Je jette un coup d'œil vers les gradins en sortant des vestiaires, surpris d'y voir effectivement Leo. Il m'a accompagné jusqu'au terrain, stipulant vouloir voir de ses propres yeux ce que vaut réellement un athlète de haut niveau. Seulement je m'attendais à le voir déjà reparti, ayant supporté l'attente tout juste quelques secondes avant de lâcher l'affaire. Je me suis de toute évidence trompé sur son compte.
Il me sourit en coin en me voyant à son tour, avant de s'adosser un peu plus confortablement contre son siège. Je n'accorde pas réellement d'importance à sa présence pour être honnête. Qu'il soit là ou non, je ne cours pas pour lui. Je cours pour moi, pour mon coach et mon équipe. Tout ce qui est extérieur à ce terrain de course disparaît de mes pensées à la seconde où je le foule.
Plusieurs coureurs sont également présents autour de l'entraineur. Je ne sais pas quelle est leur discipline, s'ils font ou non du relai, et encore moins leur niveau réel. Je me sens largué. Le cocon rassurant de mon équipe française, de mes coéquipiers s'apparentant beaucoup plus à une seconde famille, me manque alors cruellement. Si partir aux États-Unis le temps d'un semestre pour y intégrer une fac représente déjà un saut inimaginable pour ma part, je me rends compte à cet instant que ce n'est en rien comparable avec ce que je vis à cet instant.
— Bien, tout le monde se concentre et m'écoute.
À l'instant où l'entraîneur prend la parole, l'ensemble des coureurs autour arrêtent leur étirements, se redressant pour l'écouter. Cette constatation aura au moins le mérite de détendre un dixième de mes muscles. Enfin je retrouve une constance. Ce n'est définitivement pas mon coach, mais la figure d'autorité qu'il représente est plus que la bienvenue à cet instant.
— Est-ce que quelqu'un a déjà mis un pied en France ?
Les regards se font surpris, puis sceptiques. Je ne sais pas si cet entraîneur à l'habitude de tendre des pièges à ses poulains, toujours est-il que je peux presque voir les rouages de leur cerveaux se mettre simultanément en action pour tenter de décoder le message cacher derrière. Deux d'entre eux me jette un furtif coup d'œil ne m'échappant pas. Je ne sais pas s'ils sont au courant de mon arrivée. S'ils sont au courant que je ne suis pas américain. S'ils sont au courant de mon niveau.
Pour la faire courte, je ne sais rien.
Devant le mutisme de ses élèves, l'entraîneur reprend, une mine lasse construite de toutes pièces au visage et ne parvenant pas à cacher un sourire sur ses lèvres.
— Dommage pour vous, je n'ai jamais rien mangé d'aussi bon que là-bas. Mais ce n'est pas pour parler baguette que j'évoque la France. Rafael, tu veux bien te présenter ?
Pourquoi je ne l'ai pas vu venir celle-là ? Les signaux étaient pourtant tous présents, avant même qu'il ne prenne la parole ça puait littéralement l'arnaque à des kilomètres à la ronde. Mon épiderme s'est automatiquement échauffée, si bien que je me demande si je dois me présenter sous mon prénom ou simplement dire : « Moi, c'est la tomate. Enchanté ? ».
Une de mes mains s'agite nerveusement contre ma cuisse à les voir tous m'observer, silencieux. Je les fais alors toutes deux passer dans mon dos puis me racle fortement la gorge.
— Je... suis Rafael.
L'entraîneur plisse les yeux dans ma direction. Je vois quelques sourires apparaître ça et là. Ils ne sont pas moqueurs ceci-dit, or même cette constatation peine à me détendre.
— Je vois.
Le coach tend vivement le bras dans ma direction, referme sa main sur mon épaule et me tire vers lui. Il ne la retire pas à mesure qu'il prend à nouveau la parole :

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Romance« N'aimez jamais quelqu'un qui vous traite comme une personne ordinaire » ~ Oscar Wilde. Ordinaire. Au contraire, ce mot a toujours irrésistiblement attiré Rafael. Sa vie n'a jamais eu la prétention de pouvoir se revendiquer comme telle. Lui-même...