Chapitre 36

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Ellis tourna moult fois sa tête en tous sens pour essayer de comprendre la situation. Le doute n'était pas possible, elle était bien seule dans la ruelle. Elle n'avait pas bougé d'un iota. Elle tenait encore son sabre à la main. En revanche, son étreinte sur le poignet du mercenaire s'était délitée quand ce dernier s'était dématérialisé.

Pourquoi n'avait-elle pas vécue la téléportation ? Et pourquoi, à contrario, Alexandre avait été emporté sans soucis ?

Ellis ne comprenait pas la raison de cette différence entre Alexandre et elle. Si, Alexandre était parti avec un mercenaire conscient, tandis qu'elle avait essayé de s'inviter à l'insu de la patrouille. Pourtant, par expérience empirique, Ellis savait que l'état d'éveil n'influait en rien sur la téléportation, puisque tous les mercenaires, qu'ils soient sur pied, inconscients ou même morts, tous se téléportaient sans différence entre ceux debout et ceux qui laissaient leur vie derrière eux.

Ellis contempla un temps la bourse de mouchards, rangée dans sa poche depuis qu'elle était percée. Elle imaginait aisément les cinq garçons entassés derrière l'écran qui localisait les mouchards de Nicolas. Ils devaient donc bien savoir qu'elle était toujours là. Elle soupira. Elle n'avait pas la force d'aller les voir et de s'expliquer, alors qu'elle-même ne comprenait pas ce qui venait de se passer.

Alors qu'elle allait quitter les lieux, Ellis remarqua soudainement un moignon abandonné sur le pavé. Elle en resta ahurie.

- Hein ? s'exclama-t-elle à haute voix. Comment quoi pourquoi ?

Elle se souvint enfin du mercenaire dont elle avait coupé l'avant-bras. Néanmoins, cela ne résolvait pas entièrement la situation. Qu'il y ait du sang dans la ruelle passe encore, la pluie nettoyait rapidement et efficacement. En revanche, cette main sur les pavés posait problème. Ellis ne pouvait la laisser sur place, surtout après la débâcle du combat de la veille. En soufflant et grimaçant, elle attrapa les doigts de cette main, les entrelaça aux siens.

Elle quitta la ruelle et rentra chez elle, traversant la ville sur les toits pour ne pas choquer, alors qu'elle emportait avec elle le sabre qu'elle avait récupéré lors de l'affrontement ainsi que la main qui pendait à ses doigts. En chemin, elle s'arrêta subitement et contempla la lame entre ses doigts. Elle resta immobile, le regard braqué sur l'arme qu'elle tenait. Cette arme était arrivée avec les mercenaires, mais, hors de leur contact, n'était pas repartie avec. Pourtant, ce n'était d'ailleurs pas la première fois qu'Ellis gardait une arme, puisqu'elle avait pris un poignard pour l'entraînement d'Alexandre, et déjà, plus jeune, elle avait chipé quelques lames de tous types, pour s'entraîner et apprendre le maniement des armes.

Toutefois, les soldats repartaient avec leurs armes, laissant des ruelles vides. Or, Ellis s'était tenue entre le mercenaire et son arme, elle aurait donc dû partir pour la base. La jeune fille eut une dénégation du chef et reprit son chemin.

Quant à la main ... Le mystère restait entier. De même que l'arme, la main ne s'était pas dématérialisée, n'était pas repartie avec la patrouille, alors qu'elle faisait pourtant partie d'un mercenaire, à l'origine. Pourquoi l'avant-bras n'avait-il pas suivi le corps auquel il appartenait ?

Chez elle, Ellis posa son sabre dans sa chambre, et se débarrassa de la bourse de mouchards sur son bureau. Elle contempla l'avant-bras encore accroché à ses doigts. Elle ignorait quoi en faire. Songeant que le mercenaire, avec les coups qu'elle lui avait porté, était peut-être plus mort que vif, elle hésita entre enterrer la main ici en France ou attendre de pouvoir partir pour la base et donc lui porter le membre amputé. Elle préféra enterrer le membre sur place, notamment parce qu'elle ignorait quand elle pourrait partir, et aussi qu'il lui serait encombrant de le rapporter à son corps.

EllisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant