Prologue

671 45 6
                                    

Je m'appelle Josepha Maria Anna Salieri, je suis née à Vienne au mois de juillet 1787 et aujourd'hui, j'ai 53 ans.

Mes parents étaient Therese Helferstorfer et Antonio Salieri, le maître de Chapelle impériale et grand compositeur, maestro Salieri.

Son nom ne vous dit rien? Je vous répondrais alors que c'est parfaitement normal.

Pour mieux comprendre, je vous invite à remonter quelques années plus tôt.

Imaginez Vienne, au commencement des années 1780, un homme visionnaire et fou de musique au commande de l'Empire.

Imaginez à présent, un jeune musicien, venu tout droit de Salzbourg, voulant faire ses preuves, inconnu du public, rempli de rêves et de fougue, vivant sa vie avec un enthousiasme et une fougue saisissante, sans faire dans la demi-mesure.

De l'autre côté, un compositeur de renommée, enchaînant les succès partout en Europe et cumulant les postes les plus importants à la Cour. Maître incontestable de la musique viennoise. À ses côtés, le poète impérial, prêt à lui produire à chaque fois les livrets les plus somptueux de l'époque.

Imaginez de la passion, de la haine, de l'envie, de la gloire et surtout, une profonde amitié. Leur relation n'avait pas toujours été fusionnelle, pour ne pas dire qu'il y avait souvent de nombreux différends entre eux, mais au bout du compte, chacun éprouvait pour l'autre un respect immense.

Mozart et Salieri, une supposée rivalité qui stimulait les foules. Justifiée ou injustifiée, chacun est libre de croire ce qu'il en veut.

À la mort prématurée et inexpliquée de Mozart, en 1791, certains accusaient mon père de l'avoir assassiné, d'autres, le surmenage, la fatigue, l'épuisement et pour une grande majorité, c'est une maladie qui aurait emporté le jeune prodige.

Le maestro Salieri, ayant reconnu son véritable génie, s'efforça de transmettre la musique de celui-ci et des années plus tard, le nom de Mozart demeurait célèbre et synonyme de gloire dans tous les esprits. Pourtant de son vivant, il était réputé pour avoir connu une misère des plus consternantes.

Ce fut sans doute sa perte si tragique et si rapide qui aura fait de lui un véritable monument.

Mon père quant à lui, se retira de ses fonctions et mis fin à toutes apparitions publiques en 1804, pour des raisons qui demeurent encore floues. Sa musique arrêta progressivement d'être jouée et peu à peu, le grand homme qu'il était du temps des années folles de Vienne tomba dans l'oubli.

Personne ne se souvenait du monument et de l'homme incroyable qu'il avait été. L'histoire ne se souvenait que vaguement de lui, au travers d'une prétendue rivalité entre les deux compositeurs.

Les dernières années de sa vie furent sans aucun doute les plus difficiles. Alors qu'il est âgé de 70, sa santé se dégrade de façon alarmante et certains diront qu'à l'époque, il aurait tenté de se suicider. Il est alors atteint de démence et raconte partout, qu'il aurait tué Mozart. Finalement, il s'éteindra seul au milieu de sa folie le 7 mai 1825.

Tout le personnel de la Chapelle Impériale accompagna son cortège funèbre, et le requiem qu'il avait lui-même composé fut joué. Lune des dernière fois où sa musique retentie à Vienne et à travers le monde.

Il s'appelait Antonio Salieri et n'aura laissé derrière lui, qu'une vie qui ne l'aura jamais pleinement satisfaite, un peuple qui l'aura oublié, une carrière à qui, il vouait toute son existence et une tragique fatalité.

Mozart, un petit homme insolant et insouciant, lui avait volé de part sa mort prématurée, la gloire éternelle qui lui revenait.

Victime de ma victoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant