Dans les songes de Kaelia [Terminé]

Chapitre 27 : Aussi muet qu'une carpe

Assise en tailleur sur la pelouse qui jonche l'université, j'observe les oiseaux faire des va-et-vient d'arbre en arbre ne sachant sur quelle branche se poser. J'attends patiemment depuis une dizaine de minutes qu'Ophélia vienne avec le déjeuner, comme nous nous étions arrangées hier soir au téléphone. Ces derniers temps, notre groupe connaît quelques difficultés à cause de notre couple. Nous avons du mal à nous réunir sans qu'une dispute s'enclenche.

J'ai progressivement décidé pour le bien-être de Trystan et pour le laisser réfléchir, de m'éloigner de mes amis ce qui me fend le cœur. Ophélia prend régulièrement de mes nouvelles tout comme Noélie, mais ce n'est plus vraiment pareil. Nous mangeons souvent ensemble le midi dans le parc de l'Université quand les garçons ont un entrainement de football, mais la plupart du temps je me retrouve seule.

Cela fait maintenant plus de deux semaines que je n'ai pas parlé à Trystan. Il ne souhaite toujours pas m'adresser la parole persuadée que je vois Amaël en cachette alors que celui-ci ne vient pas à l'université. D'ailleurs, je ne l'aperçois nulle part que ce soit à la faculté, sur les chemins de promenades avec Taz ou même dans mes rêves. Il est aux abonnés absents forcément.

L'arrivée d'Amaël dans ma vie a vraiment tout foutu en l'air, que ce soit ma relation avec mon copain, mon sommeil ou encore mes pensées. Je n'ai pas cessé de lui envoyer des messages et appels durant les premiers jours suivants la soirée au bowling, mais il ne m'a jamais répondu et depuis son téléphone est hors service à croire qu'il ne veut plus jamais entendre parler de moi. La belle affaire ! Quand tout le monde me tourne le dos, celui qui a mis la pagaille en fait de même.

Je me suis progressivement fait à l'idée que je n'allais jamais le revoir et cela m'a, étrangement, brisé le cœur comme si nos engueulades et nos prises de tête allaient me manquer. Les nuits sans lui sont redevenues comme avant qu'il n'apparaisse dans ma vie. Je n'ai jamais eu le répit d'un rêve dans ce champ de coquelicot qui m'apaisait tant l'esprit. Les cauchemars de l'accident de ma mère sont revenus comme un cheval au galop à mon plus grand désespoir.

— Kaelia ! s'écrie Ophélia tout en me serrant dans ses bras fins.

Elle est beaucoup attristée par la tournure des événements et de mon retrait volontaire au sein de notre groupe d'amis. Elle avait essayé à plusieurs reprises de m'inviter à leur soirée télé, mais Trystan avait été catégorique, il ne voulait pas me voir pour le moment. Du coup, elle avait mis un terme à la plupart de leurs réunions avec le soutien de Noélie. Elles ne supportaient plus de nous voir séparer tout comme moi d'ailleurs.

— Tu nous as manqué, s'exclame Noélie tout en posant nos sandwichs sur l'herbe fraichement coupée. Trystan est d'une humeur de cochon depuis une semaine, il est insupportable. Je ne sais pas comment tu as fait pour tenir, ne serait-ce qu'une journée entière en sa compagnie.

Je souris à mon amie en me remémorant le comportement qu'il avait lorsqu'un événement lui déplaisait ou n'allait pas dans son sens. C'était celui-là qu'il adoptait chaque fois que son équipe de football n'avait pas gagné le match, ce qui arrivait de temps en temps.

— D'ailleurs en parlant de lui, enchaîne Ophélia avec un petit sourire en coin. Il n'arrête pas de poser des questions sur toi à longueur de journée. Est-ce que Kaelia va bien ? Est-ce que Kaelia viendra quand même au chalet pendant les vacances ? Et j'en passe... Je pense que tu lui manques atrocement.

— Tout comme moi ! Il a plus qu'à me répondre si je lui manque tant que ça. Tous mes messages restent sans réponses ou alors je reçois un « je n'ai pas le temps de t'adresser la parole ». Il faudrait savoir ce qu'il veut.

— Ce n'est pas gagné avec vous deux... soupire Noélie lasse de nos histoires de cœur.

Après cet aparté sur Trystan, nous décidons que c'était le moment de manger. Nos estomacs crient famine et je ne peux résister à l'appel des sandwichs du café des Délices qui sont mes préférés de toute la ville. Je n'ai pas eu l'occasion d'y remettre les pieds, car trop de souvenirs sont associés à cet endroit notamment ma rencontre avec Trystan, il y a maintenant presque plus d'un an.

Nous discutons de tout et de rien comme si les journées sans elle n'avaient jamais eu lieu. Cela fait du bien de retrouver ses amies et un semblant de vie normale. Sans copain certes, mais j'accepte ce qu'on me donne.

Soudainement, je sens que le regard d'Ophélia dirigé derrière moi se fait de plus en plus insistant. Qui peut-elle bien observer de la sorte ? Dans un élan d'espoir, je me retourne avec le sourire aux lèvres pensant qu'Amaël se trouverait juste dans mon dos prêt à m'expliquer son absence. Mais il n'en est rien. Trystan et Ewan se sont assis très proches de nous comme si nos deux groupes ne forment qu'un comme à l'accoutumée.

— Salut, les filles, prononce Ewan tout en allant serrer Noélie dans ses bras et l'embrasser amoureusement.

La situation est vraiment étrange, personne n'ose parler. Ophélia scrute son sandwich avec une telle intensité qu'on dirait que c'est la première fois qu'elle en voit un. Ewan et Noélie ne cessent de se faire des câlins tandis que Trystan reste assis à un mètre de moi sans m'adresser un seul regard.

Je n'ai qu'une envie, c'est de lui montrer qu'il compte toujours à mes yeux, mais d'un autre côté, quelque chose m'en empêche, sans que je sache pourquoi. Décidée à ne pas lui adresser la parole en premier, j'observe à mon tour mon sandwich poulet crudité avec autant d'avidité qu'Ophélia.

Sentant le malaise grandissant s'installer entre nous tous, Noélie intervient.

— Les gars ! Arrêtez vos conneries et adressez-vous au moins la parole. Un bonjour, ce n'est pas la mort non plus.

Aucun son n'arrive à franchir la barrière de ma bouche et Trystan reste aussi muet qu'une carpe à croire qu'aucun de nous ne souhaite rétablir la situation.

— Vous avez besoin qu'on vous présente peut-être ? nous nargue Ewan hilare de nous voir réagir de la sorte. Kaelia, je te présente Trystan mon meilleur pote et Trystan, je te présente Kaelia.

— Je sais très bien qui elle est, intervient Trystan d'une voix dure et franche comme je n'ai jamais entendu.

Cette fois-ci, je ne peux plus supporter de le savoir autant en colère contre moi, pour quelque chose que je n'ai pas fait, qui plus est pour quelque chose que je ne maîtrise pas. Je me lève laissant mon déjeuner sur la pelouse, ramasse mes affaires et le regarde droit dans les yeux.

— Si tu ne peux pas comprendre que je ne contrôle pas mes rêves, c'est que tu es un idiot. Au bout d'un moment, j'en ai marre. Tu ne crois pas que j'en ai assez bavé durant ces deux semaines où tu n'as jamais voulu décrocher un seul de mes appels ou répondre à mes messages. Si tu ne peux pas passer à autre chose, je préfère qu'on arrête là ! m'exprimé-je avec rage.

Je salue mes amis bouche bée et me dirige vers la sortie du parc tout en adressant quelques mots à Trystan choqué de mon annonce.

— Pour ta gouverne, il ne s'est jamais rien passé avec ce gars que ce soit dans mes rêves ou non ! La seule personne avec qui je voulais être, c'était toi !

De nombreuses larmes s'échappent par mégarde de mes yeux tandis que j'observe une toute dernière fois mon ex tétanisé. Il ne cherche même pas à me retenir, alors je commence à courir à perde haleine vers chez moi laissant derrière moi, une partie de ma vie.

Ce déjeuner a pris des tournures plus qu'inattendues. Moi qui espérais retrouver mon Trystan et obtenir son pardon, voilà que je le plaque suite à des paroles un peu rudes à mon égard et à un regard froid. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? 

***

Coucou !

J'espère que vous allez bien et que cette semaine s'est bien passée.

Aujourd'hui, on se retrouve pour un chapitre avec le point de vue de Kaelia, j'espère qu'il vous plaira ;)

Que pensez-vous du choix de Kaelia vis-à-vis de Trystan ? 

Comme d'habitude n'hésitez pas à commenter ainsi qu'à voter cela me ferait extrêmement plaisir !

Bisous :)