Pdv Antonio Salieri:
Les feuilles mortes s'envolaient à travers les fines allées en terre et le vent frais soufflait, faisant se courber les frêles branches des arbres qui ornaient les lieux. Je n'étais pas revenu ici depuis 10 ans et je sentais déjà un pincement me prendre le coeur. D'un geste lent, j'ouvris les grilles métalliques dans un grincement strident et je laissai entrer Mozart en premier. L'atmosphère pesante n'avait pas changé depuis la dernière fois et je sentais toujours la tristesse et le désespoir se dégager de chaque recoin. Terrible ambiance macabre.
Je guidai Mozart, qui n'avait pas dit un seul mot depuis qu'il avait franchi la grille, à travers les allées sombres. Je connaissais encore le chemin sur le bout des doigts et ce, même après toutes ces années. Pourtant, je n'étais venu qu'une seule fois en 34 ans d'existence. Je m'arrêtai devant une stèle et me tournai doucement en prenant une profonde inspiration. L'écriture dans la pierre s'était quelque peu effritée avec l'âge, mais restait parfaitement visible. Du coin de l'oeil, je pouvais apercevoir Mozart se figer en lisant l'inscription. Comme s'il avait soudainement l'impression de pas avoir le droit d'être ici.
- Florian Leopold Gassman, 1735-1774, annonçais-je. Il avait 38 ans.
- Je pensais qu'il était mort à Milan.
Je me tournai vers lui en croisant les mains derrière mon dos et baissai la tête. Il était temps pour moi de me débarrasser de cette souffrance.
- Son corps a été inhumé ici puisqu'il était en route pour Vienne lorsque l'accident à eu lieu.
- Il était si jeune, constata-t-il.
- Vous vous imaginez mourir dans 10 ans?
Je relevai les yeux vers son visage, il n'avait que 28 ans et j'osais à peine imaginer qu'elle tragédie cela serait s'il devait nous quitter si brusquement.
- Pour être honnête, le plus dur c'est que tout a été si soudain… Personne ne se doutait de rien. Ça c'est juste produit, contre toute attente. C'est comme si du jour au lendemain, on vous enlevait celui que vous aimiez le plus sans vous avoir prévenu. J'ai pris énormément de temps à le réaliser et à accepter ce qui s'était produit. Chaque matin, je pensais que j'allais me réveiller et qu'il serait encore là. Il n'avait pas à mourir. Pas comme ça et pas si tôt.
- Est-ce que vous pensez encore à lui aujourd'hui?
- Il m'arrive encore d'y penser oui, mais la douleur est plus facile à supporter qu'auparavant.
Il détourna son regard et le posa sur la pierre tombale d'un air pensif.
- J'aurais aimé le connaître et vous rencontrer à cette époque, me confia-t-il. Je me demande à quoi pouvait bien ressembler le si grand Salieri à 20 ans et lorsqu'il était fou amoureux.
Ce qu'il ignorait, c'est qu'il était en ce moment même en train de côtoyer le grand Salieri lorsqu'il était fou amoureux. La seule différence était que je n'avais plus 20 ans et qu'il ne s'agissait plus de la même personne.
- Il n'était pas très différent d'aujourd'hui.
Il se retourna vers moi et m'adressa un sourire léger, avant de déclarer qu'il n'en était pas convaincu. Je restai un long moment à fixer la tombe de mon ancien amant et malgré le coeur qui me pesait, je ne me sentais pas triste ou accablé comme j'avais pu imaginer que je le serais en revenant un jour ici. Peut-être avais-je déjà tourné la page sans m'en rendre compte. Alors que la journée commençait à se faire plus sombre, nous quittâmes le cimetière et j'accompagnai Mozart jusqu'à chez lui. À l'instar d'un enfant, il n'aimait pas être seul.
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Victime de ma victoire
FanficIl était frivole, excentrique , désinvolte et quelque peu insouciant, une joie de vivre évidente et communicative, porté par un seul et ambitieux rêve. Un jeune homme libertin, qui méprisait la société et se jouait de tout, passant son temps à rire...