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J'ignore quel sentiment m'a envahit le premier. La peur, l'angoisse, la frustration, la panique... Ils se sont tous abattu sur moi comme un tsunami impétueux, avalant tout ce qui a le malheur de se trouver sous sa gueule grande ouverte. Les mains pressées contre mes oreilles bourdonnant, je n'entends pas les plaintes maugréées par Black, qui semble se retenir de s'arracher les cheveux.

Quelque chose cloche, quelque chose a changé. Ce mutant est bien plus grand, bien plus lourd, et bien moins humain que ses prédécesseurs... Quelque chose est en train de se passer. Un changement est en train de se faire, et Black l'a compris avant tout le monde – ou du moins, avant moi-même, qui ne cesse de songer à l'issue de ce problème.

Je ne peux pas retourner au magasin, au risque d'attirer l'attention du mutant, et de le conduire à la cachette de tous ces innocents. De plus, je me suis échappée une fois, qui sait si je saurais recommencer une seconde fois ? Et puis, désormais, ils ont mon yo-yo entre leurs mains. Ils pourraient très bien l'utiliser à leur avantage. Tout n'est plus qu'une question de risques. D'ailleurs, nous en prenons un en restant confinés entre ces deux murs suintant.

Mais que pouvons-nous faire de plus ? Black se sait impuissant face à ce monstre, et c'est cela même qui me préoccupe plus que le yo-yo que j'ai abandonné au magasin. Nous sommes dans une impasse, et la seule personne que je croyais véritablement utile à la situation est en train de péter les plombs.

Soudain, il cesse de s'agiter, ou même de marmonner la moindre parole. Je lève alors les yeux sur lui, sur sa mine crispée par la peur et notre incapacité à venir à bout de cette créature difforme sans mon yo-yo.

— Résumons, déclare-t-il, à bout de souffle. Impossible de profiter du Luckycharm, ou même des propriétés de ton yo-yo. On ne peut pas non-plus le récupérer, à moins que l'un de nous deux ne se risque dans une tentative de diversion. Ce mutant doit bien faire dix fois notre taille, et sa force doit être tout aussi importante... et les solutions à cette impasse sont au nombre de zéro, pour le moment. Dis-moi que tu as une idée.

Pour la première fois, il prend un ton implorant. Si les circonstances n'avaient pas été telles que nous sommes pris au piège, coincés sous un amas de problèmes sans solutions, je lui aurais volontiers lancé un sourire fier. Mais je ne peux pas, la situation ne me le permet pas.

— Tu sais te battre, non ? lui fais-je remarquer.

Un long soupir d'exaspération se répercute douloureusement contre les parois de notre cachette. Combien de temps pourrons-nous encore tenir ici ? Il nous faudra, tôt ou tard, prendre une décision. Et je crains que ce soit plus tôt que tard.

Les pas lourds de la créature font vibrer l'asphalte sous nos pieds, agitent brutalement nos cœurs essoufflés.

— Nous battre ne servirait à rien, réplique Black, aussi calmement que la situation le lui permet. En plus, t'es blessée.

Il a appuyé sa remarque d'un soupir, comme si cela l'ennuyait plus que ça ne devrait l'inquiéter, de me savoir tâchée par mon propre sang.

— On dirait que tu t'es battue avec un chat, ajoute-t-il, toujours ce regard froid ancré dans ses pupilles ovales.

Je ne me souviens pas avoir levé le poing, mais la gifle qu'il m'a donné en retour de mon coup restera gravé sur ma peau un long moment.

— On n'a pas le temps pour ces enfantillages, on a un Mutant à maîtriser, grogne-t-il.

— Fou-toi de ma gueule autant que cela puisses te faire plaisir, mais ne lève plus jamais la main sur moi.

Si elles avaient été vraies, ses oreilles auraient probablement accompagné ses sourcils dans ce haussement de surprise. Mon ton ferme et provocateur aura eu, pour une fois, le résultat escompté, et j'avoue avoir du mal à cacher la fierté que cela me procure. Black se contente d'acquiescer, avant d'esquisser un sourire d'admiration, ou de félicitation – ou peut-être des deux.

Mais soudainement, toutes ces petites étoiles, qui brillaient dans son regard, s'évanouissent, enveloppées d'un voile d'effroi, pendant que le sol tremble à en faire vibrer les murs, lesquels menacent de s'effondrer sur nos têtes. Une pluie de poussière et de plâtre se déverse sur nos costumes, arrachant à nos yeux de douloureuses larmes, et à notre bouche une terrible toux.
C'est aveugle que nous nous exposons à la créature. Mon incapacité à déterminer le nombre de mètres qui nous séparent du mutant résident dans le fait que chacun de ses pas soulèvent un véritable brouhaha assourdissant, confus. Et le l'odeur âcre du plâtre a envahit mes narines, me dispensant ainsi de ce sens.

Mais au moins, il me reste encore le toucher, et le goût, qui n'ont pas été affecté par la poussière, puisque je sens parfaitement la main de la créature s'enfoncer dans mon flanc gauche, l'odeur métallique du sang envahir ma bouche, et le vent qui siffle dans mes oreilles, avant que tout ne devienne plus que silence, et vide.


Le silence éphémère, celui qui nous berce à la lueur du soleil, ce lion à la crinière enflammée, à l'haleine embrasée. Ce silence qu'il aimait briser de son rire intarissable. Il aimait le soleil levant sur la ville. Celui qui annonçait le début d'un nouveau jour, où un départ est donné à chacun de nous.

Je me souviens de ses doigts qui s'emmêlaient à mes rubans, son sourire malicieux qui étirait ses délicates lèvres rosées. Je voudrais tellement qu'il revienne. Qu'il ressurgisse de l'invisible pour illuminer mes journées, pour me donner un nouveau départ comme le fait si bien le soleil.
Il est mon étoile, celle qui m'accompagne dans mes profonds sommeils. Il est mon Etoile Polaire, il est ma boussole stellaire, les rouages de mon horloge, celle qui me fait avancer, celle qui me fait vivre. Il m'oriente, il remplie d'air mes poumons lorsque je suis trop faible pour le faire, il pompe mon cœur pour effacer les larmes qui l'ont noyé, et il me tient la main lorsque le danger m'effraie.

J'étais son pilier. Et je l'ai laissé tomber. À présent, c'est moi qui m'écroule sous les bribes de souvenirs qu'il a laissé de lui.

Reviens, Chat Noir. Reviens. Reviens. Reviens...


Chapitre 32, bientôt le 33...

Black - A Miraculous FanFiction [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant