13- Pardonner

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CHAPITRE 13

CHARLIE

« Pardonner »

​​Nous nous dirigeons vers sa voiture, un assez vieux modèle qui est pourtant bien entretenu. Isaac ouvre la portière côté conducteur. Je marque un temps d'hésitation. Je ne peux m'empêcher de revoir son frère sortir de sa voiture, l'haleine empestant l'alcool, ses yeux injectés de sang, s'excusant d'avoir tué Noah. Je chasse rapidement cette image avant que Isaac remarque mon trouble, je monte dans la voiture. Elle porte son odeur, comme le pull que je porte, et qui remonte assez haut sur mes cuisses. Isaac le remarque et esquisse un léger sourire, je lui donne un coup sur le bras.

–  Eh ! Ne te gêne pas surtout !

–  Je regardais juste à quel point mon pull te va bien, c'est tout... Sinon, elle habite où ton amie ?

Je lui donne l'adresse et attache ma ceinture de sécurité. Isaac démarre. Je parviens à me détendre après quelques minutes, il est particulièrement prudent lorsqu'il conduit. Tout le contraire de son frère, je pense malgré moi.

–  Tu penses à quoi ?

Je reviens à la réalité, au présent, celui loin de cet accident qui m'enleva mon frère. Mais aussi ce présent qui me rapproche du frère d'un assassin, l'assassin de Noah.

–  Je me demandais comment seraient nos vies s'il n'y avait pas eu ton frère pour tout gâcher.

Je réalise soudain la cruauté de mes mots. Ça a blessé Isaac, il fixe la route sans m'accorder un regard. J'ai envie de m'excuser mais je ne dis que la vérité ; c'est de la faute de son frère si je n'ai pas le mien aujourd'hui. Un silence pesant règne dans la voiture, Isaac le brise d'un ton portant tant d'émotions :

–  Est-ce que si Noah avait tué quelqu'un, tu aurais cessé de l'aimer ?

Cette question me laisse sans voix, je ne me suis jamais mise à la place d'Isaac. Je n'ai fait que lui en vouloir pour notre passé commun. J'ai envie de lui dire qu'il faudrait que Noah soit déjà en vie pour avoir tué quelqu'un mais je me retiens. La colère me fait perdre le contrôle de moi-même, et Isaac ne mérite pas de la recevoir, ce n'est pas sa faute. Si Noah avait tué quelqu'un, ça n'aurait rien enlevé à mon amour pour lui. Et je me rends compte seulement maintenant de ce que vit Isaac chaque jour. Devoir affronter le regard de son frère, mais essayer de lui pardonner, de l'aimer, même après ce qu'il a fait.

–  Je suis désolé, vraiment. Désolé pour tout ce qui est arrivé. Je n'ai jamais voulu ça, mais je ne veux pas que ce soit un obstacle pour nous deux. Je n'ai pas choisis mon frère, ni ce qu'il a fait, mais je l'aime quand même. Et j'imagine que si tu avais été dans ma situation, tu aimerais toujours Noah.

Nous échangeons un long regard. Un regard qui porte des dizaines de mots, des centaines de sentiments et des milliers de regrets. Un regard qui signifie tant que je ne le peux le décrire avec seulement des mots. Isaac se reporte sur la route, sa main se pose sur la mienne. Ce contact enlève toute la colère que j'ai en moi, il réchauffe mon cœur. Je prends la main d'Isaac dans la mienne. Le trajet se déroule ainsi, nos doigts entrelacés, notre passé oublié. La ville défile au-delà de la vitre jusqu'à ce que nous arrivions devant chez Alwena. Isaac arrête sa voiture en bas de chez elle, j'aurais aimé que mon amie habite beaucoup plus loin, pour pouvoir garder la main d'Isaac dans la mienne.

– Du coup, ça t'intéressait de travailler chez le glacier ?

Isaac remonte ses lunettes, un geste que j'ai déjà remarqué et qui atteste de sa nervosité. Est-ce que je pourrais un jour lui pardonner d'être le frère de l'assassin de Noah ? Je n'ai pas la réponse, mais je veux essayer. Essayer de lui pardonner, essayer de l'aimer sans que notre passé soit un obstacle. Je vais essayer.

–  Bien sûr, je commence quand ?

Un large sourire se dessine sur ses lèvres, des lèvres qui m'attirent comme un aimant. Nos visages sont particulièrement proches. Je me penche pour l'embrasser lorsque mon téléphone se met à sonner. Je me recule rapidement, les joues en feu.

– C'est Alwena qui m'appelle, elle doit sans doute s'inquiéter de mon retard...

–  Tu devrais y aller.

Je remarque que Isaac est aussi rouge que moi, ses yeux fixent les miens avec intensité. Nous restons ainsi un long moment, je n'ai pas le cœur à partir. Pourtant lorsque mon téléphone sonne une seconde fois, je m'efforce d'ouvrir la portière pour sortir.

–  Encore merci pour le pull.

–  Je t'en prie.

Son sourire ne le quitte plus, la joie se lit aussi dans son regard. Je referme la portière et lui fait un signe de la main lorsqu'il s'éloigne en voiture. Le sourire aux lèvres, je sonne chez mon amie. Je crois que j'ai pas mal de choses à lui raconter.

Les étoiles reposent dans tes yeux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant