Chapitre 19

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Alexandre regarda l'heure. Allez, il avait encore le temps d'initier pareille conversation. Il restait un peu moins d'un quart d'heure avant la fin du cours d'espagnol, avec un peu de chance, ce serait suffisant. Le jeune homme prit une grande inspiration et se lança.

- Les gars, s'il vous plaît, reparlez-moi. Je suis désolé, je ne veux pas vous exclure, c'est pas le but, fit-il ses excuses.

- Depuis combien de temps tu joues double jeu ? rétorqua Lucas, qui visiblement n'acceptait pas lesdites excuses.

- Je vous ai tenu au courant tout du long, vous avez su pour son ventre ! se défendit Alexandre.

Son ami le fixa avec une moue dubitative, incitant Alexandre à développer son plaidoyer.

- Elle m'a raconté toute l'histoire juste avant les vacances, donc c'est récent. Et comme toutes les vacances je l'ai pensée complotiste tellement c'était rocambolesque, en effet je ne vous ai pas mis au courant. J'attendais la vérité pour vous informer. Ce n'est qu'en fin de semaine dernière que nous nous sommes reparlés. Non, ça ne s'est pas passé comme ça. Elle a eu une preuve à m'apporter, preuve que tout ce qu'elle m'avait dit était vrai. J'ai été obligé de plier tellement c'est impossible à falsifier, comme preuve. En revanche, c'est une circonstance particulière, d'où le temps d'attente entre le récit et la preuve. Je ne tiens pas particulièrement à me faire passer pour un adepte de théories du complot, c'est aussi pour ça que je ne vous dis pas, c'est vrai, admit-il. Mais les gars, s'il vous plaît, j'ai pas envie de perdre notre amitié sur une brouille aussi nulle. S'il vous plaît.

Alexandre ignora délibérément la grimace d'Ellis aux mots bannis « complotiste » et « théorie du complot » pour se concentrer sur les réactions de ses amis. Lucas eut un rictus.

- Vraiment ? Peut-être aurait-il fallu y réfléchir avant, ne crois-tu pas ?

- Certainement, s'aplatit Alexandre devant son meilleur ami. Mais je ne réfléchis jamais assez, tu me connais.

Sa boutade n'eut pas l'effet escompté, et seul le silence lui répondit.

- Peut-on au moins faire comme si cette histoire n'existait pas ? quémanda Alexandre.

- C'est justement le sujet de notre différent, fit remarquer Antoine, acerbe.

Alexandre retint un soupir. Ils ne se réconcilieraient pas de la sorte, pas si chacun restait campé sur ses positions. Pour autant, Alexandre estimait avoir fait un pas suffisant vers ses amis et attendait la même chose d'en face. D'autant qu'il pouvait difficilement faire plus sans se faire derrière tordre le cou par une Ellis furieuse.

- Vraiment, je vous ai dit tout ce que je pouvais vous dire. Après, ça confine à la théorie du complot, et si je vous le dis maintenant c'en est terminé de notre amitié, tellement vous allez me prendre pour un imbécile fini.

- Tout est dit, conclut Lucas en se replongeant dans son travail.

Alexandre en resta coi de stupeur et de tristesse. Donc ils ne se réconcilieraient pas ? Alexandre considéra ses amis un à un. Tous gardaient soigneusement le nez dans leur cahier, de sorte qu'il ne croisa aucun regard. Les cinq garçons s'étaient bel et bien ligués contre lui.

Son regard croisa enfin celui d'Ellis. Elle s'était tenue silencieuse durant toute cette conversation avec ses amis, les laissant régler leurs problèmes entre eux. Toutefois, les propos d'Alexandre, guère positifs, avaient rongé sa patience et fortement entamé son sourire. Elle semblait d'humeur massacrante. Elle le fustigea du regard. Si ses yeux avaient été meurtriers, Alexandre aurait trépassé, foudroyé sur place. Il rompit le contact visuel en baissant à son tour la tête vers son travail, malheureusement achevé. Il fit mine de reprendre un stylo et fut sauvé par la sonnerie, qui le dispensa d'avoir à feindre une occupation.

EllisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant