Links II [BxB]

Chapter 6

— Vraiment ?

Il me regarde d'un air à la fois innocent et fier, presque prétentieux sur les bords, ce qui donne un mélange atypique. Un mélange Malo en somme. Seulement je me fiche bien des raisons qui l'ont poussé à l'acheter. Elle est là, là où elle aurait toujours dû se trouver, et c'est tout ce qui m'importe.

— Elle te plaît ?

Je regarde notre nouvelle horloge, attendri de le voir s'attarder sur une question aussi ridicule. Je m'avance donc vers lui pour venir encercler sa taille de mes bras, levant mon visage vers le sien avec un léger sourire.

— Elle indique l'heure, donc elle est parfaite.

Il lève les yeux au ciel, sans toutefois parvenir à cacher son amusement. Je sais qu'il me trouve risible d'accorder de l'importance à des détails de la vie courante paraissant insignifiants pour une très grande majorité. Paradoxalement je suis intimement persuadé qu'il ne voudrait pour rien au monde que je ne change, et de toutes manières ce n'est pas au programme.

En revanche, autre chose se doit d'arriver.

— Ton regard a changé. Pourquoi ton regard a changé ? Pourquoi ton regard change toujours ?

Je ris légèrement en le poussant du plat de la main sur le torse, m'éloignant de lui. Mais je ne me dérobe pas pour autant, aussi je le regarde bien dans les yeux pour lui rétorquer :

— Tu le sais parfaitement.

Je le vois plisser les lèvres, puis une de ses mains vient se glisser derrière ma nuque avant que je ne reçoive un court baiser. Court, mais d'une infinie douceur, comme s'il avait peur que je ne me brise. Je sais parfaitement ce qui le fait penser ainsi, or je suis plus fort que je n'y parais, et surtout plus fort qu'il ne m'a connu. Plusieurs mois auparavant je n'aurais jamais été capable de gérer une telle situation, j'aurais fui à coup sûr. Plus maintenant, plus aujourd'hui.

— Viens.

Sa main descend jusqu'à la mienne tandis que je le laisse me guider jusqu'au salon, sur le canapé. Il pose ses coudes sur ses genoux et laisse sa tête tomber dans le vide le temps d'une minute, une minute de silence complet, puis il me refait face pour plonger ses yeux dans les miens.

— Ok. On fait quoi ?

Je n'ai pas besoin de grandes inspirations ni de minute de réflexion perdu dans mes pensées. J'ai déjà analysé la situation de long en large, en travers, je l'ai prise, retournée, désarticulée, j'ai tout fait. La conclusion je la connais.

— Rien. On ne fait rien.

Le silence se fait de nouveau mais son regard ne quitte à aucun moment le mien. En revanche il ne s'arrête plus de cligner des yeux en me fixant, comme un robot ayant un bug dans la matrice. Voyant que je ne m'explique pas plus, il hausse un unique sourcil en se contentant de répéter, légèrement ahuris :

— Rien ?

— Oui je sais, ça ne me ressemble pas beaucoup.

— Pas du tout tu veux dire.

— Les gens changent. Tu m'as changé. Et je ne veux pas avoir à y mettre un terme.

— Qui parle de mettre un terme à quoi que ce soit ? Juste tu ne crois pas qu'il faille parler avec ta mère ? Ou même Phil ? Surtout Phil réflexion faite.

— C'est ça le truc Malo. Toutes mes réflexions sont déjà faites à moi. À quoi ça nous avancerait de parler avec ma mère ? On a déjà essayé tu te souviens ? J'étais le premier à dire qu'elle finirait par nous accepter, mais scoop : elle en est encore plus loin qu'au moment de la révélation. On a réellement atteint un point de non-retour. Elle n'a même jamais aimé P-P, c'est ridicule comme situation ! Mais bon, sur ce point elle a raison, c'est impossible d'aimer cet homme. Et je crois que le concept d'amour lui échappe aussi complètement, il y est hermétique tant dans sa réception que dans son émission. Et tu voudrais avoir une discussion avec lui ? Le résonner ? Il ne voit que par l'argent et la réputation. Depuis même ses premiers pas à la maternelle, j'en mettrais ma main à couper. Rien que ce chantage absurde en est la preuve. Il veut s'amuser à donner des conférences de presse ? Grand bien lui en fasse. Il veut me déshériter ? Ce n'était qu'une question de temps. Conclusion : on ne fait rien.