Chapitre 14

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Alexandre était fébrile en revenant en maths en début d'après-midi. La scène de fin de matinée tournait en boucle dans son esprit. Il se planta dans le couloir avec une marge d'avance plus que confortable et patienta. Antoine fut le premier à arriver. Les deux garçons se sourirent.

- J'attends Ellis, j'ai des questions à lui poser, prévint Alexandre d'entrée de jeu.

Antoine notifia qu'il avait entendu avec un hochement de tête.

- Mais on peut discuter ? s'assura-t-il.

- Oui bien sûr ! Jusqu'à ce qu'elle soit là, précisa Alexandre.

- Si je peux me permettre, qu'as-tu à lui demander ? s'enquit Antoine.

- Par rapport à toute l'histoire de son ventre, si tu te souviens, l'informa-t-il.

- Ah oui ! Tu sais si elle est guérie ?

- Je dirais oui, même si je n'ai pas vu sa plaie depuis qu'elle l'a suturé sous mes yeux, il y a de cela trois semaines. Tiens, en parlant du loup, la voilà. Tu m'excuseras auprès des quatre autres.

- Pas de soucis, lui sourit Antoine alors qu'Alexandre bougeait vers Ellis.

Enfin la demoiselle arriva à la hauteur de la salle de cours et posa son sac devant la porte. Alexandre se planta fermement devant Ellis.

- Tu es la seule à te battre ? demanda-t-il de but en blanc.

- Que je sache, oui. Dans la ville, je n'ai jamais croisé qui que ce soit d'autre, le renseigna-t-elle.

- Mais comment as-tu su, alors ?

- Ma mère savait et se battait, lui révéla-t-elle. En revanche, c'est vrai que je ne sais pas comment elle en a eu vent. Pour moi, elle a toujours su. Aussi loin que remonte ma mémoire, elle a été mon mentor, elle m'a entraînée pour que maintenant je sois apte à me battre, et à vaincre. Et maintenant c'est moi qui m'en vais provoquer les patrouilles.

- Tu parles d'elle au passé. Elle est ... s'inquiéta Alexandre.

- Elle a passé l'arme à gauche, oui, il y a de ça cinq ans. Presque six maintenant. Un combat où elle est tombée sur plus fort qu'elle. Elle les a étendus, mais a succombé à ses blessures. Un sabre lui avait sectionné l'artère de l'aine. Je l'ai retrouvé bien après. Elle s'était éteinte, se perdit Ellis dans ses souvenirs.

- Je suis désolé, je ne voulais pas, s'excusa Alexandre, contrit.

- Non, ne t'en fais pas, ça va. Je n'ai pas de problème à en parler. La mort fait partie intégrante de la vie, même si elle n'est jamais juste ni méritée. J'ai dû accepter cette idée, à frôler et défier la mort parfois plusieurs fois par jour. J'ai fait mon deuil. Elle a été une mère formidable, une combattante émérite, et maintenant je reprends le flambeau et je me bats pour empêcher ce qu'elle ne voulait pas voir arriver. C'est ma façon de la garder en vie, de lui rendre hommage, expliqua Ellis.

Un doux sourire flottait sur son visage. Alexandre saisit toute la beauté et la noblesse de la vision de la jeune fille. Il marqua un silence, par respect. Les deux jeunes gens restèrent sans parler jusqu'à l'arrivée de l'enseignante de maths.

La classe entra à la suite de la professeure dans un joyeux désordre. Peu à peu, les élèves se fixèrent à leur place et sortirent leurs affaires de maths. Le calme revint progressivement et la professeure pu démarrer son cours. Elle donna une liste d'exercices pour que ceux qui le souhaitaient puissent avancer et reprit la correction d'un exercice, coupé par la sonnerie en fin d'heure précédente. Alexandre et Ellis décrochèrent de ce que racontait la professeure au tableau pour se plonger dans les exercices. Alexandre se déconcentra suffisamment des mathématiques pour avoir des velléités de reprendre la conversation interrompue dans le couloir.

EllisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant