Chapitre 5

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L'incongruité de la situation sauta aux yeux d'Alexandre. Ellis. A sa fenêtre. Au troisième étage. Alors que la nuit était tombée. Il resta un temps interdit. Ellis frappa à nouveau au carreau. Enfin Alexandre réagit. Il s'étira vers la fenêtre et l'ouvrit. La jeune fille se coula dans l'ouverture. Ses mouvement étaient emprunts d'une grâce et d'une aisance incroyables. Alexandre avait bien remarqué qu'elle se mouvait différemment, en mieux, au kravmaga et en ju-jitsu, mais elle semblait avoir encore franchi un cran.

Il fut tellement scotché par la fluidité de ses mouvements qu'il mit un temps à se rendre compte de la mine de souffrance pure d'Ellis, puis de ses mains crispées sur son ventre, et enfin de sang qui dégoulinait de son abdomen sur ses doigts. Ses yeux s'agrandirent comme des soucoupes. Il eut comme un mouvement de recul. Il devait être en train de rêver, c'était la seule explication plausible. Qu'est-ce que ?... Ellis, débarquer chez lui tard le soir, le ventre ouvert ? Du délire. De la folie pure et simple. Et pourtant ... Quand elle ouvrit la bouche, Alexandre dut bien se convaincre que tout était parfaitement réel et vraiment en train d'arriver.

- Alexandre, au lieu de rester planté là, va plutôt me chercher une trousse de secours, grimaça-t-elle, les dents serrées pour contenir la douleur. Avec du nécessaire à couture si tu as, j'aurais bien besoin de points de suture.

Toujours sous le choc, Alexandre se leva et alla chercher à la salle de bain la trousse à pharmacie. Il farfouilla un peu pour regarder au fond. Par un impensable miracle, sa mère, toujours stressée à l'idée qu'il lui arrive quoi que ce soit, et qui bourrait la trousse à pharmacie, un plein sac pour dire vrai, de tout un milliard de trucs inutiles, y avait aussi joint un nécessaire de suture. Le jeune homme rapporta le sac à la chambre.

Ellis s'était assise sur son lit. Elle avait déchiré son haut pour révéler complètement l'horrible plaie qui lui barrait le ventre de gauche en droite. Alexandre détourna aussitôt les yeux. La blessure était trop moche à voir pour lui, qui était pour la première fois confronté à une blessure pareille. Il s'avança doucement, n'osant pas vraiment regarder de peur d'avoir envie de vomir. Quand il fut suffisamment proche, Ellis saisit le sac assez brusquement.

- Merci, crissa-t-elle des dents.

Elle ne perdit pas une seconde. Du sac, elle extirpa une bouteille d'alcool à 90°, des compresses stériles, le matériel de suture et d'autres éléments utiles. Alexandre l'observait à la dérobée, hésitant entre dégoût et curiosité irrépressible. Ellis s'affairait sans plus lui prêter attention. Ses dents étaient fermées sur une chute de tissu déchiré. Elle commença par désinfecter sa plaie à l'alcool, sans y aller de main morte. Elle grimaça fort et Alexandre comprit l'utilité du bâillon de tissu. Ellis le mordit de toutes ses forces pour ne pas laisser échapper de cri mais le traitement ne devait pas être agréable. Puis elle désinfecta l'aiguille, passa le fil dans le chas et prit une profonde inspiration. Elle crispa sa mâchoire sur le tissu. Elle passa l'aiguille dans sa peau et rapprocha les bords de la plaie. Elle cousit ainsi tout du long.

Alexandre la regarda faire, effaré. Sans anesthésie, elle était en train de se recoudre le ventre, une plaie affreuse qui l'entaillait du flanc gauche jusqu'à la hanche droite. Il admira sa résistance à la douleur. 

Alexandre sursauta mais Ellis ne marqua aucune réaction quand, dans l'entrée, la clef tourna dans la porte et Daniel passa le seuil.

- Alexandre ? appela-t-il. J'ai les courses et des pizzas pour le dîner.

Figé, l'adolescent écouta les pas de son père arriver à la cuisine, sans pouvoir détacher son regard d'Ellis qui continuait à se recoudre, inconsciente du trouble d'Alexandre. Le jeune homme était en stress intense. Son père allait découvrir Ellis, et alors que se passerait-il ? Il voudrait certainement appeler les secours, et Alexandre réalisa que c'était peut-être ce que lui-même aurait déjà dû faire. D'un autre côté, Ellis n'était jamais en tort, alors elle devait avoir ses raisons pour ne pas être allée aux urgences plutôt que chez lui. Alexandre était partagé. Il revint à la réalité avec la voix de son père qui s'éleva à nouveau depuis la cuisine. Il ne s'était pas écoulé plus d'une dizaine de secondes.

EllisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant