— Raffou !
Ce surnom m'est clairement inconnu, inédit, le propriétaire de la voix me l'étant cependant beaucoup moins. Mon visage s'illumine de lui-même quand je vois Amyn courir à grandes enjambées dans ma direction, Gabriel et Thomas sur les talons. Mon équipe tant aimée est presque réunie au complet, provoquant en moi l'un des meilleurs sentiments au monde. Celui de se sentir finalement à sa place. Cette impression est si forte que je sais mes yeux s'embuer. Or j'ai tellement pleuré au cours des derniers jours que je ne me fais pas d'inquiétude, aucune réelle larme ne pourra plus m'échapper, c'est de l'ordre de l'impossible. J'ai tout juste le temps d'ouvrir en grand mes bras quand Amyn arrive à ma hauteur que ce dernier s'y jette allègrement. Deux chocs supplémentaires viennent se rajouter simultanément et me voilà bientôt au cœur d'un véritable câlin collectif. Je sens une main me frotter vigoureusement les cheveux, le poing fermé. Je me contorsionne alors pour tourner la tête, découvrant un Thomas radieux.
Oh oui, ils m'ont manqués.
— Vous allez continuer de me prendre pour votre ours en peluche encore longtemps ? Où vous me laissez me changer ?
L'effet est immédiat, tous reculent d'un bond suite à mes paroles. Je les vois légèrement froncer les sourcils mais ils n'arrivent pas à me cacher leur excitation, elle est nettement trop visible. Je crois qu'ils restent simplement sur leurs gardes, sans doute par peur de se méprendre.
— Tu veux courir ?
Gabriel vient de s'exprimer d'une petite voix, comme un enfant qui aurait peur que l'on vienne lui retirer son jouet. Je pourrais les laisser languir dans cet état d'incertitude, je pourrais. Mais je ne suis pas sadique, et plus que tout courir à leur côté me tarde tout autant.
— Et comment que je veux courir.
Je ne suis pas surpris de les voir crier à outrance, tout comme je ne suis pas surpris d'attirer les regards des autres personnes présentes, athlètes comme visiteurs. Disons que je me suis habitué. Je vais même jusqu'à rire sincèrement, alors que je n'ai pu parvenir à ne serait-ce que sourire depuis de longs jours. Me changer dans mes anciens vestiaires, quand bien même je n'appartiens plus réellement à l'Équipe Espoir, me serre étrangement le cœur. Ces deux mois et demi passés aux États-Unis ont été courts, intenses, inestimables. Or ma place reste ici, je le sais. Tout en moi le sait. Rentrer aura été bien plus catastrophique que le pire de mes cauchemars, cependant cette semaine aura au moins le mérite de m'apporter son lot de douceur, aussi dérisoire cela puisse-t-il peser dans la balance finale.
Mon coach de l'année dernière, celui nous ayant amenés au niveau que nous sommes aujourd'hui et à qui nous devons tellement, n'est pas présent aujourd'hui. J'aurais aimé le revoir. Ceci-dit aucun coach n'est présent aujourd'hui, tout simplement parce que ce n'est pas un jour d'entraînement. Mes amis sont ici sur leur temps libre, ce qui ne m'étonne aucunement. Là où notre entourage pourrait y voir une passion envahissante, nous n'y voyons pour notre part qu'une partie intégrante de nous-même. Je sais qu'eux aussi le ressentent. C'est pourquoi j'accueille avec un soulagement sans nom une de mes plus vieilles amies, cette bulle venant m'englober dès mes premières foulées. Mes coéquipiers me connaissent, ils savent que c'est un moment où il ne sert à rien de chercher à m'atteindre. J'ai néanmoins conscience de leur présence, à courir à mes côtés, ce qui me suffit amplement. Sans nous concerter nous décidons cependant d'un commun accord de ne pas pratiquer de relai. Ces retrouvailles sportives sont une délivrance, seulement personne n'en oublie que nous ne sommes pas au complet. Nous nous sommes bien entendu entraînés au relai à maintes reprises en l'absence de l'un d'entre nous mais je n'en ai pas le désire aujourd'hui. Je ne demande qu'à profiter de ce qui m'est offert sans penser à ce qui me manque encore.
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Romance« N'aimez jamais quelqu'un qui vous traite comme une personne ordinaire » ~ Oscar Wilde. Ordinaire. Au contraire, ce mot a toujours irrésistiblement attiré Rafael. Sa vie n'a jamais eu la prétention de pouvoir se revendiquer comme telle. Lui-même...