Chapter 17

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— Tu pars ?

Ma voix est blanche, mais je ne trébuche pas sur mes mots. Je ne bégaye pas. Je ne détourne pas le regard. Je le fixe au contraire, comme le parfait fantôme de moi-même. Je suis vide et creux, me contentant d'attendre pour le coup fatale. Ce dernier ne tardant pas.

— Je préfère d'abord en discuter... mais oui. Je pars.

Je vois ses yeux me détailler, puis se fermer doucement. Lui ne semble pas supporter mon regard. Pourquoi ? Pourquoi de nous deux faut-il que ce soit lui qui estime ce geste trop dur ? Il cause lui-même la situation, pourquoi ne pas l'assumer pleinement ?

— J'ai préféré venir chez tes parents à mon arrivée, pour pouvoir être avec ton père. Mais tu sais que j'ai gardé notre appart à Paris, pour quand on reviendrait. Vu comment il a été difficile de nous l'obtenir... Bref, maintenant que tu es toi aussi ici... le temps de ta présence je... moi je pars m'installer là-bas. Mais ce n'est pas toi que je fuis Rafael.

— C'est exactement moi que tu fuis.

Ses yeux ne se rouvrent pas alors qu'il prend une profonde inspiration. La maison est plongée dans le silence, Gab, Sam et Kat nous ayant laissés pour parler. La main de Malo se posant sur la mienne manque alors de me faire sursauter, et quand mon regard se pose sur le sien je constate qu'il me fait à nouveau face. La détresse que je lis dans ses yeux me donne envie de courir, loin, très loin. Or sa main se resserre sur la mienne, m'empêchant tout autre mouvement que celui de le suivre, jusqu'au canapé du salon. Le parallèle me percute soudainement, de plein fouet. C'est déjà ici que nous avions eu une lourde discussion. L'issue n'en avait pas été des plus reluisantes. Pourquoi ai-je l'impression que ce n'est qu'un grain de sable en comparaison de ce qui m'attend aujourd'hui ?

— Ne crois pas que ça me plaise, Rafael. S'il n'y avait que Phil, je ne dis pas. Sa rancœur n'est basée que sur une unique chose : sa profonde homophobie. J'ai porté la main sur lui Rafael, je l'ai giflé. J'ai perdu tout contrôle, je ne me reconnais plus moi-même. Et résultat je n'ai fait qu'empirer la situation, notre dispute s'est retrouvée dans tous les journaux. Mais ça n'empêche qu'avec Stéphane nous serions prêts à le laisser nous attaquer en justice... s'il n'y avait que lui.

— Quelle différence ça fait qu'il y ait ma mère ? Elle est toute aussi folle que lui, elle est complètement malade.

Je vois ses yeux s'embuer à mes mots, si bien que je me sens à mon tour sur le point de pleurer rien que de le voir si soudainement fragile.

— Oui Rafael, elle est malade. Elle est réellement tombée malade. Elle...

Sa voix tremble, tant et si bien qu'il ne finit pas sa phrase. Du moins pas du premier coup, puisque déjà il reprend, sa voix néanmoins loin d'avoir retrouvé ses nuances coutumières d'assurance :

— Elle est en dépression chronique depuis plusieurs semaines, et ton père m'a dit qu'elle est aussi devenue dépendante aux tranquillisants. À cause de nous.

C'est au tour de mes mains de trembler, si bien que je force pour les retirer de l'emprise de Malo, les ramener vers moi dans une puérile mais instinctive tentative de protection. Je n'en avais aucune idée. Sam ne m'en a rien dit. Je doute même qu'elle est été mise au courant.

— Mais... Je... nous...

Mon masque si impassible, ma coquille si vide jusqu'ici, tout se fissure. Mon amour a causé la santé de ma mère. Je n'ai jamais rien voulu de tout ça. L'amour est le sentiment le plus beau qu'il m'ait été donné à éprouver, comment peut-il engendrer de telles disproportions ? Pourquoi certains y voient toute cette noirceur là où mes yeux ne perçoivent que beauté ?

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