— T'es consciente que ce ne sera pas des vacances, n'est-ce pas ?
Je regarde Katerine de haut en bas, elle et ses deux valises. Deux, pour une seule semaine. Elle lève les yeux au ciel, se contentant de me répéter la même chose en boucle :
— Je sais, oui. Mais Leo a raison, c'est l'occasion pour moi d'aller à Paris, capitale de la mode. Si je veux me donner les moyens de réussir, ce n'est certainement pas en restant enfermée dans ma chambre.
D'accord, je retire ce que je viens de dire. Elle ne s'est pas exactement contentée de ressasser la même excuse, je viens d'avoir droit à une légère variante.
— Leo ? C'est lui qui t'as mis cette idée de m'accompagner en tête ?
— Il me comprend et il m'encourage. Ton ami ne cesse de me surprendre.
Je ne suis pas particulièrement étonné de ses mots ni de leur sens. Je serais le premier à avancer que Leo est une des personnes les plus à l'écoute et les plus compréhensives qu'il m'ait été donné de rencontrer. Cependant si ce ne n'est pas ce qu'elle avance qui retient toute mon attention, c'est bien plus ce qu'elle y sous-entend par-là.
— Très bien mais... vous vous parlez régulièrement vous-deux ? Depuis quand ?
Je vois ses joues s'empourprer. C'est léger, presque infime. Puisqu'il est question de Kitty Kat, celle ne s'accommodant pas de la gêne et allant jusqu'à ignorer le sens de ce mot, ce détail est aussi visible qu'une lampe torche directement dirigée vers mes yeux. Ceux-ci en question s'agrandissent, or je n'ai pas le temps de lui demander plus de détails qu'une annonce au micro nous interrompt, annonçant l'ouverture de notre porte d'embarquement.
— Sauvée par le gong.
Elle me fait un clin d'œil avant de se relever, et c'est tout deux que nous nous dirigeons vers la-dite porte, fin prêts. Techniquement parlant du moins, puisque je me sens aussi prêt à affronter ma famille que je le serais à me faire piétiner par tout un troupeau de buffles. Mais ce n'est pas comme s'il me restait un choix. Selon l'article que m'a fait lire Bill, une source anonyme aurait divulgué des papiers témoignant d'une démarche judiciaire entreprise par mon grand-père. Je ne me fais aucune illusion sur cette soit disant source, il l'a en réalité lui-même fourni à la presse, ça ne fait aucun doute. Si j'ai bien appris une chose au sein de ma famille, c'est que tout s'achète. Mon grand-père n'a pas réellement besoin d'une excuse cohérente pour attaquer ma famille, juste d'un prétexte. Le reste se règle par la taille de son chéquier. Et ce qui devait arriver arriva, l'article ayant reçu le scoop était également aux premières loges pour assister à la dispute entre Malo, P-P et mes parents, piles devant les locaux de l'entreprise. Aux premières loges pour assister à la perte de sang froid de Malo et à son crochet du droit pour mon grand-père.
Donc oui, je stresse.
Oh, et ai-je mentionné que je ne me suis toujours pas habitué à l'avion ? Du moins pas au décollage. Dans un premier temps l'appareil se contente de rouler, très lentement et presque sans bruit, et pourtant ce détail suffit amplement pour que mes mains se serrent sur mes accoudoirs, mes jointures en devenant blanches. Je sens la main de Kitty Kat se poser sur le bas de ma nuque, ses doigts montant lentement de haut en bas dans une tentative de me détendre. J'ai conscience d'être ridicule, après tout j'ai déjà pris à plusieurs reprises l'avion et c'est le transport le plus sûr au monde. Or la rationalité n'a pas sa place dans mon cerveau en ébullition.
Je vois du coin de l'œil une enfant me regarder en se retenant de rire, de l'autre côté de l'allée. Message reçu haut et fort, je suis bel et bien ridicule. Katherine arrête alors ses mouvements dans ma nuque pour se contenter de fixer la petite fille, les sourcils froncés. Je lui donne un coup de coude pour qu'elle arrête, je ne vais quand même pas prendre la mouche pour une enfant. Seulement elle n'a que faire de mon avis, ne daignant la quitter des yeux qu'une fois son sourire moqueur disparu et son regard détourné, honteux. J'ouvre la bouche pour réprimander mon amie, mais la referme aussitôt suite à l'accélération soudaine de l'appareil. Je l'aurais laissée ouverte une seconde de plus qu'un cri en aurait sorti à coups sûrs.
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Romance« N'aimez jamais quelqu'un qui vous traite comme une personne ordinaire » ~ Oscar Wilde. Ordinaire. Au contraire, ce mot a toujours irrésistiblement attiré Rafael. Sa vie n'a jamais eu la prétention de pouvoir se revendiquer comme telle. Lui-même...