CHAPITRE 8
ISAAC
« Comme un rêve »
La sonnerie stridente de mon appartement me réveille. J'émerge difficilement et agacé qu'on m'ait tiré de mon sommeil. Chaque soir je redoute de m'endormir, et chaque matin je supplie le soleil de se coucher à nouveau, à la lune d'apparaître et à mon rêve de revenir. Je continue à me demander si les sorcières n'existeraient pas dans certains recoins du monde et notamment à Port d'Orée.
C'est elle que je vois chaque nuit. Elle et le soleil qui parcourt ses cheveux quand elle sort de la mer, sa peau éclairée par la lumière des étoiles. Je sens chaque nuit le sable doux et encore chaud de la journée sous mes pieds et mes mains. Chaque nuit je tente de me lever, mais elle est plus rapide : elle me plaque fougueusement contre le sable. J'ai une pensée pour mes cheveux qui doivent être emmêlés et plein de sable mais je n'ai jamais le temps d'y penser car ses lèvres s'approchent dangereusement des miennes : et elle m'embrasse. Et je sens son baiser. Je le ressens dans tout mon corps et c'est pourquoi je suis aussi accro à ce rêve, c'est comme si elle était là, chaque nuit et m'embrassait sous les étoiles.
Je sens mon corps se tendre sous la surprise avant de se relâcher, comme entouré par un voile chaud et tendre. Je sens ses lèvres contre les miennes, la douceur et la passion avec laquelle elle m'embrasse, la volonté avec laquelle ma langue voudrait explorer sa bouche... La sonnerie répétée m'empêche de me souvenir de plus. C'est inutile de toute façon : plus j'y pense et plus mon rêve disparaît, me rendant totalement fou et accro à ses nuits secrètes partagées avec mon rêve. Je me lève en titubant et rejoins la porte d'entrée. Qui peut bien être ici ? Peut-être Lukas. Depuis quelques temps il me pose constamment des questions sur Liam, ses goûts, ses passions, ses éventuelles copines et je ne sais quoi encore. Il est très gentil et je l'apprécie beaucoup mais je n'ai pas toujours le temps de l'aider, surtout quand je passe mes journées à attendre les nuits. Cependant, ce n'est pas lui que je trouve à la porte d'entrée :– Charlie ? je demande.
Je vois ses yeux verts, ces yeux auxquels je voudrais m'accrocher pour l'éternité...
– Oui c'est de elle dont je voudrais te parler, me répond une voix aiguë et inquiète.
La brume persistante de mon rêve s'est entièrement dissipée et je vois mon erreur : j'ai bien en face de moi une fille mais celle-ci à des cheveux raides et plats. Sa peau ne
semble pas douce comme celle de Charlie. Et tout compte fait, elle n'a absolument rien de Charlie, même pas ses yeux.– Charlie comme tu dis à de vrais problèmes, et tu dois m'aider. Je viens justement te voir, j'ai mis du temps à trouver ton appart et mon dieu les escaliers m'ont tués c'est...
Tandis que la fille raconte ses multiples problèmes, une boule se forme dans mon ventre. Mon corps se tend. L'idée que ce sourire puisse disparaître, que cette boule d'énergie puisse être inquiète ou bien même "avoir des problèmes" me tétanise. Je me reprends et tente d'engager une conversation plus correcte :
– Excuse moi, je ne te connais pas que je sache... je lance timidement.
– Ho je suis vraiment désolée ! Je suis Alwena, meilleure amie de Charlie, du moins pour l'instant parce que parfois je ne sais pas trop... Tu peux m'appeler Wen ! dit- elle en me tendant la main. Mais je crois que nous nous sommes déjà rencontrés lorsque Charlie t'as sauvagement attaqué à la soirée de Matt.
Je lui serre la main, je me souviens effectivement de la soirée de Matt, là où j'ai rencontré Charlie pour la première fois. Je reconnais cette fille, sa meilleure amie et son caractère si protecteur envers elle... Je l'invite à rentrer. Après tout, si c'est bien sa meilleure amie, elle pourra peut-être m'aider également. Je ne veux pas blesser Charlie... Et quoi de mieux pour ça que de lui proposer un rendez-vous... Une sortie... Ou de tomber follement amoureux d'elle. Elle m'a déjà parlé de l'accident, j'ai vu la colère et la douleur dans ses yeux à notre rencontre et je ne voudrais plus jamais voir ce voile à travers ses yeux. Elle mérite tellement mieux.
– Je dois t'avouer que je viens ici tête basse. J'ai failli à ma tâche : en 4 ans je n'ai pas réussi à aider Charlie. Mais je te vois toi. Et je vois la façon qu'elle a de sourire avec toi, de tout oublier, commence la prénommé Alwena.
Elle me raconte tout. L'accident en détail. Elle me raconte le désespoir de Charlie, sa tristesse cachée et son désir de vengeance. Je vois qu'elle ne me dit pas toute la vérité mais je ne pose pas de questions. Parce que moi non plus je ne lui dis pas tout. Je ne lui raconte pas la façon dont cette fille m'obsède. J'écoute attentivement en restant de marbre. Je ne lui raconte pas mon rêve.
– Et maintenant j'ai besoin de toi. Je l'ai vue en ta compagnie. Charlie n'avait pas
sourit de cette façon depuis l'accident. Peut-être que tu pourrais... la soulager ?
Je la regarde bizarrement.– Non non pas de cette façon ! ajoute t-elle, gênée. Je voulais dire, peut-être que tu pourrais lui permettre de ne pas penser à l'accident en permanence. Tu pourrais peut-être l'aider.
– Je suis désolée mais je ne suis pas un psy... Je ne vois pas comment je pourrais aider, je n'ai pas vécu ce qu'elle a vécue... Je ne la connais même pas assez pour la comprendre, je réponds.
Que des excuses. Je sors toutes les excuses possibles mais je n'y crois pas moi-même. Bien sur que je pourrais la comprendre, j'ai l'impression de connaître Charlie depuis toujours alors que je ne la connaît véritablement que depuis 2 jours. Mais je sais aussi que cette fille m'attire... Et que je pourrais encore plus la détruire. Plus qu'elle ne l'est déjà, j'ai un certain don pour ça. L'éviter est certainement le seul moyen de ne pas la blesser plus. Mais en même temps... Je lutte contre cette idée. L'idée que ça pourrait être différent cette fois, l'idée que je pourrais vraiment l'aider. Et j'ai vraiment du mal à lutter quand je vois les yeux remplis de larmes de Wen.
– S'il te plaît, dit-elle. J'ai tout essayé. Je ne te demande pas grand chose, juste un petit rendez-vous, emmène-la n'importe où. Si ça ne marche pas je ne te demanderai plus rien, je te laisserai tranquille.
Son ton est implorant, elle est vraiment désespérée.
– On a déjà un truc de prévu, lundi.
Mince. J'ai craqué, Charlie n'aurait peut-être pas voulu lui dire. Je m'apprête à revenir sur mes mots mais soudain je le vois. Le bonheur et l'espoir se sont emparés d'elle, elle déborde d'énergie et son sourire est éclatant. Je comprends pourquoi Charlie l'apprécie autant.
– Ah... Elle ne m'en avait pas parlé... Quelle cachottière ! Mais c'est super du coup !
Je me lève et raccompagne Alwena vers la porte. Je lui dis poliment au revoir mais avant qu'elle disparaisse dans les escaliers je l'interpelle, un peu trop fort :
– Wen !
Elle se retourne, étonnée mais toujours souriante et soulagée.
– Je... Merci.
– Merci à toi, Isaac.
Elle me sourit, de ce sourire radieux mais n'est pas comparable à celui de Charlie, et part. Je retourne dans mon appartement, prêt à reprendre mon sommeil et je l'espère, mon rêve. Soudain, une pensée vient à mon esprit : pourquoi continuer à espérer et à rêver quand je peux juste... le réaliser. Je sors mon téléphone et compose le numéro de Charlie.
– Oui ?
C'est sa voix. Mon corps se tend sous le stress et la pression mais aussi se détend au simple fait d'entendre enfin sa voix.
– Charlie ? C'est Isaac. Jeudi, je vais à l'observatoire. Le soir, j'ajoute, ils ont prévus un temps dégagé à la météo. Je viens te chercher ou tu préfères venir de toi-même ?
Un long silence s'installe et je commence à douter de moi-même. Peut-être n'aurais-je pas dû y aller aussi brusquement. Elle doit être en train de se moquer de moi... Ou de paniquer. Mais encore une fois, sa voix coupe le fil de mes pensées :
– Quelle heure ?
– 23h, je réponds.
– Ok j'y serais.
– Cool !
– Et pour lundi ?
– Lundi c'est pour te faire pardonner. Jeudi, c'est juste moi qui t'invite.
Je l'entends presque sourire puis nous nous saluons et elle raccroche. Je m'effondre sur le lit, mon cœur manquant d'exploser ma poitrine. Cette fois-ci je ne rêve pas d'elle. Plus besoin, maintenant que mon rêve peut se réaliser.
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Les étoiles reposent dans tes yeux.
RomanceIl y a 4 ans, Charlie a vu la vie de son petit frère s'envoler devant ses yeux. Noah avait 8 ans quand il s'est fait heurter par une voiture dans le centre de Port d'Orée. Charlie est certaine qu'elle ne s'en remettra jamais. Et encore plus lorsqu'à...