L'espérance

33-La fausse aux lions

Je comprenais un peu mieux les réactions contradictoires de Romain, ainsi que ses doutes de ce matin.
J'étais cependant heureuse qu'il m'ait laissé entrapercevoir une partie de ses blessures profondes, même si j'avais l'impression qu'il restait encore des parts d'ombres, qui cachaient des blessures encore plus ancré en lui, bien que je vous l'accorde il semblait difficile de faire pire.

J'avais frémit tout au long de son histoire, et je pouvais dire que Romain cachait bien son jeu, s'il ne s'était pas confié autant à moi, je n'aurais jamais pu voir qu'il était autant blessé. Sa carapace était vraiment solide, mais aussi très lourde à porter à un si jeune âge, il avait vécu tant de choses et d'atrocités, que je me demandais comment il faisait pour tenir encore debout sans s'effondrer face à ce fardeau, et je me trouvais soudain un peu ridicule et faible face à mon abandon.

Romain reprit rapidement sa carapace, en pressentant mes pensées sombres, et il redevint la personne forte qui semblait pouvoir tout contrôler. Il utilisa une nouvelle fois toutes ses forces pour me protéger encore et toujours, en posant ses mains rassurantes sur mes épaules pour me lâcher d'une voix grave :

— Je t'interdis de te comparer à moi Eline, tu m'entends, ce n'est pas parce que j'ai vécu des atrocités, qui semblent plus lourdes et plus nombreuses, que ça réduit les horreurs que tu as vécu. Aucune blessure n'est comparable à une autre, à partir du moment où elles blessent, et qu'elles font mal, peu importe leurs ampleurs, elles sont toutes légitimes. Moi j'ai eu de la chance, dans chacun de mes malheurs, je ne me suis jamais retrouvé seul, il y a toujours eu quelqu'un pour m'aider et m'accompagner. Je n'ai rien accomplis seul tu m'entends, et je n'aurais jamais pu, alors que toi tu as tout traversé toute seule, et tu as encore la force de te battre. Je ne te laisserai plus jamais te dévaloriser en ma présence, tu es une personne extraordinaire et je ne te laisserai jamais penser le contraire !

Je contemplais son regard magique bleu et vert, qui était tellement emplis de détermination, que je me surpris à croire en ses paroles, et à penser pour une fois dans ma vie, que je valais quelque chose, et que je méritais de vivre.

Il hocha la tête et me sourit comme s'il comprenait le fond de ma pensé et qu'il en était heureux.

Thomas qui avait enfin recouvré ses esprits, posa une main rassurante sur le dos de son ami, pour lui donner de la force, et lui faire comprendre qu'il allait bien. En les regardant tous les deux, je comprenais ce que voulait dire Romain, quand il parlait de ses frères. Ensemble ils avaient affrontés les pires épreuves, ce qui les avait liés à jamais. Ils savent donc lire entre les lignes, ils savent quand quelque chose ne va pas, surtout quand c'est bien caché derrière leurs robustes carapaces, et ainsi ils peuvent s'entraider et être heureux les uns pour les autres sans jugements. Je me demandais donc pourquoi Nathan se comportait ainsi, ce n'était pas logique même s'il avait peur que je nuise à Romain il devrait au moins soutenir ses décisions...

Bon assez cogité tous deux, je ne veux pas encore une fois faire le rabat-joie, mais il reste un peu moins de 50 minutes à Eline pour manger, et comme je sais que sa santé te tient vraiment à cur, nous n'avons donc pas d'autres choix que de partir rapidement.

Romain grogna sans pour autant donner tort à Thomas, et au contraire il lui prouva qu'il partageait son avis en ouvrant la porte tout en me faisant signe de le suivre. Ce que je fis sans même me poser de question. Romain partageait ma mine déçue mais reprit rapidement sa carapace de dirigeant en affichant une mine assurée sur laquelle ne planait aucun signe de faiblesse ou de doutes, ce qu'il m'avait pourtant montré de nombreuses fois aujourd'hui. J'étais triste car j'avais l'impression qu'il cachait en réalité sa véritable nature, et je n'étais pas sûr de revoir cette facette de lui avant un certain temps.