Candidature à l'école de danse

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Fin juillet

Pendant qu'Anders est dans la salle de bain, Sung-ki, déjà douché, s'assied en tailleur sur le lit et ouvre son ordinateur portable devant lui.

Kyung-hwan est reparti à Séoul quelques semaines auparavant, et le danseur se sent plus coupé de sa vie d'avant que jamais. C'est le départ de son meilleur ami qui lui a vraiment fait réaliser que tout était bel et bien terminé, que cette nouvelle existence n'avait plus rien à voir avec la précédente. Tous ses repères envolés, il a devant lui une page blanche sur laquelle il peut écrire ce qu'il veut — mais il n'a aucune idée de comment commencer faute de panneaux à suivre, et n'y a encore rien inscrit un mois après avoir quitté la Corée du Sud.

Il est avec Anders, bien sûr, et c'est le principal. Cette relation lui a coûté tout ce qu'il possédait, mais il n'a pas le moindre regret. À ses yeux, leur couple vaut qu'il ait tout perdu — c'est un faible prix à payer pour ce bonheur, aujourd'hui, auprès de celui qu'il aime et qui l'aime.

Mais le scandale et la façon dont ils l'ont résolu ont injecté Sung-ki dans le quotidien de son compagnon. Il ne s'y trouve rien à lui : il habite dans la maison familiale d'Anders, avec les parents et le chien de celui-ci ; il mange grâce aux revenus de son partenaire, va bientôt partir en vacances dans le sud de la France de la même manière. Lorsqu'ils s'envoleront pour Los Angeles en septembre, il vivra dans l'appartement du jeune homme et, si les choses restent telles quelles, dépensera l'argent de ce dernier pour ses achats.

D'après le hockeyeur, ce n'est pas un problème, et Sung-ki sait que c'est vrai. Mais il sait aussi, même si son compagnon refuse d'en parler, qu'Anders gagne son salaire en étant malheureux de jouer. Le Sud-coréen n'a pas envie d'en rajouter, pas envie de donner l'impression au Suédois qu'il doit continuer à endurer cette carrière dans laquelle il ne s'épanouit pas parce que quelqu'un dépend de son succès et des gains qui lui sont liés. Il veut pouvoir subvenir à ses propres besoins afin de ne plus avoir le sentiment que sa vie n'est qu'une suite de dettes financières ou morales. Il veut surtout pouvoir dire un jour à Anders, quand ce dernier acceptera la discussion, que lui-même n'est pas à prendre en compte dans le panel de conséquences qui viendraient avec un arrêt du hockey.

Sung-ki ouvre l'onglet de Naver, motivé à se lancer dans une recherche d'emploi en Californie. Il lit l'anglais avec difficultés et l'écrit plus péniblement encore, mais peut-être peut-il commencer par chercher en coréen, au cas où des compatriotes se seraient établis dans la cité des anges pour affaires ?

Tout de suite, le premier résultat lui saute aux yeux — le centre culturel coréen de Los Angeles. Il clique, parcourt le site en diagonale et bat presque des mains. De nombreuses activités en rapport avec le pays du Matin Calme sont organisés dans la ville : cours de cuisine et de langue, expositions, théâtre, festivals divers... et concours de danse K-pop.

Quelques clics plus loin, Sung-ki a la surprise de voir qu'il s'agit d'une compétition de grande envergure aux USA, avec plus de deux cents équipes issues de tous les états qui se battent pour reproduire au mieux les chorégraphies de groupes de K-pop existants. Il s'en souvient, tout à coup : ils ont rencontré, l'année précédente à Séoul, les finalistes d'un tel concours. Ils ont même dansé avec eux lors d'un show télévisé, puisque les jeunes Américains avaient repris l'une de leurs chansons.

Mais qui leur apprend ? Il s'absorbe dans le visionnage de plusieurs vidéos ; les danseurs n'ont parfois rien à envier aux académiciens en cours de formation au sein des agences séouliennes. Sung-ki se mordille la lèvre tout en réfléchissant.

Prenant son courage à deux mains, il ouvre ensuite Google, y tape quelques mots-clés en anglais. La page de résultats, pleine de lettres qui bougent et se réarrangent sans cesse sous ses yeux, l'agresse. Il s'entête, pourtant, à déchiffrer les titres — et s'illumine tout à coup de joie et de soulagement.

Soleil de MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant