Quatre bras, quatre jambes, et une seule tête à deux visages. C'est ainsi que débute tout être, venant à se dissocier par la suite. Pour former deux âmes. Des âmes jumelles, vouées à se chercher. Vouées à se retrouver.
Fable du fil rouge, grâce délivrée par les anciens dieux, écrits Vanpirs
Curieusement, je ne reviens pas dans ma réalité d'un clignement de paupières. Non, cette fois-ci, le saut est bien différent. Infiniment plus douloureux. La sensation, lorsque le disciple du maître a forcé Dimitri à toucher ma marque, est décuplée. Comme si, en effectuant moi-même le geste, j'avais propulsé la chose dans une autre dimension. Dans un autre cercle de souffrance. Me débattant face à des entraves invisibles, je tente de m'extraire de ténèbres encore plus obscures que ceux que je viens de quitter. Suffocante, j'ai l'impression de mon corps saignant, abondement, alors que ma peau ne laisse couler pas une seule goutte de sang. Ma voix rugit, sans émettre un seul son. Puis, une voix me parvient. Faible, mais assurée. M'accrochant de toutes mes forces à ce son familier, ma bouée dans cette tempête, je parviens à garder la tête hors de l'eau, et à rouvrir les paupières. Mes yeux s'ouvrent ainsi sur un monde flou, en mouvement. Mes sens émoussés me donnent l'impression de me noyer dans une mer de coton. Je ne sens plus mon corps, ne ressens absolument rien. Sauf ses mains, tenant les miennes. Ma vue recouvre peu à peu sa stabilité coutumière, redonnant à ce monde qui m'entoure un aspect plus réel. Et quand ma vision est enfin nette, ma respiration se bloque. Stevan est presque collé à moi, et son regard... Son regard est envahi par la plus pure des terreurs. Ses lèvres bougent dans un rythme rapide, me prouvant que sa panique est perceptible. Une de ses mains effleure ma joue, en me voyant rouvrir les yeux. Me forçant à rester auprès d'eux. Auprès de lui. Haletante, le souffle me revient, avec tous mes sens. Et j'entends, à nouveau.
- Aller, ma belle, reviens avec nous, me prie Stev fiévreusement.
J'obtempère face à son supplice et suis si surprise que le néant recule définitivement.
- Voilà, dit-il sur le même ton. Ça va aller, d'accord ?
Lorsque j'accroche son poignet d'une main tremblante, son soupir soulève les quelques mèches échappées de ma tresse, avant qu'il ne me prenne dans ses bras, sans un mot supplémentaire. Groggy, je me laisse embarquer dans cette étreinte tremblante, regardant par-dessus l'épaule de Stevan le reste de notre équipée. Et c'est là que je prends conscience des conséquences de mon acte. Dimitri, au sol. Ebyorn, en piteux état, les yeux braqués sur moi. Markel, prenant le pouls du Vanpir. Akim, observant l'extérieur, par l'entrebâillement de la planche, nous maintenant au sec. En quittant ce monde, j'ai fragilisé notre troupe. Égoïstement.
- C'est bien, Léna.
Le murmure de Stevan est à mille lieues de mes pensées. Il me recule lentement, jauge mes réactions, et mon silence, qu'il met sur le compte de l'étourdissement. Me sentant détestable, je ne peux supporter ses yeux aimants et ses gestes doux. Je m'éloigne donc de lui, chancelant sous mes forces manquantes et ma respiration encore laborieuse. Soucieux de suivre mes désirs de petite princesse imbue d'elle-même, Stevan me laisse m'écarter, me veillant comme du lait sur le feu. Comme s'il m'imaginait disparaître, en un rien de temps. En un souffle ténu. Markel, dans son dos, se relève, avant de me rejoindre en deux pas, et me tendre mon sac de couchage. Sans un mot, je le repasse sur mes épaules, frissonnante, en déviant mon regard sur la masse immobile, au pied d'Akim.
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Trois mois sous silence - L'Etincelle (Tome 3)
ParanormalTOME 3 - SAGA TROIS MOIS SOUS SILENCE Réfléchir. Il me faut réfléchir, pour mieux agir. Pour mieux lutter contrer le mal qui me ronge. Séléna Brand n'en a pas fini avec Alastor, mais la Bête, aussi terrifiante soit-elle, devra attendre. Tapie dans l...