planter un couteau dans le dos je ne le saurais qu'à mon dernier soupire. Je viens m'accouder au balcon, prenant soin de lui cacher mes mains tremblantes. Je ne supporte plus cette faiblesse, ces tremblements me rappellent qu'une maladie inoffensive peut me tuer, qu'un rhume peut entrainer de grandes complications pour ma santé... Je serre mes poings de toutes mes forces, si fort que mes jointures deviennent blanches, mais cela arrête les tremblements. Soudain, je sens ses mains se poser sur les miennes, son torse vient se coller à mon dos et sa chaleur vient peu à peu remplacer le froid qui s'est installé en moi. Je ne respire plus, qu'est ce qu'il fait ? Je sens ses lèvres murmurer à mon oreille.
- Ne les serre pas si fort, tu risquerai de les abîmer...
Sur ces mots, il vient délicatement prendre mes poignets pour venir glisser ses doigts dans mes paumes pour que j'arrête de serrer les poings. Mon regard ne quittent pas ses mains, les reflets de la ville créent une belle teinte sur sa peau, donnant une folle impression de douceur.
- Je ne supporte pas de te voir comme cela, pourquoi de tels sentiments s'en prennent-ils à toi ?
Je ferme fort les yeux en détournant la tête. Mon coeur est comme emporté dans la tempête de mes sentiments. Cette phrase... Sa phrase... Je sens son souffle s'écraser sur mon épaule.
- Je ne voulais pas te blesser en disant cela...
"Dans ce cas pourquoi l'as tu dis ?" Ma pensée a échappé à mon contrôle, se transformant en une véritable question qu'il a réussi à saisir. Il baisse la tête dans mon cou.
- C'était idiot, une phrase sans intérêt qui ne voulait rien dire.
- Elle signifiait une seule chose, que l'image que tu as de moi n'est plus la même, je dois être comme les autres à présent que je n'ai plus aucune différence à tes yeux... Chuchotais-je, laissant la larme rebelle couler parce que c'est dur de mettre des mots sur cette pensée.
Un silence prend place, ce qui me conforte dans l'idée que j'ai raison alors chaque seconde devient une fissure de plus. Ses mains quittent les miennes pour venir se poser sur ma taille, pour qu'il vienne ensuite me retourner avec délicatesse vers lui, à quelques centimètres seulement. Mes yeux larmoyants ne quittent pas les siens qui semblent transmettre une nouvelle émotion.
- Lila... Jamais je ne pourrai... Tu es tout ce qui compte pour moi et tu as toujours été la seule raison pour laquelle je me bat, la seule notion de différence est bien maigre pour te décrire... Lila tu n'as pas de différence avec les autres parce qu'à mes yeux tu es unique...
La tempête disparait, les maux, les fissures et les larmes disparaissent en un claquement de doigts. Ses doigts qui viennent à présent se lier aux miens... Comment ? Comment peut il créer cela en moi ? C'est si puissant...
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Epsilon [Tome 3]
Ciencia FicciónQuand j'étais petite, je croyais aux monstres dans la nuit, aux démons dans la pénombre et aux succubes dans l'obscurité. Je me suis rendu compte que les véritables montres étaient humains... Alors je me suis battue, dans quel but ? Libérer un peupl...