Plus le temps dans cette voiture s'est écoulé, plus je me suis tendu. Cette irritation croissante n'était en revanche qu'une première étape, menant lentement mais sûrement vers un mélange de panique et de colère. Mélange que je ressens maintenant pleinement.
- Leo.
Il s'est efforcé jusqu'ici de combler le vide en parlant. Ou alors il cherchait simplement à m'occuper l'esprit. Sans doute les deux. Seulement chaque mètre de plus parcouru par cette voiture est un mètre de trop. Un mètre dans la pire direction possible. Mon ami se tait au son de ma voix, ses traits se tendant légèrement. Il me détaille quelques secondes, avant qu'un léger souffle ne lui échappe, ses épaules allant jusqu'à visiblement s'affaisser.
- Tu aurais attendu quelques minutes de plus qu'on soit arrivés et ça n'aurait pas été à moi d'avoir cette discussion.
Je crois que la colère prend le pas sur la panique pour ma part. Or je tente du plus profond de moi-même de la refouler. Je ne dois pas tenir mon ami pour responsable. Je sais qu'il tente de bien faire. Il ne pouvait se douter que c'était très exactement la pire chose pour moi à cet instant. J'en suis conscient, pourtant ma voix vibre de sombres nuances quand je me tourne vers le conducteur de ce taxi :
- Faites demi-tour s'il vous plaît.
- N'en faites rien.
Le conducteur nous jette un regard perdu dans le rétroviseur. Il reporte son regard sur la route et, à mon grand dam, continue sur sa lancée. Cette fois-ci je ne fais plus aucun effort de contrôle en me tournant vers mon ami, mes yeux s'étrécissant déjà.
- Je ne remets pas tes intentions en question. Je me doute que tu penses bien faire. Je me doute que tu as un 'plan' en tête. Peut-être même est-ce un bon plan. Seulement plus il est bon, plus j'en viendrai à te détester Leo. Je ne veux pas avoir d'espoirs. Alors, s'il te plaît, ne m'oblige pas à aller là-bas.
- Il m'avait prévenu que tu dirais ça.
Je ne veux pas savoir qui ce 'il' est. C'est ce que je me répète en boucle dans ma tête. Mais la vérité je ne la connais que bien trop. S'il me restait encore un espoir que Malo n'y serait pas, Leo vient de souffler dessus aussi facilement que sur une bougie. Je lui avais promis que je resterai loin de lui. Nous avions convenu ensemble que tout s'arrêtait définitivement. Que se passe-t-il au juste maintenant ? Ma jambe tressaute. Mes mains tremblent. Mon souffle est sifflant.
- Leo s'il te plaît... pas ça.
- Poussin, attends qu'on y soit, fais-moi confiance.
Je le déteste de m'imposer cette situation. Je déteste Malo sans même savoir pourquoi cette fois. Je déteste n'importe qui caché derrière cette embuscade. Puisque c'en est une, n'est-ce pas ? Mais je n'ai pas d'autre choix que d'attendre. Je sais exactement où l'on est. Je sais exactement combien de temps il me reste pour tenter de réguler ma respiration et calmer mes tremblements. Je ne suis pas aveugle, je remarque bien les coups d'œil inquiets jetés par mon ami, or celui-ci ne fait aucun geste dans ma direction. Je lui en suis bien plus reconnaissant que s'il avait tenté de me calmer.
Je n'ai pas besoin de regarder par la fenêtre quand la voiture ralentit puis s'arrête, or je le fais tout de même. J'ai beau savoir depuis un long moment maintenant notre destination, voir la maison de Bill sous mes yeux me percute brutalement. Savoir que je n'y ai plus ma place me percute brutalement. Je souffle alors, ne cherchant absolument pas à cacher mon exaspération.
- Qu'est-ce que je suis censé comprendre mainte-
Je suis stoppé moi-même dans ma phrase quand mes yeux se posent sur les voitures présentes dans l'allée de Bill. Je reconnais aisément la sienne, celle de Katherine et celle, comme je m'en étais douté, de Malo. Seulement aucune d'entre elles n'est l'objet de ma surprise.
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Romance« N'aimez jamais quelqu'un qui vous traite comme une personne ordinaire » ~ Oscar Wilde. Ordinaire. Au contraire, ce mot a toujours irrésistiblement attiré Rafael. Sa vie n'a jamais eu la prétention de pouvoir se revendiquer comme telle. Lui-même...