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Le temps coule entre mes doigts, et l'ennuie m'entrelace dans un cocon vide et silencieux. Aucun son ne vient réveiller la ville somnolente, impatiente que les dernières heures de travail s'achèvent, pour qu'enfin son monde puisse retrouver leur famille, leur maison, ce qu'il a à retrouver.

Une larme infime s'échappe timidement du coin de mon œil, probablement parce que je n'ai plus rien à pleurer, juste quelques mœurs à couiner. Ma poitrine ne se lacère même pas sous la poignante pensée que je ne verrais pas mon père ce soir, pour la simple raison qu'il n'y a plus rien à déchirer en moi, si ce n'est qu'une âme hurlante, impuissante, solitaire dans un corps désert.

Quelques passants se hasardent sur les places muettes, mais aucun ne ravive le moindre sourire sur mon visage peigné d'une innocente peine. Je n'ai plus qu'en tête un tas de problèmes, qui s'accumulent, même si mon crâne a déjà explosé sous leur nombre imposant. Je n'ai plus de voix prête à hurler mille et une souffrances, juste un murmure inaudible qui chuchote un appel à l'aide.

Le temps coule entre mes doigts, et je ne peux rien faire pour l'empêcher de filer jusqu'à sa dernière seconde.

– Marinette ?

Ce nom traverse une seconde plus vite qu'elle-même, pour résonner étrangement dans mon oreille. Cette voix m'est tellement familière, et si singulière à la fois. Quelle distance nous sépare de notre dernière entrevue ? Une longue, sur laquelle les mois sont parfaitement comptables, bien que nombreux.

Mon regard s'élève au-dessus de mes lacets mouillés par ces quelques misérables larmes qui m'ont échappés durant ma lamentable réflexion, et se fige sur un petit visage en diamant, surmonté d'une magnifique chevelure noire, auxquelles pendent quelques mèches bleutées. Ses yeux ne présentent pas la même déception que ce dernier jour que nous avons passés ensemble. Son sourire me poignarde – à croire que lui semble avoir oublié ce que je lui ai fait, à croire qu'il est assez naïf pour pardonner une telle chose.

– Salut, Luka.

Deux mots, que je ne mérite aucunement de prononcer. Il prend place à mes côtés, comme si je n'avais jamais agité de couteau dans son cœur amoureux.

– Ça fait un baille ! rit-il.

Vraiment ? Ces mois qui nous séparent de l'humiliation dont tu as été victime par ma faute t'ont semblé... suffisant ? Comment cela peut-il se faire, alors que je n'ai jamais su me pardonner moi-même ?

– Ouais, soupiré-je.

Ma bouche s'ouvre, mais l'hésitation bloque mes paroles dans ma gorge asséchée par la honte qui me ronge. Ça va ? ai-je envie de lui demander. Que cela serait ironique de ma part, de m'intéresser à ce genre de chose, moi qui ai agis sans me soucier de ce qu'il pourrait ressentir face à mes mots.

Mes yeux scrutent les moindres recoins de son visage, à la recherche d'un indice révélateur de ses pensées.

– Est-ce que tout va bien ? s'enquiert-il en posant sa bandoulière à ses pieds.

– Est-ce que toi ça va ?

Je ne pouvais pas continuer cette discussion sans poser cette question, qui m'a longuement taraudée l'esprit, jusqu'à ce que je me résigne à ne plus le revoir, lui qui entammait une vie d'adulte, loin de l'autorité de ses parents, et de la tendre compagnie de sa soeur, Juleka. Mais surtout, loin de moi.

– Euh... Oui. Pourquoi cette question ?

– Je veux dire... Enfin, ce que j'ai fait... Tu sais ? Je...

Il tourne la tête, comme si les souvenirs lui revenaient d'un seul coup. Il opine du chef, tout en passant une main contrariée dans sa chevelure d'ébène.

– Non, Marinette, dans ce cas-là, ça ne va pas. Tu...

– Je sais que ce que j'ai fait était monstrueux de ma part, le coupé-je. Je suis tellement navrée de t'avoir autant manqué de respect et de t'avoir humilié devant toutes ces personnes. Je m'en veux, vraiment, d'avoir été aussi injuste avec toi, alors que tu as toujours su prêter une oreille attentive à mes problèmes. Si je le pouvais, je remonterais le temps pour laver de nos mémoires ce jour.

– Tu t'enfonce, tu le sais ça ?

Ses ongles enfoncés dans la chaîne qui pend à son cou, il se relève, et laisse une mèche bleutées retomber devant son visage plus froid que le creux de ma poitrine. Le vent souffle un air de culpabilité, que je m'efforce d'étouffer sous ma respiration lente et peinée, ma cage thoracique étouffante sous l'étreinte de la honte.

Nos âmes s'effleurent, alors qu'une d'elles peut déchiqueter l'autre dans un élan colérique. Une âme tomberait plus bas que terre, encore, mais elle le mérite, comme toujours. Le silence glace les perles de douleurs qui s'écoulent de mon cœur, et mon corps semble à présente encré dans le marbre froid des marches. La sonnerie broie mes pensées injustes et pitoyables, et mon corps se résigne malgré tout à se lever, pour s'enfoncer à contre-sens dans cette masse humaine qui se précipite dehors. Je disparais plus vite qu'un sourire hypocrite, sans accorder un dernier désolé à Luka, qui ose un regard là où je me trouvais quelques secondes auparavant.

Je cours, je traverse la foule, haletante, comme si cela suffirait à fuir l'égoïsme qui me colle à la peau comme une malédiction. Mon cœur se serre un peu plus, alors que je pensais que cela était impossible. On le compresse, jusqu'à ce qu'il ne reste plus la moindre goutte de sang à l'intérieur. Je m'écroule au centre du hall, au beau milieu du vide et du silence. Sans personne pour s'inquiéter pour moi, pour se soucier de mon sort. On ne récolte que ce que l'on sème, on ne souffre que des peines qu'on inflige.

Un couinement parvient à mes oreilles sifflantes sous mes sanglots muets, sans larmes, parce que ma réserve est épuisée. Une main se pose sur ma tête, et une voix doucereuse vient caresser mon âme avec une tendresse que je ne mérite pas.

– Marinette, que t'arrive-t-il ?

Parce que lui n'a jamais cessé de hanter mes pensées que je me suis conduite comme un monstre envers Luka.

Non, vas-t-en, lui ai-je répondu, alors qu'il venait d'exprimer en public ses sentiments à mon égard. Ces quelques mots l'ont poignardé si fort, qu'il est parti, une larme roulant sur sa joue. Nous étions de très bons amis, jamais je n'aurais deviné qu'il ressentait une telle chose à mon égard. Maintenant, je n'ai plus droit à son amitié extraordinaire. Alors que je crois bien que c'est cela dont j'ai le plus besoin en ce moment.

Hey !!! Désolé pour le retard, étant entrain d'écrire certains chapitres de The Mage, j'ai complétement zappé de vous publier celui-ci. Enfin bref, bonne lecture !

Black - A Miraculous FanFiction [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant