Chapitre 13

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Alexandre sentit son portable vibrer dans ses mains.

Ellis : Tu me penses toujours complotiste ? Lève le nez ! Avec un peu de chance tu vas nous voir passer. Je les fais courir pour toi, donc dépêche de me répondre, je n'aime pas les exhiber devant tout le monde.

Alexandre releva vivement la tête de son écran. Le message d'Ellis était pour le moins intriguant et le surprenait sur le chemin du retour, alors qu'il rentrait déjeuner chez lui. Sa camarade n'était-elle pas censée être en grec le jeudi de onze heures à midi et demi ? Son attention fut attirée par le mouvement qu'il perçut en périphérie haute de sa vision. Un groupe de personnes courait sur les toits. Il reconnut immédiatement la première silhouette, pourtant en contre-jour. Il avait trop vu cette silhouette sauter de toits en toits pour la manquer, il l'avait guetté des soirées entières. Enfin il avait la confirmation de son identité. Ellis.

Derrière elle courait un groupe d'une demi-douzaine de personnes tout de noir vêtues. La scène ressemblait drôlement à une course poursuite. Alexandre souffla du nez, amusé et confirma par message à Ellis qu'il l'avait repérée. Puis le jeune homme démarra au quart de tour, essayant de filer le groupe depuis le sol.

La rentrée reprenait fort. Après un lundi et un mardi somme toute tout à fait lisses et normaux, où il avait repris avec Ellis la relation qu'ils avaient avant sa blessure au poignet, et un mercredi premier mai férié des plus appréciable, ce jeudi prenait un fort virage et rompait avec la routine et la dynamique de cette rentrée. Alexandre rentrait déjeuner chez lui lorsqu'il avait reçu le message d'Ellis et se retrouvait désormais à prendre en chasse une camarade qui circulait sur les toits. Non, la routine, quoi.

Il tourna encore une fois à l'angle d'une rue, fit irruption au bout de l'impasse dans laquelle il lui avait semblé voir Ellis plonger, suivie par le groupe. Enfin, il la vit. Il retint sa respiration et balaya du regard cette scène insolite. Cela ressemblait vaguement à un combat ... ou à un massacre. Les hommes en noir étaient armés de poignards, d'épées, de sabres ou autres armes blanches tandis qu'Ellis se battait à mains nues. Mais elle les étendait sur les pavés les uns après les autres, sans égard pour cette considération pourtant non négligeable qu'était le port d'armes. Elle virevoltait tel un feu follet, jouant autant de ses mains et de ses pieds que de ses coudes et de ses genoux aussi effacement que s'il s'était agi de lames aiguisées, se glissant entre les mercenaires, plus insaisissable que la brise.

Ses adversaires n'étaient pas de taille à l'affronter. S'en rendaient-ils compte ? Ils continuaient à se battre avec la même ardeur malgré un nombre de combattants en action en chute libre. En quelques instants, elle était la seule encore debout. Ellis les avait étendus sur les pavés en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, et ce n'était pas franchement exagéré comme formulation car le temps qu'il arrive, elle fauchait les derniers. Il en siffla d'admiration. Elle leva la tête vers lui.

- Tu n'as pas été suivi dis-moi ? s'inquiéta Ellis.

- Pas que je sache, la rassura Alexandre.

Elle leva les yeux au ciel et soupira.

- A ton avis, pourquoi est-ce que les gens au courant comme moi n'avertissent pas tout le monde ? Avec les médias, ça pourrait aller très vite pourtant.

Alexandre réfléchit quelques instants.

- Je ne sais pas, parce qu'on va vous traiter de complotistes ?

- Presque, rectifia Ellis. Parce qu'une fois le doute instillé, les gens vont commencer à paniquer. Et que c'est dans la panique que s'effondre une civilisation comme la nôtre. On a besoin de pouvoir se défendre, donc de garder la tête froide. Voilà pourquoi. Donc je te prierai d'être un peu plus précautionneux sur le sujet, merci, débita-t-elle, sentencieuse.

EllisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant