Chapitre 16

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En fin de matinée, quand les cours avaient pris fin, Charlie était directement allée chercher une salle dans laquelle s'installer. Malheureusement, de petits groupes d'étudiants avaient déjà élu domicile dans toutes celles qui avaient été laissées ouvertes par les professeurs. Elle se décida donc à changer de bâtiment pour s'engouffrer dans celui qui était le plus proche du sien.

Et tandis qu'elle longeait les couloirs, une voix s'éleva, plus forte à mesure qu'elle marchait en sa direction. Grave, douce, si belle, si maîtrisée...

Alors, comme hypnotisée, elle suivit cette voix, se laissa guider et poussa très légèrement une porte qui n'était pas fermée. Son cœur accéléra en voyant qui chantait, dos à elle. Taehyung, assis sur une table, en tailleur, les bras posés à côté de lui sur lesquels il s'appuyait et le visage dirigé vers le plafond.

Charlie demeura muette sans pouvoir décrocher son regard de lui. Il était... ça le rendait tellement différent : son chant était envoûtant. Elle avait la sensation qu'il était sincère dans ses paroles, elle avait l'impression d'entendre dans sa voix une sensibilité qu'elle ne croyait pas qu'il avait. C'était comme si elle le redécouvrait.

Et pourtant, c'était comme si elle savait qu'il avait toujours été comme ça. Comme si au fond d'elle elle avait toujours perçu inconsciemment une part de bon qui s'exprimait désormais. C'était si beau, si incroyable, tant d'émotions se confondaient dans sa voix.

Hypnotisée, elle s'appuya sans y prendre garde à la porte qui s'ouvrit un peu plus, émettant un grincement qui la poussa à s'en écarter immédiatement. Cachée par le mur, elle retint sa respiration, l'oreille tendue, s'assurant que Taehyung ne l'avait pas entendu. Mais il n'était pas dupe. Lorsqu'elle l'entendit descendre de sa table pour venir voir qui l'épiait, elle prit ses jambes à son coup, filant à grandes enjambées.

Elle tourna et emprunta les escaliers au moment où il sortait de la salle pour savoir qui se trouvait là.

Il ne l'avait pas vue, pourtant il avait le sentiment et l'espoir que c'était elle. Une mine boudeuse sur le visage – il aurait bien voulu savoir –, il retourna dans sa salle et termina silencieusement son déjeuner, ses écouteurs dans les oreilles. Peu de gens mangeaient dans ce bâtiment, pour la simple et bonne raison qu'il s'agissait du pôle scientifique de l'université, autrement dit les professeurs veillaient toujours à fermer correctement leur salle de peur de se faire voler du matériel appartenant à l'université. Il n'avait donc jamais été dérangé pendant un de ses déjeuners ici, même quand il mangeait dans les couloirs il n'y avait jamais personne...

Ils n'avaient cet après-midi là qu'une heure de cours, et pendant toute cette heure, Charlie resta concentrée sur le cours, au plus grand dam de Taehyung qui la fixait avec peu de discrétion dans l'espoir de capter son attention et de pouvoir croiser son regard. Il voulait savoir si c'était elle ce midi, il en était intimement convaincu, comme si tout son être lui hurlait qu'il venait d'ouvrir son cœur à cette jeune fille par le biais de sa chanson.

Jamais personne ne l'avait entendu chanter, et ça le frustrait d'ignorer qui avait été là ce midi.

Les cours terminés, Charlie rentra seule : Jungkook avait prévu d'aller réviser à la bibliothèque avec Taehyung. La jeune Française y voyait au moins cet avantage d'être certaine qu'elle pourrait rentrer tranquillement, sans que le châtain ne vienne lui proposer de la raccompagner – ou pire, qu'elle l'entende avec une fille en rentrant innocemment chez elle.

Elle passa ce soir-là un moment tranquille et songea paisiblement à ce que lui avaient apporté ces deux semaines et demie de cours à Séoul : elle parlait désormais la langue du pays comme si elle l'avait toujours parlée, elle s'était fait un ami dont elle ne tarderait plus à tomber amoureuse, et elle appréciait de plus en plus son indépendance. Certes, elle contactait sa famille au moins deux à trois fois par semaine, mais la distance ne lui posait pas tant de problème, elle s'y habituait très bien.

En fait, c'était à sa nouvelle vie toute entière qu'elle s'habituait très bien.


Amour insoupçonnéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant