Everything happens by accident (Tome 1)

Chapitre 38

Point de vue de Jenny

[198 jours avant]

- Par contre je veux pas d'ultimatum, c'est clair ?

Affalée sur le canapé du salon, devant un Marvel, je mets en garde mon frère en attrapant une poignée de pop-corn.

- Spiderman est en train de mourir et toi tu me fais chier avec ça, imbécile ?

- Il va pas mourir, sale con.

Mon frère affiche une mine exaspérée avant de cacher son visage dans ses mains et de soupirer. Il met pause au film et se tourne finalement vers moi, l'air grave.

- Qu'est-ce que t'en sais ?

Je soupire à mon tour.

- Pas d'ultimatum ?

Il reporte son attention devant nous pour fixer un point dans le vide. Après de longues secondes, il finit par briser le silence :

- Je l'aime vraiment bien Noah.

J'arque un sourcil en prenant d'autre pop-corn. Son discours est pas net du tout.

- Tu l'aimes ou tu l'aimes bien ?

Ethan prend le plaid avant de s'enterrer en dessous.

-  C'est pas des trucs à dire à sa sœur ça ! J'entends maugréer sous la couette, toi, est-ce que tu me parles de ton Jonathan de merde là ?

Je me pince l'arrête du nez. Je ne vais pas le reprendre sur le nom de Jordan, parce que celui-ci n'est maintenant plus personne pour moi.

- Écoute, j'essaye d'être là pour toi, je reprends plus calmement, alors parle-moi.

Ethan sort de sa cachette et s'avoue vaincu.

- Je sais pas. Avec lui, je suis bien.

Je le regarde et l'invite à continuer.

-  Je... je me sens tout simplement moi. J'ai passé ma vie à chercher la fille parfaite pour moi, mais je me trompais sur toute la ligne. Et maintenant, je ne voudrais pour rien au monde le perdre, parce que ton meilleur ami me rend plus heureux que je ne l'est jamais été.

Un sourire vient étirer mes lèvres.

- Je prends ça pour un "t'inquiètes, pas d'ultimatum sœurette".

Ethan rigole et attrape la télécommande, mais juste avant de remettre le film, il se rétracte.

- Et toi, tu veux pas me parler de tes histoires de cœur ?

J'éclate de rire. Histoires cœur ?

Est-ce qu'un pari ça compte ?

***

Je ferme les yeux et respire une bouffée d'air chaude. Mes muscles se détendent, ma tête tombe vers l'arrière, et un sourire se forme sur mes lèvres. L'hammam est la solution à tous les problèmes. J'ouvre mes paupières et observe à travers la buée mes meilleurs amis qui profitent autant que moi de cette situation.

- Quel plaisir d'avoir un meilleur ami qui a une maison aussi belle que celle de Beyonce, je soupire en plaçant mes mains derrière ma nuque.

- Je sais, je crois que je me marierais avec moi-même si je le pouvais.

Emma étouffe un rire, je crois qu'on a pensé à la même chose.

- Tu marierais pas mon frère plutôt ?

Noah s'étouffe avec la buée autour de nous.

- C'est pas du tout comme ça avec Ethan.

- C'est comment alors ? Demande Emma.

Le concernée fronce les sourcils et réfléchis longuement.

- C'est... c'est moins prise de tête. C'est très ouvert comme relation, tu vois ?

Aïe. J'ai mal pour mon frère quand son discours de ce matin me revient en tête.

L'amour est un sentiment tellement injuste. Il est incontrôlable, alors les gens ont peur de tomber amoureux. Mais c'est surtout le fait que cet amour ne soit pas réciproque qui les effraient. Aimé de tout son être une personne, mais que tout cela n'aille que dans un sens.

Aimé et être aimé en retour, n'est-ce pas ce que la plupart des gens désir ? Enfin, pas moi. Je ne suis pas faite pour ce genre de sentiments. Je n'ai qu'à regarder la situation des gens qui m'entourent. En première place Ethan et Noah : « Ton meilleur ami me rend plus heureux que je ne l'ai jamais été. » et « C'est très ouvert comme relation ». Je soupire. L'amour est un sentiment vraiment injuste.

- Jenny ? Tu nous écoutes ? Me sort Emma de mes pensées.

- Non excuse-moi. Tu peux répéter ?

- On parlait du volley, du match à venir...

Emma baisse la tête vers ses doigts qu'elle triture nerveusement.

Elle parle du match contre notre école rival : la Woodrow Wilson School. Nous sommes ennemi depuis toujours. Je crois en fait que ce conflit remonte à bien avant ma naissance. Quoiqu'il en soit, maintenant c'est comme ça.

- Celui contre les Woodrow ? On va les écraser sans problèmes, je réplique en affichant une fausse assurance.

Les Woodrow rentre dans les meilleurs en volley de toute la région. Et j'avoue ne pas être super confiante. Mais je suis la capitaine, alors c'est mon devoir de prendre cette audace inconnue en espérant que ça contamine les autres.

Malgré le brouillard du Hammam, je parviens à voir les lèvres d'Emma venir former un petit sourire. On dirait bien que ça a marché.

- Vous avez prévu quoi pour Noël sinon ? Elle nous questionne en déplaçant parallèlement une de ses nombreuses mèches de cheveux lui collant au visage.

- Ma famille nous rend visite, répond Noah en haussant les épaules.

Je soupire en réalisant qu'en fait, je n'ai absolument aucun plans pour Noël mise à part un dinner avec ma famille. Ethan a une soirée juste après et mes parents sortent aussi si je ne me trompe pas. Je grimace, passer Noël toute seule, quelle tristesse... Je me rassure en me disant que j'ai encore environ une semaine pour arranger ça.

- En réalité j'en sais trop rien...

Emma se met ensuite à nous expliquer son planning extrêmement chargé de la semaine à suivre. Je l'écoute d'un oreille distraite et quand le silence retombe je ferme les yeux et profite de celui-ci. Après un petit bout de temps, Noah lance,

- Je suis quand même mieux placé que Beyonce.

- Ah oui ? Et pourquoi ? Je demande en me retenant de rire.

- Ba tu sais, je suis sûr qu'elle a pas des potes aussi bien que les miens.

J'échange un regard avec Emma et voit qu'elle aussi est au bord. C'en est de trop. Nous éclatons tous les trois d'un fou rire qui résonne dans tout le Hammam.

Le reste passe en silence. Tous trop plongés dans ses pensées pour se permettre de parler.

Noah doit réfléchir à sa relation avec Ethan. Au fait qu'il se ment à lui-même, et qu'au fond, il sait que ce n'est pas une relation ouverte et sans prise de tête, mais bien plus que ça.

Emma doit penser au match à venir. La pression que ça exerce. Au fait qu'elle va devoir s'entraîner encore plus dur qu'elle ne le fait déjà pour réussir à battre nos adversaires.

Et moi, à quoi je pense ? Moi, mes idées sont embrouillées depuis plusieurs mois. Et alors que les mots s'emballent, se perdent, se retrouvent, et se superposent dans ma tête, la silhouette d'un garçon brun et mystérieux se défini dans tout ce bazar.