Réfléchir. Il me faut réfléchir, pour mieux agir. Pour mieux contrer le mal qui me ronge.
Il m'est de plus en plus difficile de me concentrer. Ma mémoire faiblit, fléchie, parfois. Il devient ardu de voir, désormais. De voir, et de prévoir. Je voyais clairement le futur se profiler, et maintenant... Tout est sombre. Le passé, qui fait également partie de ce que l'on nomme l'avenir, m'apparaît, mais avec trop de ramifications différentes. Le chaos semble être le seul objet autour duquel les branches de notre arbre de vie s'harmonisent. Avant, j'aurais pu demander conseil aux Dieux. Mais ils ne sont plus présents depuis bien des millénaires. Je ne peux que me reposer sur les Anciens, comme moi. Seulement, il n'y a plus beaucoup, ici et ailleurs. Et je les ai si bien cachés que... j'ai perdu le chemin, menant à eux. Je ne peux que me reposer sur moi, et ma mémoire défaillante. Et sur ce corps, que je sens devenir de plus en plus lourd. De plus en plus dur à soulever. Mes poumons ne se remplissent plus du feu de l'éternité. Ma gorge s'obstrue bien trop souvent. Et mes yeux se ferment, avec une trop grande facilité. Ce n'est pas le moment. Je n'en suis pas là. Les ténèbres sont à nos portes, et mes émissaires n'ont de cesse de proclamer la fin d'une ère. Et le commencement d'une autre. Serrant les poings, je prends conscience de la fumée, se dissipant tout autour de ma personne. Peut-être ne verrais-je pas l'âge suivant. Il est tôt, bien trop tôt pour laisser ma place. Et il me reste tant à faire...
- Faites-le entrer.
L'Apocrisiaire, arrivé derrière moi, ne s'est pas manifesté. Parce qu'il sait que je l'ai vu, dans son passé. Il se devait de venir ici, pour m'informer de sa présence, à lui. Lorsqu'une silhouette élancée pénètre à sa suite dans la salle, je ne peux m'empêcher de le regarder. Véritablement. En fouillant son esprit, sans qu'il s'en aperçoive. Je vois au-delà de sa chair, au-delà de ses os, au-delà de son âme. Dans une autre temporalité, je prends le temps d'explorer ses chemins empruntés, ses erreurs commises. Et ses réussites, bien maigre en comparaison de ses fautes.
- Maître, vous m'avez fait mander.
Je décèle son sarcasme, derrière l'apparente docilité de ses mots. J'y suis indifférent, comme pour toute autre chose. D'un signe de ma part, l'Apocrisiaire a l'autorisation de se retirer, nous laissant seuls, ma faiblesse et moi.
- Mes émissaires parlent.
- Tiens donc ? s'amuse mon interlocuteur, en attrapant le Calice de Vie de la bibliothèque. Et de quoi peuvent bien parler vos petits colibris ? Ils sont de plus en plus hideux, d'ailleurs. Vous vous améliorez.
Il avise finalement mon regard, immobile, fixé sur l'objet qu'il manipule avec tant de désinvolture. Sagement, il remet le Calice en place, en le décalant de quelques centimètres. Pour lui, cela ne change rien. Pour moi, ma vision s'épaissit. Et nous empruntons un autre embranchement, dans la ramification de son avenir. Je pousse les branches, cherchant alors à aller plus loin. Et le brouillard revient, obscurcissant tout, à nouveau.
- Qu'est-il arrivé à ta main ?
Il cesse de respirer. Un quart de seconde. Un battement d'aile de papillon. Mais, dans mon monde à moi, il met une éternité avant de prendre une nouvelle respiration. Et je sais alors que ses prochains mots ne seront que des mensonges. Que des paroles fallacieuses, portées par la créature d'un homme que j'ai aimé, autrefois. Pour cet amour perdu, j'ai choisi de sauvegarder cet enfant, qui n'était que colère, à l'époque. Aujourd'hui, sa colère s'est muée en rage. Je la vois, au fond de ses yeux. Je la sens. Et je ne peux plus rien faire pour l'arrêter.
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Trois mois sous silence - L'Etincelle (Tome 3)
ParanormalTOME 3 - SAGA TROIS MOIS SOUS SILENCE Réfléchir. Il me faut réfléchir, pour mieux agir. Pour mieux lutter contrer le mal qui me ronge. Séléna Brand n'en a pas fini avec Alastor, mais la Bête, aussi terrifiante soit-elle, devra attendre. Tapie dans l...