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J'ose espérer que jamais tu ne liras cette lettre, que tu reviendras avant que je rende visite à ton père. Mais si cela n'arrive pas, je t'en supplie, n'essaie pas de me rejoindre. Paris est plus sûr que les étranges personnes que l'on peut croiser dans les bus. Restes à la maison, je reviendrais. Ce n'est pas une promesse : c'est une affirmation. Tu as de quoi tenir jusqu'à mon retour. Je ne m'absenterais pas plus de deux semaines. Ne t'inquiète pas pour papa, son état s'est stabilisé. Je t'aime, mon amour. Fais attention à toi. Mais surtout, restes à la maison.
Ta maman qui t'aime plus que tout.

P.S : il y a des macarons dans le placard, et tu as reçu du courrier. Je t'aime.

Le souffle grinçant de l'horloge reprend son cours normal, comme les battements de mon cœur. Me savoir seule ici ne me rassure nullement, mais je trouve tout de même un peu de réconfort dans cette nouvelle : maman est loin de ces mutants, en sécurité auprès de papa. Je n'aurais pas pu souhaiter mieux.

La peur dissipée, je m'affaisse dans un soupir de douleur. Harassée, mes yeux peinent à rester ouverts sur l'amoncellement de lettres que j'ai reçu. Bien que l'angoisse au sujet de l'absence de maman soit désormais écartée, je ne peux décombrer mon esprit de ces interrogations tumultueuses : qui pourrait bien m'envoyer une lettre ?

La douleur qui me tiraille la cuisse me rappelle que présentement, le seul véritable souci dont je devrais m'inquiéter est le temps qu'il me reste avant que Tikki cède à la fatigue et interrompt le processus de guérison que m'offre son pouvoir. Sans plus attendre, je boitille jusqu'à la salle de bain, laissant dans mes pas quelques gouttelettes de pluie. La chaleur de la maison n'aura jamais été aussi apaisante. Et celle du bain bouillant que je me prépare est un véritable délice pour mes muscles frigorifiés. Peu à peu, mes nerfs se détendent, mon souffle s'apaise, la quiétude reprend ses droits sur mon corps parsemé de contusions, de tuméfactions, et d'estafilades encore sanguinolentes.

Lorsque je retire mon bas, je suis quelque peu rassurée de découvrir un bandage, qui a arrêté le saignement. Les plaies causées par les bouts de verre n'en reste pas moins douloureuses, et les blessures occasionnées par le mutant le sont même plus.

— Détransformation.

À peine les mots fatidiques passent-ils la frontière de mes lèvres que je dois me mordre la langue jusqu'au sang pour ne pas pousser un râle de douleur. Entre quelques larmes, j'entrevois Tikki, haletante, couchée contre le lavabo, les yeux mi-clos. J'ose à peine songer à l'effort que cela lui a coûter de me préserver de la douleur durant tout ce temps, qui plus est, demeure toujours inconnue à mes yeux.

— Merci, Tikki, murmuré-je, les poings crispés sur la rambarde de la baignoire.

Chacun de mes muscles semblent déchirés, et mes os, fracturés. Un hurlement sourd se tarit au fond de ma gorge nouée par les larmes de douleur. Mes jointures blêmissent tant je serre la rambarde entre mes doigts. Lorsque mon esprit parvient à faire abstraction un cours laps de temps des blessures, et du martyre qu'elles occasionnent sur mon être frémissant, je me laisse glisser dans l'eau brûlante. D'abord, l'eau lèche le sang, se teinte d'une couleur écarlate, puis mes muscles ne sont plus qu'un tas de marshmallows, indolores.

Les effluves de fraise qui se dégagent de la bougie allumée emprisonnent mon esprit dans une douce pensée cotonneuse. Dans un soupir apaisé, je m'abandonne à la cloison vermeille de mes paupières, laisse la chaleur endolorir mes blessures.

La flamme vacillante dessine dans ce paysage veineux quelques silhouettes, dans lesquelles je m'amuse à retrouver d'abord maman, puis papa. Et dans un coin de mon regard, c'est Chat Noir que j'aperçois.

Black - A Miraculous FanFiction [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant