[Contenu mature]
Ma bouche est sèche, ce qui est cocasse si l'on prend en compte le fait que j'ai passé ma soirée à boire. La réalité en reste pourtant inchangée, à tel point que je ne suis pas sûr d'être en mesure de pouvoir m'exprimer. Pour dire quoi de toutes façons ? J'ai imaginé plus d'une centaine de fois ce que je pourrais lui dire si un jour je me trouvais seul face à lui, et maintenant que ce moment est là je ne peux que le fixer, hagard.
Une pression soudaine contre mes mollets me force à briser cette connexion presque palpable entre nos regards. Je me tourne alors de moitié, mon cœur se serrant étrangement à la découverte de Falcon à mes pieds. Je m'accroupis, laissant l'animal me lécher joyeusement et avec entrain le visage, me surprenant même à rire de la situation. Cette boule de poil m'avait manquée, je suis ravi de voir que le sentiment est partagé.
— Il a remarqué tu sais. Ton absence.
Mon visage se ferme au son de la voix de Malo. Est-ce l'alcool me donnant des hallucinations auditives, ou sa voix a-t-elle réellement changée ? Et non pour le mieux. S'il me fallait la qualifier, seul l'adjectif 'éteinte' me viendrait à l'esprit.
Je me redresse, m'interdisant de me retourner pour lui faire à nouveau face. Le plan, c'était que l'alcool et mes amis m'aident à affronter cette situation, m'aident à faire ce pas en avant dans ma séparation. Or je me retrouve seul et bien loin de faire confiance à la boisson pour m'aider à traverser cette épreuve. La seule conclusion possible est qu'il me faut l'écourter, cependant je me refuse d'être venu jusqu'ici pour rien. Ce moment est déjà bien assez dur pour en plus le rendre inutile. Je me dirige donc vers la chambre tout en ayant conscience que Malo me suit, en silence. L'unique chose que je sois actuellement capable d'affirmer est que je ne serai pas celui rompant ce silence.
J'ai pour habitude de me mettre en pilotage automatique. L'alcool m'empêche de réfléchir. Mes mouvements sont dénués de vie mais ont l'avantage d'être efficaces, du moins est-ce mon impression. Sans poser de question ni émettre la moindre parole, j'ouvre la seule armoire de la chambre. Mes affaires sont toujours à leur place. Horriblement à leur place. Pourquoi rien n'a t-il changé dans cette simple armoire quand l'ensemble de ma vie s'est écroulée en contrepartie ? Je crois que je voue une haine soudaine et féroce envers cette armoire. Mes gestes se font alors plus saccadés, plus précipités. J'attrape un des cartons de notre emménagement entassés au sol, m'emparant de la première pile de vêtements à ma portée pour la lâcher sans ménagement à l'intérieur. Mes mouvements me paraissent flous et désordonnés, et ils le sont sûrement. Mais je n'ai pas le luxe de pouvoir m'attarder sur mon état, il me faut sortir d'ici. Le plus vite possible.
— Tu as besoin d'aide ?
Sa voix est toujours aussi calme, manquant toujours autant de vie. Ça me fait mal. Et ça m'agace. Je me tourne alors vers lui, luttant pour garder l'équilibre dans ce mouvement. Une fois ma stabilité assurée, je lui rétorque de toute l'éloquence et la répartie dont je sois à cet instant capable :
— Non.
Il hoche la tête affirmativement, tournant les talons sans plus rien ajouter. Comme dit précédemment je me suis fait une centaine de scénarii dans ma tête concernant ce moment. Pas une seule fois je ne me le suis imaginé si passif. Pas une. Je déteste être pris au dépourvu. Or mon cerveau embrumé me fait parfaitement parvenir sa conclusion : Malo ne lutte pas car ne le veut pas. Lui a su tourner la page.
Un bruit sourd me sort soudain de mes réflexions, comme un coup donné dans le mur. Je sursaute, ma vision se troublant à cette occasion. Bientôt un second bruit me parvient, ressemblant cette fois-ci bien plus à un objet tombant au sol. Je fronce les sourcils, une envie irrépressible de courir au dehors de la chambre et vérifier qu'il n'ait rien me prenant aux tripes, quand bien même je suis incapable de marcher droit. Seulement je n'ai pas à le faire, Malo refaisant tout à coup son apparition. Il ne s'arrête cependant pas à l'encadrement de la porte comme précédemment, marchant cette fois directement vers moi. Son visage n'a plus rien d'inexpressif, sa voix n'a plus rien d'éteinte alors qu'il s'exprime :
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Romance« N'aimez jamais quelqu'un qui vous traite comme une personne ordinaire » ~ Oscar Wilde. Ordinaire. Au contraire, ce mot a toujours irrésistiblement attiré Rafael. Sa vie n'a jamais eu la prétention de pouvoir se revendiquer comme telle. Lui-même...