Dans les lavandes

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Après deux heures de route, la voiture de location atteint enfin les environs de Valensole. Les étendues mauves les happent par surprise au détour d'un virage ; des kilomètres de champs de lavande bien peignés, aux couleurs riches et vibrantes sous le soleil de la fin de la matinée.

— Oh mon Dieu ! s'écrie Sung-ki en claquant la portière derrière lui avec la violence de son enthousiasme.
Il ôte ses lunettes noires pour pouvoir contempler le paysage sans filtre.
— C'est splendide ; on dirait une mer de fleurs ! Avec tous ces sillons, ça ressemble à des vagues, en plus ! C'est encore plus beau qu'en photo ! Je n'avais jamais rien vu qui ressemble à ça !

Il ne sait où regarder puisqu'il y en a partout, des deux côtés de la petite route qui s'est éloignée de la nationale sur le plateau. Il tourne lentement sur lui-même pour admirer le panorama à trois cent soixante degrés. L'exclamation de Sung-ki emplit Anders d'un sentiment de bien-être, de satisfaction également. Son compagnon semble ravi, comblé, et ce voyage n'avait pour vocation que de lui faire retrouver définitivement le sourire. La joie de Sung-ki est une récompense, et le Suédois ne demande rien de plus.

Yeux fermés, planté sur le bas-côté, le Coréen inspire maintenant à pleins poumons.
— Et en plus, ça sent super bon, comme toi ; c'est la même odeur !
Sunshine, lui aussi, renifle l'air, hume les plantes devant lui — la truffe saturée de senteurs, ou perturbé par cet environnement qui lui donne l'impression que son maître est partout. Tout à coup, Sung-ki harponne la main d'Anders.
— Andy, tu veux bien aller dedans ? Comme sur la photo quand tu étais ado. Je voudrais beaucoup te voir au milieu des lavandes ! Et te mitrailler de photos ensuite, quand je t'aurai suffisamment admiré en quatre dimensions !
— On pourra montrer la photo à mes parents en rentrant ; je suis sûr que ça les amusera de voir l'avant/après.

Anders jette un œil à Sunshine à ses pieds, mais Sung-ki reprend :
— Sans Sunny, d'abord, juste toi ? Et puis avec ? Je vais le tenir en attendant, puis je te l'enverrai !
Anders lui passe la laisse, que le danseur fait glisser autour de son poignet avant de dégainer son smartphone, déjà prêt.
— J'espère qu'il ne va pas trop tirer, ce petit monstre. Il faudra qu'on demande ensuite à quelqu'un de prendre une photo de nous deux. Je veux créer de nouveaux souvenirs ; tu n'as pas oublié, n'est-ce pas ?
— Non, non, mais pas sûr qu'on trouvera quelqu'un pour prendre la photo : la route n'est pas très passante, et on est au milieu de nulle part ! Mais au pire, on fera des selcas ! Attention à ne pas marcher sur les plantes, par contre : reste dans le petit chemin là-bas ! Il ne faudrait pas les abîmer ; c'est si joli !
Le Suédois lui lance un regard amusé, puis s'éloigne pour se retrouver parmi les fleurs.

— Tu es magnifique ! lui crie son compagnon, la sincérité, l'émerveillement et l'amour tous trois évidents dans sa voix. Maintenant, prends des poses comme pour un photoshoot !
Comme lui dans son existence préalable, le hockeyeur est a priori familier des séances photo auxquelles il doit se plier de temps en temps pour des sponsors ou de la promotion. Anders hausse pourtant un sourcil, un peu incertain : lors des sessions photo avec des professionnels, il est placé, encadré, corrigé, mais ici, laissé à son libre-arbitre, il ne sait plus très bien comment se comporter. Alors, il tente simplement d'être lui-même au milieu de la lavande et sourit avant de prendre les premières poses qui lui passent par la tête.

— Top ! approuve Sung-ki en inclinant son portable dans un sens, puis dans l'autre, et en enchaînant les clichés plus vite que les secondes ne passent. C'est vraiment trop beau !
— Je suis vraiment content que ça te plaise. Je suis d'avis qu'il faut au moins voir ça une fois dans sa vie, car c'est vraiment impressionnant !
Sung-ki éclate de rire.
— Ce que je voulais dire, c'était que toi, au milieu des champs de lavande, c'était vraiment trop beau, mais je suis bien d'accord : il faut voir ça au moins une fois dans sa vie !
Anders rougit un peu, mais sourit malgré tout.
— Bon, dans tous les cas, tu as vu quelque chose qui t'a fait plaisir.

Soleil de MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant